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Indemnité de congés payés et faute lourde. Par Gilles Courtois, Juriste.
Parution : mardi 8 mars 2016
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Saisit d’une QPC, le Conseil constitutionnel, le 2 mars 2016, a jugé que les dispositions de l’article L. 3141-26 du Code du travail, qui excluent du bénéfice de l’indemnité de congés payés les salariés licenciés pour faute lourde, sont contraires à la Constitution.

L’article L 3141-26 du Code du travail permet aux salariés, dont le contrat est rompu avant qu’ils aient pu bénéficier de la totalité du congé auquel ils avaient droit, de recevoir pour la fraction de congé dont ils n’ont pas bénéficié, une indemnité compensatrice de congé déterminée.

Cet article prévoyait une exception au versement de l’indemnité compensatrice de congés payés : les salariés licenciés pour faute lourde.

La jurisprudence en la matière était particulièrement claire puisque la Cour de cassation n’avait de cesse de juger : « En cas de licenciement pour faute lourde, l’indemnité compensatrice de congés payés n’est pas due au salarié, mais seulement pour les jours acquis sur la période de référence en cours » (Cour de cassation, chambre sociale, 5 mai 2010, n° 08-41682).

Dans le cadre d’un litige prud’homal, un justiciable a souhaité remettre en cause cette exception par le biais d’une question prioritaire de constitutionnalité.

La Cour de cassation, par arrêt en date du 2 décembre 2015, a estimé que sa demande présentait un caractère sérieux et a renvoyé au Conseil constitutionnel sa question prioritaire de constitutionnalité.

La QPC porte sur les mots « dès lors que la rupture du contrat de travail n’a pas été provoquée par la faute lourde du salarié » figurant au deuxième alinéa de l’article L. 3141-26 du Code du travail.

Selon le salarié, les dispositions de cet article portent atteinte, d’une part, au droit au repos et au droit à la protection de la santé qui découlent des exigences du onzième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et, d’autre part, au principe d’individualisation des peines.

Dans ce prolongement, il est intéressant de remarquer que le Conseil constitutionnel a relevé d’office le grief tiré de ce que les dispositions contestées porteraient atteinte au principe d’égalité garanti par l’article 6 de la DDHC dès lors que leur application est exclue lorsque l’employeur est tenu d’adhérer à une caisse de congés.

Pour trancher, le Conseil constitutionnel va raisonner par étapes :

Dans un premier temps, les Sages vont rappeler que le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général.

Dans un second temps, les Sages constatent qu’en prévoyant qu’un salarié ayant travaillé pour un employeur affilié à une caisse de congés conserve son droit à indemnité compensatrice de congé payé en cas de licenciement pour faute lourde, alors que tout autre salarié licencié pour faute lourde est privé de ce droit, le législateur a traité différemment des personnes se trouvant dans la même situation.

Selon le Conseil Constitutionnel, « la différence de traitement entre les salariés licenciés pour faute lourde selon qu’ils travaillent ou non pour un employeur affilié à une caisse de congés est sans rapport tant avec l’objet de la législation relative aux caisses de congés qu’avec l’objet de la législation relative à la privation de l’indemnité compensatrice de congé payé ».

Les Sages en concluent donc que les dispositions contestées méconnaissent le principe d’égalité devant la loi.

C’est ainsi que les mots « dès lors que la rupture du contrat de travail n’a pas été provoquée par la faute lourde du salarié » figurants au deuxième alinéa de l’article L. 3141-26 du Code du travail sont contraires à la Constitution.

Enfin, il est important de souligner que les effets de cette décision sont invocables dans toutes les instances introduites à compter de la publication de cette décision et non jugées définitivement.

Gilles Courtois Juriste droit social

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