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Quand le droit pénal se saisit de l’absentéisme scolaire. Par Emeline Sellier.
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Parution : mardi 17 février 2015
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Les faits sont suffisamment rares pour avoir retenu l’attention de l’opinion publique et de la presse.
Lundi 9 février 2015, une mère de famille a été condamnée par le Tribunal correctionnel de Valenciennes à quatre mois d’emprisonnement avec sursis, en raison de l’absentéisme répété de son fils de douze ans, scolarisé au collège.
Le jeune garçon qui aurait déjà cumulé les absences au cours de l’année 2012-2013 redoublait sa sixième. Depuis la rentrée, il aurait été absent 79 demi-journées. En l’absence de réaction de la mère tant aux propositions des services éducatifs qui suivent déjà l’enfant qu’aux injonctions de l’Education nationale, la principale du collège a fini par alerter le parquet qui a décidé de renvoyer la mère de famille devant le Tribunal correctionnel. [1]
Ce fait divers qui précède de quelques jours la publication, par le Ministère de l’Education nationale, d’une note d’information consacrée à l’absentéisme scolaire [2], est l’occasion de faire le point sur la répression de ce phénomène.
Depuis la loi Jules Ferry du 28 mars 1882 [3], l’instruction - et non l’école contrairement à une idée répandue - est obligatoire.
Cette obligation, qui figure désormais dans le Code de l’éducation [4], vaut pour les enfants de six ans et jusqu’à seize ans révolus depuis l’ordonnance du 6 janvier 1959 [5].
Le fait de refuser d’inscrire un mineur dans un établissement d’enseignement en dépit d’une mise en demeure de l’autorité de l’État compétente est d’ailleurs érigé en délit [6] depuis la loi du 18 décembre 1998 [7].
Les parents restent néanmoins libres des modalités de cette instruction et peuvent opter pour l’instruction en famille ou pour la scolarisation dans un établissement public ou privé sous contrat ou hors contrat.
Si l’instruction est une obligation, elle est également un droit pour chaque enfant, comme le rappelle la Convention Internationale des Droits de l’Enfant [8], garantissant « d’une part, l’acquisition des instruments fondamentaux du savoir, des connaissances de base, des éléments de la culture générale et, selon les choix, de la formation professionnelle et technique et, d’autre part, l’éducation lui permettant de développer sa personnalité, son sens moral et son esprit critique d’élever son niveau de formation initiale et continue, de s’insérer dans la vie sociale et professionnelle, de partager les valeurs de la République et d’exercer sa citoyenneté » [9].
Parce que « l’assiduité scolaire constitue un devoir pour les enfants, une obligation pour les parents et une chance pour les familles » [10], on comprend que le Gouvernement ait fait de la lutte contre l’absentéisme scolaire une priorité absolue, ce qu’il n’a pas manqué de rappeler dans une circulaire relative à la prévention de l’absentéisme scolaire, publiée en décembre dernier et débutant en ces termes « La prévention de l’absentéisme scolaire constitue une priorité absolue qui doit mobiliser tous les membres de la communauté éducative. Chaque élève, qu’il soit soumis à l’obligation scolaire ou qu’il n’en relève plus, a droit à l’éducation, un droit qui a pour corollaire le respect de l’obligation d’assiduité, condition première de la réussite scolaire » [11].
Le Code de l’éducation prévoit donc un contrôle de l’assiduité des élèves et une intervention du directeur académique auprès des parents concernés en cas d’absences répétées de leur enfant. En cas d’échec des procédures de concertation avec la famille, il est prévu que le procureur de la République, saisi par le directeur académique, puisse engager des poursuites pénales.
L’inertie des parents [12] face à l’absentéisme scolaire de leur enfant relève d’une contravention de quatrième classe depuis un décret du 19 février 2004 [13].
L’infraction consiste, de la part des parents, à ne pas imposer à leur enfant le respect de l’obligation d’assiduité scolaire après avertissement donné par le directeur académique, à moins de lui faire connaître des motifs d’absences légitimes, valables et exacts [14].
L’amende encourue est au maximum de 750 euros [15], bien loin de la peine prononcée à l’encontre de cette mère de famille ce lundi 9 février 2015.
Et pour cause, elle n’était pas poursuivie pour manquement à l’obligation d’assiduité scolaire mais pour « abandon d’enfant » qui constitue un délit et qui réprime le fait, pour le père ou la mère, « de se soustraire, sans motif légitime, à ses obligations légales au point de compromettre la santé, la sécurité, la moralité ou l’éducation de son enfant mineur » [16].
« L’abandon » est constitué par la violation des devoirs liés à l’exercice de « l’autorité parentale », définie par le Code civil comme « un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant ». Elle appartient aux parents afin de protéger le mineur « dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne » [17].
L’étendue des obligations parentales est donc vaste car elles comprennent un aspect tant matériel que moral et éducatif. Tombe ainsi sous le coup de la loi pénale le laxisme de certains parents à l’égard de l’absentéisme scolaire de leur enfant.
Le délit requiert néanmoins la conscience et la volonté, de la part des parents, de se soustraire aux devoirs liés à l’exercice de l’autorité parentale au point de compromettre la santé, la sécurité, la moralité ou l’éducation du mineur.
Dès lors, l’infraction ne sera pas constituée si les parents ont agi en vertu d’un « motif légitime ». Il ne s’agit pas de tenir compte des mobiles des parents, les mobiles étant traditionnellement indifférents en Droit pénal, mais de prendre en compte des motifs qui rendraient la répression pénale inopportune.
