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La transition numérique passe par la modification de la loi MOP. Par Jean-Charles Savornin
Parution : mercredi 22 juillet 2015
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Le BIM nécessite et facilite la mise en relation des différentes parties prenantes d’un ouvrage. Cette relation est déjà définie par la loi sur la maîtrise d’ouvrage publique (n° 85-704 du 12 juillet 1985), dite « loi MOP ».
Le BIM s’intègre-t-il dans ce cadre législatif ? Faut-il faire évoluer cette loi ?

Le 1er juillet 2015, Sylvia Pinel, Ministre du Logement, de l’Egalité des territoires et de la Ruralité, a inauguré le portail internet du Plan Transition Numérique dans le Bâtiment (PTNB). Cette annonce fait suite à la présentation par Manuel Valls, Premier Ministre, des 14 mesures emblématiques de la stratégie numérique du Gouvernement, présentées le 18 juin 2015.

Un élément phare du PTNB est le BIM (Building Information Model), qui doit permettre de représenter numériquement l’ouvrage à réaliser : construire (en numérique) avant de construire (en ‘béton et mortier’).

De nombreux travaux sont en cours dans le milieu du bâtiment sur ce sujet ; l’association française des industries des produits de construction (AIMCC) vient d’ailleurs de publier ses « Recommandations aux industriels dans la numérisation de leurs données produits pour le BIM » [1].
Ces recommandations font la part belle à la normalisation et à l’outil informatique, et à la participation des entreprises du secteur.
Or le cadre législatif doit également évoluer.

En effet, un des principes de base du BIM est la collaboration entre les différents métiers qui peuvent alors travailler en parallèle sur la même maquette numérique de l’ouvrage. Le BIM n’est alors qu’un moyen permettant de bénéficier des avantages de l’ingénierie concourante : savoir figer un certain nombre d’hypothèses qui servent de données d’entrée au design, afin de paralléliser un certain nombre de tâches et de réduire ainsi les coûts (y compris la non-qualité) et les délais.

Les industries navale et aéronautique sont des exemples d’utilisation du BIM qui montrent que ce travail en parallèle des différents métiers (conception, ingénierie, calculs, …) n’est pas compatible avec le séquençage classique d’un projet tel qu’il est présenté dans la loi MOP (esquisse, APS, APD, …).
Dans le Bâtiment et Travaux Publics (BTP), la majorité des projets sont ainsi gérés en mode séquentiel, l’architecte donnant ses travaux à l’ingénieriste, qui donne lui même ses travaux au constructeur. Le principe de l’ingénierie concourante est au contraire de permettre à chaque métier de progresser alors que les autres n’ont pas encore achevé leurs parts ; les effets bénéfiques sont une prise en compte des contraintes et exigences de l’aval par les acteurs de l’amont.
Des contraintes constructives peuvent alors être prises en compte lors de la conception, de même que des contraintes de maintenance peuvent orienter les options de construction.

Le mode de fonctionnement actuel où chaque acteur remet sa liasse de documents au suivant ne permet pas ce re-bouclage, allonge les délais, et augmente les coûts de modification (il est plus économique de modifier sur la planche à dessin que sur le chantier).
Une façon de contourner cela est de nommer une entreprise pour la réalisation de l’ouvrage, qui coordonnera les autres. Là encore, les pratiques doivent évoluées ; les entreprises ont un mode de fonctionnement calqué sur la loi MOP jusque dans leurs contrats, puisque les termes et conditions de paiement inclus comme jalons la livraison de livrables (les plans et documents techniques pour l’ingénieriste par exemple). Le BIM étant une plateforme collaborative de conception pour tous métiers, le travail ne se fait pas sur la base des documents finalisés remis par les autres métiers, mais au fil de l’eau et en parallèle ; ces documents ne seront édités, si besoin, qu’à la fin de la construction dans l’outil.

Ainsi, la mise en place du BIM nécessite plus que la bonne volonté des acteurs et la définition de normes. Les pratiques contractuelles et le paysage législatif doivent aussi évoluer pour faciliter cette transition numérique.

Une des premières mesures facilitant la mise en place du BIM serait alors de définir des termes de paiements en lien avec la réalité opérationnelle des projets qui change pour intégrer le BIM et le numérique dans les projets de BTP.
Les acteurs s’attaqueront-ils à ce chantier de modification de la loi MOP pour faciliter le Plan de Transition Numérique dans le Bâtiment ? Voilà une question qu’il faudra suivre de près.

Jean-Charles Savornin

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