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Apport de titres, soulte ou pas soulte ? Par Frédéric Naïm, Avocat.
Parution : jeudi 21 avril 2016
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Un montage est souvent proposé par certains conseillers consistant à récupérer une soulte lors d’un apport d’une société à une autre. La question est de savoir s’il faut ou non opter pour cette démarche.

Un entrepreneur détient une société A, il a théoriquement la possibilité d’apporter ses titres à une nouvelle société, une société B qui serait donc une holding, et à l’occasion de l’apport d’appliquer une soulte pouvant aller jusqu’à 10% de la valeur de l’entreprise, qui serait récupérée en franchise d’impôt.

Ce montage est extrêmement regardé par l’administration fiscale notamment sur le terrain de l’abus de droit ; l’article L64 B du livre des procédures fiscales permet à l’administration de critiquer soit les opérations fictives, soit celles qui n’ont comme intérêt qu’une dimension fiscale. L’administration peut remettre en cause cette opération fiscale. Il convient donc de s’interroger sur l’intérêt pour l’entreprise de réaliser cette opération puisque l’administration va pouvoir appliquer un abus de droit et fiscaliser la soulte, voire toute l’opération d’apport si elle considère que c’est une opération qui en réalité déguise un abus de droit.

Citons le cas d’un client qui envisageait d’apporter ses titres à lui-même ; associé avec son épouse, dans une société, il a voulu faire un apport à une nouvelle société par un montage de cette nature. L’administration fiscale a répondu dans la cadre de la demande de rescrit qu’elle se réservait la possibilité d’appliquer l’abus de droit notamment si la soulte était versée au moyen d’un crédit, soit crédit bancaire, soit crédit de compte courant. Il convient donc d’être extrêmement vigilant dans l’utilisation de ce mécanisme d’apport avec soulte ; il faut bien examiner le dossier, n’appliquer une soulte que s’il existe une véritable association avec un vrai tiers et réserver cette soulte uniquement à des sociétés qui préexistent. On apporterait les titres à une société qui préexiste et certainement pas à une société nouvelle, mais bien évidemment encore une fois avec des associés étrangers.

A l’occasion d’une union avec des associés complètement extérieurs, il n’y a pas de problème à envisager la soulte, sous réserve que celle-ci soit financée autrement que par un crédit. Autrement, si c’est pour dupliquer une détention capitalistique d’une société A dans une société B, des risques existent, et pas uniquement au niveau de la taxation de la soulte reçue c’est-à-dire les 10 % ; ils s’étendent à l’exonération même de l’apport qui pourrait être mise en cause par l’administration à ce moment-là. C’est dès lors l’intégralité de l’opération qui serait taxée. Ainsi, alors qu’un mécanisme d’apport est normalement non imposable puisqu’on bénéficie de plein droit d’un report d’imposition, l’administration fiscale pourrait être fondée à appliquer la même imposition que dans le cas d’une cession pure de société, sans report d’imposition.

Nous recommandons donc la plus grande vigilance autour de cette opération même si certains conseillers la recommandent. Pour obtenir 10 % non fiscalisés, attention à ne pas prendre un risque démesuré.

Maître Frédéric Naïm, avocat fiscaliste Spécialiste du contrôle fiscal, redressement fiscal, contentieux fiscal [mail->frederic@naimavocats.fr] www.naimavocatfiscaliste.com

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