Village de la Justice www.village-justice.com |
Résiliation anticipée d’un bail commercial pour défaut de paiement des loyers : un mois pour payer, et pas un jour de moins ! Par Benoît Favot, Avocat.
|
Parution : lundi 2 mars 2015
Adresse de l'article original :
https://www.village-justice.com/articles/Resiliation-anticipee-bail,19066.html Reproduction interdite sans autorisation de l'auteur. |
La clause résolutoire d’un bail commercial qui mentionne un délai de 30 jours au lieu d’un délai d’un mois, doit être déclarée nulle car elle ne correspond pas aux dispositions d’ordre public du Code de commerce.
Les baux commerciaux prévoient souvent une clause résolutoire aux termes de laquelle le contrat est résilié si le locataire manque à une de ses obligations, par exemple si locataire ne paie pas ses loyers ou n’exploite pas personnellement le local.
La résiliation n’est cependant pas automatique : le bailleur qui souhaite résilier le bail doit mettre en demeure son locataire de remplir son obligation (par exemple en payant son loyer) au titre d’un commandement signifié par Huissier de Justice.
Le locataire dispose alors d’un délai d’un mois à compter de la date de la signification du commandement par l’Huissier de Justice pour remplir son obligation. Ce n’est qu’à l’issue de cette période d’un mois que la clause résolutoire sera acquise et que le bailleur pourra demander à un Juge de prononcer la résiliation du bail.
Ce délai d’un mois est prévu à l’article L145-41 du Code de commerce qui prévoit :
« Toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai. »
Or, dans certains baux commerciaux, par négligence ou ignorance du Bailleur, la clause résolutoire n’est pas rédigée en parfaite conformité avec l’article L145-41 du Code de commerce.
Par exemple, dans une affaire soumise à l’examen de la Cour de cassation, la clause résolutoire prévoyait qu’ « à défaut de paiement de tout ou partie d’un seul terme (...) trente jours après un simple commandement de payer (…) le présent bail sera résilié de plein droit ». [1]
Ainsi, la clause faisait référence à un délai de trente jours, et non pas d’un mois, comme le prévoit pourtant l’article L145-41 du Code de commerce.
Cet article L145-41 du Code de commerce est d’ordre public, c’est-à-dire que les clauses qui viseraient à faire échec à son application sont nulles et de nul effet.
Or, un délai de trente jours ne correspond forcément à un délai d’un mois calendaire, qui peut être d’une durée de 28, 29, 30 ou 31 jours en fonction des mois de l’année (et des années bissextiles).
On pourrait donc se poser la question de savoir si la clause résolutoire précisant un délai de trente jours n’est opposable que lorsque le commandement de payer est signifié par un Huissier au cours d’un mois d’une durée de 28, 29 ou 30 jours et donc serait nulle les mois de l’année d’une durée de 31 jours.
La Cour de cassation tranche simplement, en jugeant qu’une clause résolutoire ne stipulant pas un délai d’au moins un mois a pour effet de faire échec aux dispositions de l’article L. 145-41 du code de commerce, et est donc, par application des dispositions de l’article 145-15 du même code, nulle et de nul effet.
Une clause résolutoire prévoyant un délai de trente jours est donc nulle, et sans effet, quelle que soit la durée du mois au cours duquel le commandement est signifié.
Cette nullité étant d’ordre public, elle peut être demandée à tout moment :
avant le procès en faisant opposition au commandement,
pendant le procès en demandant au Juge de constater la nullité de la clause résolutoire,
et même en appel, compte tenu de l’effet dévolutif.
Il est donc recommandé aux Bailleurs soucieux de s’aménager une possibilité de résiliation anticipée du bail commercial en cas de défaut de paiement du locataire de rédiger les clauses résolutoires avec beaucoup de prudence.
Benoît Favot Avocat au barreau de Paris www.negotium-avocats.com [->bfavot@negotium-avocats.com][1] Cour de cassation, chambre civile 3, 11 décembre 2013, N° de pourvoi : 12-22616.
Cet article est protégé par les droits d'auteur pour toute réutilisation ou diffusion, plus d'infos dans nos mentions légales ( https://www.village-justice.com/articles/Mentions-legales,16300.html#droits ).