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Infections nosocomiales : quand la Cour de cassation et le Conseil constitutionnel rappellent les règles. Par Audrey Uzel, Avocat.
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Parution : jeudi 5 mai 2016
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Par deux décisions qui se répondent, le Conseil constitutionnel et la Cour de cassation rappelle, en ce début d’année, le régime de responsabilité applicable en cas d’infections nosocomiales.
Issu de la loi du 4 mars 2002, le législateur a fixé, à l’article L.1142-1 du Code de la santé publique, un régime de réparation des préjudices résultant des infections nosocomiales contractées tant chez les professionnels de santé exerçant en ville que dans les établissements, services ou organismes de santé à l’occasion d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins.
Cependant, il fait coexister deux régimes distincts :
Par une décision du 1er avril 2016, n° 2016-531 QPC [1], le Conseil constitutionnel est venu confirmer que cette dualité de régime, en fonction de l’origine de contraction de l’infection nosocomiale, est conforme à la Constitution. Sous couvert des dispositions de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 (« La loi... doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse »), il rappelle à ce titre « que le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l’objet de la loi qui l’établit »).
Or, plusieurs éléments permettent de justifier la coexistence de deux régimes distincts :
Ce rappel contextuel est salvateur et permet d’éclairer la décision récemment rendue par la Cour de cassation.
Par un arrêt du 14 février 2016, n°14-23909, la Cour de cassation a rappelé que les établissements de santé pouvaient s’exonérer de leur responsabilité en rapportant la preuve d’une cause étrangère. Tant le Conseil d’Etat que la Cour de cassation ont toujours opté pour une définition particulièrement restrictive de cette notion. Ainsi, la vulnérabilité d’un patient ou ses prédispositions ne permettent de retenir l’existence d’une cause étrangère (CE, 12 mars 2014, n°358111 ; Cass. Civ. 1, 28 janv. 2010, n°08-20571). La Cour de cassation confirme cette ligne jurisprudentielle sévère en jugeant que « même si l’infection avait pu être provoquée par la pathologie de la patiente, liée à un aléa thérapeutique, cette infection demeurait consécutive aux soins dispensés au sein de la clinique et ne procédait pas d’une circonstance extérieure à l’activité de cet établissement, la cour d’appel a écarté, à bon droit, l’existence d’une cause étrangère exonératoire de responsabilité ».
Cette solution s’explique par le fait que si la seule pathologie de la patiente, liée à un aléa thérapeutique, suffisait à exonérer la clinique, sa responsabilité supposerait la preuve d’une faute alors que l’article L.1142-1, I, alinéa 2 le refuse expressément. Lorsque le Conseil constitutionnel rappelle que les établissements de santé sont soumis à des obligations particulières en matière de lutte contre les infections nosocomiales, il entend souligner que les causes d’exonération de responsabilité doivent être exceptionnelles.
Cet arrêt est également l’occasion de rappeler que les deux régimes de responsabilité peuvent coexister en vue d’indemniser la victime de son préjudice, lorsque l’infection est également la conséquence d’un manquement du médecin.
Si le professionnel ne peut être condamné in solidum avec l’établissement en l’absence de toute faute de sa part (civ. 1, 28 janv. 2010, ONIAM, préc.), il est en revanche tenu de garantir la clinique des condamnations prononcées contre elle au titre de sa responsabilité de plein droit si l’infection est due exclusivement à une faute technique ou une négligence de sa part (civ. 1, 7 juill. 2011, n°10-19.137). Cette garantie peut être totale ou partielle. En l’espèce, relevant que la faute de ce dernier, avait uniquement été à l’origine d’un retard préjudiciable dans le traitement de l’infection, aggravant ses séquelles, elle approuve les juges du fond de l’avoir obligé à garantir la clinique uniquement à hauteur de 50 %.
Audrey UZEL SELARL KOS AVOCATS Avocats au Barreau de Paris[1] Cette décision sera commentée dans la rubrique juridique de la revue CLINIC au mois de juin 2016 (éditions Initiatives Santé).
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