"Communication juridique et judiciaire de l’entreprise" [2] se focalise sur une partie du métier de juriste (au sens large), le "faire savoir". Il est en effet nécessaire d’évangéliser sur ce sujet, tant un grand nombre de praticiens "se contentent" -si l’on peut dire- de leur rôle de sachant et d’expert.

Cette posture ou attitude est tenable dans des domaines pointus, dans le cadre d’une relation de court terme (c’est le cas d’un expert appelé sur un dossier précis, d’un avocat traitant ponctuellement une rupture de contrat ou d’un juriste répondant à une question circonstanciée d’un service de son entreprise).
Mais elle est intenable à long terme, dès que les relations sont plus construites, car dès lors des notions de confiance, d’anticipation des risques, de rentabilité perçue du recours au droit, d’éthique et même d’adhésion, sont en jeu : on ne traite plus seulement l’urgence, mais tout autant la relation juridique permanente.

Dès lors c’est tout un changement de paradigme que le juriste doit adopter, en investissant -avant tout du temps, de la formation et de la conviction, donc sa propre énergie- dans une stratégie de valorisation de sa pratique du droit pour aller bien au-delà de l’aspect technique.

On voit dès lors que le titre du livre est presque trop restrictif, la communication n’est qu’un aspect final de ce qu’il faut bien appeler une véritable stratégie d’implantation du droit au coeur du quotidien de tous. Heureusement, à travers le discours classique et récurrent sur la nécessaire communication, les auteurs (essentiellement des opérationnels en entreprise et cabinets ainsi que des consultants) savent mettre en lumière les enjeux et pratiques.

Ainsi appréciera-t-on à sa juste valeur le chapitre très concret consacré aux enjeux des contrats compréhensibles. Stéphanie Roy [3] nous y expose des exemples de simplification de contrats (elle vulgarise au passage pour les juristes ce que veut dire "compréhensible" !). Comme souvent avec les auteurs nord-américains, elle détaille également de façon très convaincante les bénéfices mutuels (pas seulement pour les justiciables donc) qu’il y a à transformer un contrat "document souvent abscon" en contrat "outil de communication, bénéfices économiques, marketing et éthiques".

Dans un autre chapitre, Olivia Zarcate [4] et Serena Manzoli détaillent l’importance de la démarche d’empathie que constitue le legal design, vulgarisation du droit par la visualisation autre que textuelle. Une démarche à la fois réaliste et pleine d’humanité... tout en ouvrant de passionnants défis aux juristes ! Cette activité des auteurs depuis plusieurs années rejoint d’ailleurs les motivations des vidéos de vulgarisation du droit dont nous publions régulièrement des exemples (dans notre rubrique "rubrique 519").

Bien d’autres chapitres sont intéressants à parcourir, le tout constituant une intéressante culture générale sur le sujet .

On devinera au gré des chapitres qu’en toile de fond de cette démarche de proximité demandée au juriste (proximité vers ses interlocuteurs), il y a la notion de juriste stratège dans son environnement.
Toute aussi importante est la notion traitée ici de responsabilité sociétale de ces professions, et la valorisation de leur rôle à travers celle de la matière première qu’est le Droit. A chaque "juriste-potier" de modeler son oeuvre artisanale ! L’industrialisation du droit mène elle plutôt à l’automatisation et l’intelligence articificielle, mais ceci est une autre histoire...

"Communication juridique et judiciaire de l’entreprise"
Sous la direction de Hugues Bouthinon-Dumas, Nathalie Cheynel, Charlotte Karila-Vaillant, Antoine Masson.
Editeur : Larcier.

Cet article est protégé par les droits d'auteur pour toute réutilisation ou diffusion, plus d'infos dans nos mentions légales ( https://www.village-justice.com/articles/Mentions-legales,16300.html#droits ).