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La CPAM doit-elle recueillir les observations de l’employeur avant de statuer sur le caractère professionnel d’un accident ou d’une maladie ? Par Marlie Michalletz, Avocat.
Parution : lundi 25 avril 2016
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La deuxième chambre civile de la Cour de cassation a répondu à cette interrogation par deux arrêts rendus les 10 et 31 mars 2016. Etait en discussion l’interprétation de l’article R. 441-11 du Code de la sécurité sociale. La rédaction de cet article a évolué à la suite du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009 (JO 31 juill. 2009, p. 12788).

Avant l’entrée en vigueur de ce texte, il disposait :
« En cas de réserves de la part de l’employeur ou si elle l’estime nécessaire, la caisse, envoie avant décision à l’employeur et à la victime un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l’accident ou de la maladie ou procède à une enquête auprès des intéressés (…). » (CSS, art. R. 441-11, al. 2)

Dans sa rédaction issue du décret, il dispose :
« En cas de réserves motivées de la part de l’employeur ou si elle l’estime nécessaire, la caisse envoie avant décision à l’employeur et à la victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l’accident ou de la maladie ou procède à une enquête auprès des intéressés (…).  » (CSS, art. R. 441-11, III)

Le décret précité a ajouté le terme réserves « motivées  » (CSS, art. R. 441-11, III. – Circ. N° DSS/2C/2009/267, 21 août 2009 relative à la procédure d’instruction des déclarations d’accidents du travail et maladies professionnelles). Les obligations pesant sur la caisse sont inchangées. Deux mesures d’instruction sont à sa disposition : l’envoi d’un questionnaire à l’employeur et à la victime ; la mise en œuvre d’une enquête auprès des intéressés. La question posée était identique dans les deux arrêts.

L’instruction menée par la caisse est-elle conforme à l’article R. 441-11 du Code de la sécurité sociale lorsqu’elle adresse un seul questionnaire à l’assuré sans en adresser un à l’employeur ?

La réponse à cette interrogation varie selon la version du texte applicable au litige. Dans sa rédaction antérieure au décret du 29 juillet 2009, la réponse est positive : la caisse n’est pas tenue d’adresser un questionnaire à l’employeur. Dans sa rédaction issue du décret, la réponse est négative : la caisse est tenue de recueillir les observations de l’employeur « que ce soit de vive voix ou par questionnaire ». Les dispositions du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009 sont entrées en vigueur le 1er janvier 2010.

Une instruction non contradictoire légitimée. - De jurisprudence constante, la deuxième chambre civile considérait que « la caisse qui choisit de recourir à une enquête peut, dans ce cadre, adresser un questionnaire au salarié sans être tenue d’en adresser un à l’employeur  ». L’envoi d’un questionnaire à l’employeur peut constituer une modalité d’enquête « sans que la caisse soit tenue d’associer celui-ci à l’enquête éventuellement mise en œuvre » (Cass. 2ème civ., 19 juin 2014 : n° 13-18.127. – Cass. 2ème civ., 19 juill. 2013 : n° 12-22.152).

L’arrêt rendu le 31 mars 2016 s’inscrit dans la continuité de cette jurisprudence. La cour d’appel avait retenu que la caisse ne justifiait pas avoir procédé à une enquête auprès des intéressés par l’envoi d’un seul questionnaire au salarié « de sorte qu’elle se devait d’envoyer un autre questionnaire à l’employeur  ». La deuxième chambre civile censure les juges du fond pour violation de l’article R. 441-11 du Code de la sécurité sociale « dans sa rédaction antérieure au décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, applicable au litige ». La caisse n’était pas tenue d’adresser un questionnaire à l’employeur.

Une instruction contradictoire renforcée. - La deuxième chambre civile a adopté une interprétation différente de l’article R. 441-11, III, du Code de la sécurité sociale «  dans sa rédaction issue du décret ». En l’espèce, l’employeur contestait l’opposabilité de la décision de prise en charge arguant du caractère non contradictoire de la procédure d’instruction menée par la caisse. Il n’avait pas été associé à l’enquête réalisée par la caisse à la suite des réserves portant sur la réalité du fait accidentel. La cour d’appel avait fait droit à la demande d’inopposabilité. La caisse avait formé un pourvoi. Elle soutenait que les mesures d’instruction à sa disposition n’ont pas à être menées contradictoirement. L’inspecteur assermenté serait seul juge de l’opportunité des personnes à entendre. Le principe du contradictoire serait respecté dès lors que l’employeur est invité à venir consulter les pièces du dossier et présenter ses observations.

Le pourvoi est rejeté. La deuxième chambre civile a approuvé les juges du fond d’avoir considéré que la Caisse était tenue de contacter l’employeur pour recueillir ses observations « que ce soit de vive voix ou par questionnaire  ». L’employeur doit être associé à la procédure d’instruction. Cet arrêt de rejet est publié au bulletin. Composé d’un chapeau intérieur reprenant littéralement les termes de l’article R. 441-11, III, du code de la sécurité sociale (« selon l’article »), il a vocation à s’appliquer largement.

Marlie MICHALLETZ, chargée d'enseignement, docteur en droit, avocat

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