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Télémédecine, cybersanté et principes du droit médical et de la santé : la place du consentement du patient dans l’exécution des TIC liés à la santé en Côte d’Ivoire. Par Sanogo Yanourga, Docteur en droit.
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Parution : lundi 19 octobre 2015
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Les nouvelles technologies de l’information et de la communication ont un impact indéniable sur la vie des populations. Tous les secteurs de la vie économique et sociale sont concernés. Le monde médical ne fait pas exception. Mais l’exécution des Tic dans l’univers médical demeure tout de même complexe, notamment lorsqu’il s’agit de recueillir le consentement du patient.
La télémédecine et la cybersanté on le sait, sont des outils technologiques qui ont pour objectif de faciliter l’accès au système de santé tout en améliorant la pratique médicale. La télémédecine qui concerne principalement l’exécution d’un acte médical ou de soin, d’une consultation à distance est indissociable de la cybersanté qui traite prioritairement des questions d’information médicale et sanitaire.
Ces deux opérations constituent selon le Conseil national de l’ordre des médecins français « un acte médical à part entière qui ne peut être réalisé que sous le contrôle et la responsabilité d’un médecin ». Les médecins français sur cette question sont rejoints par leur confrères de l’ordre des médecins ivoiriens qui en organisant en Côte d’Ivoire un symposium international sur la cybersanté , en vue de jeter les bases de son implication efficiente pour la protection des acteurs de la relations médicale face aux rapides évolutions du numérique en santé ne veulent pas passer pour de simples spectateurs de l’expansion des Tic en santé. Cette réunion avait aussi pour objectif de jeter les bases d’un cadre réglementaire afin que la relation soignant/soigné ne souffre d’aucune douleur face aux Tic.
Mais pour que cette relation se fasse dans les meilleures conditions, il faut bien évidement que le patient acteur essentiel dans l’opération télémédecine ou cybersanté donne son consentement à l’acte. La télémédecine et la cybersanté étant considérées comme un acte médical à part entière, cette action des Tic dans la santé doit jouir de toutes les conditions et dispositions nécessaires à la délivrance de l’acte médical. Il est donc tout à fait normal que le consentement du patient à l’acte médical soit préalablement recueilli comme le précise l’article 28 du code de déontologie médicale ivoirien (CDM).
En Côte d’Ivoire, l’application dans le domaine de la santé des nouvelles technologies de l’information et de la communication vient selon nous compliquer les choses en matière de consentement. Le constat est que dans nos hôpitaux les informations qui doivent être données en amont par le médecin ou l’équipe médicale afin que le patient, de manière libre et éclairée, donne son consentement n’existent souvent pas.
Le patient se faisant diagnostiquer et traiter dans certains cas sans savoir exactement de quoi il souffre. Tout simplement parce que la relation entre médecin et patient n’est pas toujours clairement définie. Elle est très souvent empreinte d’un rapport de supériorité au bénéfice bien évidemment du médecin. Cela s’explique par le besoin absolu du patient de guérir. Il préfère donc se taire et « subir » tout ce que lui propose son médecin, perçu dès lors comme un messie.
Qu’adviendra-t-il dès lors qu’une troisième entité qui n’est par présente sur place viendra s’immiscer dans la relation déjà inégalitaire entre le patient et son médecin. A ce stade de notre analyse, nous ne prenons pas encore en compte les tiers intervenant dans le maniement de l’outil informatique et de toute autre personne pouvant être mêlée à ces actes.
Le consentement d’un sujet pas vraiment instruit sur la matière médicale, encore moins sur celles technologiques s’il existe peut-il être libre et éclairé ? C’est-à-dire, souffrir d’aucune influence ou atteinte ? A cette question, dans le contexte actuel en Côte d’Ivoire, nous pensons que le consentement du patient qui est très souvent négligé lors des actes médicaux ou de soins ordinaires aura beaucoup de mal à s’exprimer au cours des actes de télémédecine ou de cybersanté. On risque de se retrouver si on y prend garde avec un consentement donné en matière de télémédecine par un premier médecin et recueilli par un second au nom d’un patient qui ignore tout de ce qui se trame autour de lui. Pour la cybersanté, ce sera la même situation, un patient dont les informations concernant l’état de santé circuleront d’ordinateurs en ordinateurs sans qu’il ait ordonné quoi que ce soit à travers son consentement libre et éclairé. Alors, les technologies de la communication et de l’information doivent-elles s’intéresser qu’aux patients instruits, désireux de savoir ce qu’on veut leur faire à l’hôpital, maîtrisant plus ou moins l’outil informatique alors que l’article 7 de la constitution ivoirienne dispose sans aucune ambiguïté que : « tous les citoyens doivent avoir un accès égal à la santé ». Cette égalité dans l’accessibilité à la santé ne se résume pas seulement au fait d’être reçu dans un hôpital public ou un établissement privé mais à bien plus. Notamment, l’équité dans la fourniture de l’information, le respect de l’éthique et des droits de tous dans la délivrance des soins et des actes médicaux.
Le consentement étant l’acceptation par le patient des soins qu’on lui propose, il est donc impératif que celui-ci soit recueilli préalablement à l’acte médical. En matière de Tic, le consentement du patient servira d’une part à assurer les soins et d’autre part à autoriser le médecin à user du « dispositif médical », c’est-à-dire l’ensemble des matériels technologiques nécessaires à l’acte médical. Le patient ivoirien doit donc être formé à la fois au droit médical, pour ce qui concerne le consentement et aux Tic, autrement dit les moyens qui permettront de poser l’acte médical.
Dr SANOGO YANOURGA Docteur en droit médical. [email->syanourga@yahoo.fr]Cet article est protégé par les droits d'auteur pour toute réutilisation ou diffusion, plus d'infos dans nos mentions légales ( https://www.village-justice.com/articles/Mentions-legales,16300.html#droits ).