C’est la ligne de défense adoptée par la prévenue lundi dernier qui a tenté (par la voix de son Avocat car elle n’était pas présente à l’audience) de justifier les absences de son fils en expliquant qu’il était sujet à des crises d’asthme répétées. Elle n’a toutefois fournit aucun justificatif médical susceptible de confirmer la pathologie et les services éducatifs démentent une maladie chronique [18]. La reconnaissance de culpabilité semblait donc inévitable.
La décision n’est toutefois pas sans précédent même si les condamnations de parents de ce chef de prévention sont rares.
Une mère a, par exemple, été condamnée le 15 février 2006 à une peine de douze mois d’emprisonnement avec sursis et mise à l’épreuve pendant trois ans, en raison de l’absentéisme répété de ses deux enfants, qui ne fréquentaient plus le collège, sans que leur mère intervienne pour les obliger à y retourner, les enfants étant livrés à eux-mêmes à la maison [19].
Il semblerait en réalité que les poursuites pour « abandon d’enfant » n’aboutissent, que lorsque, au delà des absences répétées, l’enquête révèle des circonstances particulières faisant craindre pour la sécurité, la santé, la moralité ou l’éducation de l’enfant. L’absentéisme n’est alors plus l’objet de la répression mais l’indice d’une situation bien plus grave.
C’est ce qui explique la sévérité des peines prévues pour ce délit à savoir deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende [20], sans préjudice d’un éventuel retrait de l’autorité parentale en cas de condamnation [21].
Emeline SELLIER Avocat à la Cour[1] « Nord : une mère condamnée pour l’absentéisme de son fils », Blandine Le Cain, 9 février 2015, www.lefigaro.fr ; « Collégien absent : quatre mois de prison avec sursis pour sa mère », Rafaela Biry-Vicente, 10 février 2015, www.franceinfo.fr.
[2] Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance, Note d’information, n° 05, février 2015.
[3] Loi du 28 mars 1882 sur l’enseignement primaire obligatoire.
[4] Article L. 131-1 du Code de l’éducation.
[5] Ordonnance n°59-45 du 6 janvier 1959 portant prolongation de la scolarité obligatoire.
[6] Article 227-17-1 du Code pénal.
[7] Loi n°98-1165 du 18 décembre 1998 tendant à renforcer le contrôle de l’obligation scolaire.
[8] Article 28 de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant.
[9] Article L.131-2 du Code de l’Education.
[10] Exposé des motifs de la loi n° 2004-1 du 2 janvier 2004 relative à l’accueil et à la protection de l’enfance.
[11] Circulaire interministérielle n° 2014-159 du 24 décembre 2014 relative à la prévention de l’absentéisme scolaire.
[12] ou de toute personne exerçant l’autorité parentale ou une autorité de fait continue sur l’enfant (article R 624-7 du Code pénal).
[13] Décret n°2004-162 du 19 février 2004 portant modification du décret n° 66-104 du 18 février 1966 relatif au contrôle de la fréquentation et de l’assiduité scolaires et aux sanctions que comportent, au regard du versement des prestations familiales et en matière pénale, les manquements à l’obligation scolaire et du code pénal.
[14] article R 624-7 du Code pénal.
[15] Article 131-13 du Code pénal.
[16] Article 227-17 du Code pénal.
[17] Article 371-1 du Code civil.
[18] Cf note 1.
[19] Cour d’appel Douai, 15 février 2006.
[20] Article 227-17 du Code pénal.
[21] Article 378 du Code civil.
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Bonjour,
Vous écrivez "Si l’instruction est une obligation, elle est également un droit pour chaque enfant, comme le rappelle la Convention Internationale des Droits de l’Enfant...".
Obligation et droit ne portent pas sur les mêmes personnes.
Les enfants ont un droit à l’instruction.
Les adultes ont obligation de permettre l’accès de l’enfant à l’instruction.
En revanche, les enfants n’ont pas d’obligation de s’instruire, et certainement pas dans tous les domaines ni à un rythme et avec un contenu prédéterminés et identiques pour tous.
Il peut y avoir obligation de connaître certains éléments relatifs à l’organisation de la société dans laquelle ils vivent, mais pas une obligation d’instruction telle qu’on l’applique à tort dans les établissements scolaires de France.
Bonne soirée.
Le logiciel "Pronot" est sensé recenser les absences des élèves au collège, ainsi que les bulletins.
J’ai constaté des falsifications du logiciel et des bulletins pour maintenir le taux d’absence sous la barre des 4 demies-journées qui conditionne les responsables scolaires d’effectuer une procédure de rappel de l’obligation de scolarisation aux parents.
Il semble que la pratique soit généralisée.
De plus il semble que les sms via "contact everyone" annonçant les absences sont également utilisés au bon vouloir des établissements pour minimiser les absences.
En tant que père divorcé et dans ces conditions de complicité active des personnels de l’éducation nationale et de la maman difficile de faire constater les infractions......et scolariser les enfants.
Il y a les LOIS et il y a la réalité.
Moi qi travaille dans un collège des dysfonctionnement existent. Un exemple. Une enfant soustraite à l obligation scolaire depuis janvier 2017 à ce jour par la mère qui a la garde en continue. Le pere se bat aupres du collège pour signaler qu elle ne vient pas pour de mauvaises raisons car il haibite à 2 mn du collège et pourrai se présenter et lui éviter des perturbations. L école ne peut rien faire pour lui car la mère à justifier des raisons familiales. Des motifs qui ne concernent en rien l enfant. Il ne sait plus quoi faire. Il a apris qu elle doit partir en métropole et est prévenue de rien. L ecole ne le tient pas o courant. Il ne sait plus quoi faire