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L’illégalité d’une décision de refus de délivrance d’un permis de construire n’ouvre pas automatiquement droit à indemnisation. Par Antoine Louche, Avocat.
Parution : jeudi 2 juin 2016
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Pour pouvoir espérer prétendre au versement d’une indemnité, il appartient au demandeur de démontrer l’existence de circonstances particulières, qui peuvent notamment être fondées ou tirées d’un acte privé, pour démontrer que le préjudice qu’il allègue avoir subi présente un caractère suffisamment direct et certain.

Tout comme c’est le cas lorsqu’un terrain constructible est classé en zone non constructible dans le cadre d’une procédure de révision du PLU, les décisions de refus de délivrance de permis de construire font régulièrement l’objet d’une demande d’indemnisation de la part des intéressés.

En effet, le propriétaire du terrain ou le potentiel acquéreur de ce dernier peut estimer subir un préjudice plus ou moins important en raison de l’opposition d’un refus de permis.

La décision commentée vient apporter des précisions en la matière.

Une société avait conclu un compromis de vente en vue de l’acquisition d’un terrain afin d’y réaliser un ensemble immobilier. De manière classique, ce compromis comportait une condition suspensive tenant à l’obtention d’un permis de construire.

Or, la demande de permis formée a été rejetée. La société a obtenu l’annulation de ce refus auprès du tribunal administratif, mais a vu ses demandes indemnitaires rejetées.

Il convient de rappeler sur ce point que l’annulation contentieuse d’une décision de refus de permis n’ouvre pas droit à la délivrance du permis litigieux. L’autorité compétente est tenue de procéder à une nouvelle instruction de la demande après que le pétitionnaire ait confirmé sa volonté de se voir délivrer le permis litigieux (voir notamment en ce sens CE, 5 janvier 1997, SCI le Grand Large, n°123953).

En l’espèce, la société a renoncé à son projet et à l’acquisition du terrain.

Ce jugement a été annulé en appel et la commune a été condamnée à indemniser la société à hauteur de 209 900 euros. La commune a alors formé un pouvoir en cassation à l’encontre de cet arrêt.

Le Conseil d’État a tout d’abord rappelé que l’ouverture du droit à indemnisation est subordonnée au caractère direct et certain des préjudices invoqués.
Les juges ont complété leur analyse en indiquant que s’agissant de « (…) la perte de bénéfices ou le manque à gagner découlant de l’impossibilité de réaliser une opération immobilière en raison d’un refus illégal de permis de construire revêt un caractère éventuel et ne peut, dès lors, en principe, ouvrir droit à réparation (…) ».

Toutefois, il en va différemment « (…) si il en va toutefois autrement si le requérant justifie de circonstances particulières, tels que des engagements souscrits par de futurs acquéreurs ou l’état avancé des négociations commerciales avec ces derniers, permettant de faire regarder ce préjudice comme présentant, en l’espèce, un caractère direct et certain (…) ».

En pareille hypothèse, le requérant est « (…) fondé, si tel est le cas, à obtenir réparation au titre du bénéfice qu’il pouvait raisonnablement attendre de cette opération (…) ».

Tirant les conséquences du principe qu’il venait de dégager, le Conseil a indiqué que l’indemnisation du préjudice ne peut résulter de la comparaison avec une opération présentant des caractéristiques similaires qui a été réalisée pour fixer le montant.

Encore faut-il que le requérant puisse démontrer l’existence du caractère direct et certain de son préjudice pour prétendre à une indemnisation.

Le raisonnement adopté par le Conseil en matière de responsabilité administrative est classique.

En effet, la situation de l’indemnisation du préjudice résultant d’un refus de permis s’apparente à une perte de chance, et donc à un aléa.

Pour que le requérant puisse espérer prétendre au versement d’une indemnité, il appartient à ce dernier de démontrer l’existence de circonstances particulières, qui peuvent notamment être fondées ou tirées d’un acte privé, pour démontrer que le préjudice qu’il allègue avoir subi présente un caractère suffisamment direct et certain.

A défaut de quoi, sa demande risque d’être rejetée comme dans le cas d’espèce.

La voie de l’indemnisation du préjudice tiré d’un refus de permis est donc étroite et sinueuse.

Références : CE, 15 avril 2016, n°371274 ; CE, 5 janvier 1997, SCI le Grand Large, n°123953

Antoine Louche, Avocat associé chez Altius Avocats www.altiusavocats.fr