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Période d’essai et délai de prévenance en cas de rupture : nouvelles précisions jurisprudentielles. Par Anne Rebierre, Avocat.
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Parution : jeudi 12 mai 2016
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Après s’être prononcée en mars sur les règles de conflit entre loi et convention collective s’agissant de la durée de la période d’essai et de son renouvellement, la Cour de cassation tranche en avril la question de l’articulation entre dispositions légales et contractuelles en matière de durée du délai de prévenance en cas de rupture de l’essai.
Pour la première fois, dans un arrêt du 31 mars 2016, la Cour de cassation se prononce sur la question de l’articulation des dispositions prévues respectivement par la loi et la convention collective en matière de durée et de renouvellement de la période d’essai.
L’article L 1221-21 du Code du travail prévoit que la période d’essai peut être renouvelée une fois si un accord de branche étendu le prévoit.
Par ailleurs, la loi de modernisation du marché du travail du 25 juin 2008 avait précisé que :
Toutefois, concernant la durée du renouvellement de l’essai, l’administration avait précisé que les dispositions de la convention collective en la matière restaient applicables (Circ. DGT n° 2009-5, 17 mars 2009), de sorte qu’il était jusqu’alors opportun, par mesure de précaution, de prendre en compte systématiquement la durée du renouvellement prévue par la convention collective, même si cette durée était plus brève que celle prévue par la loi.
Or, se prononçant dans un sens contraire à la position de l’administration, la Cour de cassation vient d’affirmer que depuis le 1er juillet 2009, « les durées maximales de la période d’essai prévues aux articles L 1221-19 et L 1221-21 du Code du travail se sont substituées aux durées plus courtes, renouvellement compris, résultant des conventions collectives de branche conclues antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 » (Cass. soc. 31.03.2016, n° 14.29-184).
La décision du 31 mars 2016, qui concerne la convention collective des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils, dite Syntec, a vocation à s’appliquer à toutes les branches professionnelles.
Concrètement :
Pour déterminer la durée de la période d’essai et de son renouvellement, il convient donc d’opérer une distinction entre :
a) les accords de branche conclus avant le 27 juin 2008 (date de publication de la loi du 25 juin 2008) qui fixent des durées de période d’essai (initial et renouvellement) plus courtes que les dispositions légales : ils ne sont plus applicables et c’est la durée légale qui doit être retenue ;
b) les accords de branche conclus avant le 27 juin 2008 qui fixent des durées de période d’essai (initial et renouvellement) plus longues que les dispositions légales : ils demeurent applicables, ce qui constitue une entorse au principe de l’ordre public social et son pivot essentiel, le principe de faveur, selon lequel la convention collective ne peut déroger à la loi que dans un sens plus favorable aux salariés.
Toutefois, en application d’une jurisprudence récente, de telles dispositions conventionnelles pourraient être jugées incompatibles avec les dispositions de la convention n° 158 de l’OIT au motif qu’une durée trop importante est déraisonnable au regard de la finalité de la période d’essai et de l’exclusion des règles du licenciement durant celle-ci (Cass. soc. 04.06.2009, n° 08-41.359 ; 11.01.2012, n° 10-17.945 ; 10.05.2012 n° 10-28.512 ; 30.09.2014, n° 13-21.385).
Il faut rappeler en outre que pour s’imposer au salarié, la période d’essai plus longue prévue par l’accord de branche antérieur au 27 juin 2008 devra avoir été prévue au contrat de travail de l’intéressé.
c) les accords de branche conclus après le 27 juin 2008 : ils ne peuvent pas fixer des durées de période d’essai (initial et renouvellement) plus longues que les dispositions légales, mais peuvent prévoir des durées plus courtes.
Le contrat de travail peut également, avant comme après le 27 juin 2008, stipuler une durée de période d’essai (initial et renouvellement) plus brève que les dispositions légales et/ou conventionnelles.
Quinze jours après cette décision du 31 mars 2016, la Cour de cassation précise les règles de conflit entre loi et contrat de travail en matière de durée du délai de prévenance en cas de rupture de la période d’essai.
L’article L 1221-25 du Code du travail impose notamment à l’employeur qui souhaite mettre fin au contrat de travail au cours de la période d’essai de prévenir le salarié en respectant un délai de prévenance minimum de 24 heures en deçà de 8 jours de présence, 48 heures entre 8 jours et 1 mois de présence, 2 semaines après un mois de présence et 1 mois après 3 mois de présence.
Qu’en est-il si le contrat de travail de l’intéressé fixe un délai de prévenance supérieur à celui prévu par la loi ?
Dans un arrêt du 15 avril 2016 (Cass. soc. 15.04.2016, n° 15-12.588), au visa de l’article 1134 du Code civil, la Cour de cassation :
Dans le conflit entre les normes légales et contractuelles pour la durée du délai de prévenance, la Cour de cassation donne ici une pleine application au principe de faveur.
Il en serait de même dans ce cas entre la loi et la convention collective, les dispositions conventionnelles plus favorables que la loi (soit celles qui prévoient le délai de prévenance le plus long pour le salarié dont l’essai est rompu à l’initiative de l’employeur) devant s’appliquer prioritairement.
Concrètement :
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Quid de la démission d’un salarié lors de sa période d’essai renouvellée ?
Le délai est-il de 48h ou d’une semaine par mois de présence (comme le stipule la convention SYNTEC) ?
Ma convention collective (celle des entreprises de courtage d’assurance) prévoit explicitement l’absence de préavis et d’indemnité en cas de rupture de la période d’essai ? Ce serait plus favorable pour moi car je souhaite partir mais cette règle conventionnelle prévaut elle sur le délai légal de préavis ?
J’ai la même question que Marion
Peut on déduire de l arrêt de 2016 que le délai de prévenance légale s impose au délai conventionnel car plus favorable au salarié ?
Bonjour,
Attention à ne pas interpréter cet arrêt et cette analyse de façon extensive.
La Cour ne fait que rappeler une règle constante de droit : Les règles spéciales dérogent aux règles générales.
En l’espèce le contrat de travail a été signé (19/10/2009) après la mise en application de la loi de modernisation sociale (01/07/2009). Il est donc normal que le contrat s’applique puisque les règles spéciales du contrat dérogent aux règles générales de la loi.
En aucun cas des dispositions conventionnelles antérieures à la loi de modernisation sociale, quand bien même serait-elle plus favorable au salarié, dans ce cas ne s’appliquent. C’est la loi et ses délais de prévenance qui s’appliquent.
Cdlt,