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L’affaire Maurice E. Zuckermann : l’avocat cité pour témoigner contre son client. Par Dominique Summa, Avocat.
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Parution : lundi 20 juin 2016
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L’avocat cité peut-il témoigner contre son client ?
Dans un article du International New York Times du 15 juin 2016, l’affaire Maurice E. Zuckermann poursuivi pour évasion fiscale dans le cadre d’une cession d’une compagnie pétrolière aborde le problème éthique sur le droit du procureur – en l’occurrence une Commission d’enquête (Federal Grand Jury) - de faire citer l’avocat de ce dernier comme témoin pour avoir des éléments d’information sur la cession intervenue dans des paradis fiscaux.
Le secret professionnel pour les avocats américains est un principe intangible comme dans les règles professionnelles françaises. Les solutions dégagées d’affaires précédentes américaines permettent de définir les limites de la relation professionnelle privilégiée, protégée par l’interdiction de témoigner.
Ces règles sont transposables à la déontologie française qui est d’ailleurs conforme aux principes dégagés aux États-Unis.
1- L’avocat et le procureur (prosecutor)
Il convient tout d’abord d’observer que seules les affaires pénales posent problème.
Les affaires civiles excluent toute possibilité de faire intervenir l’avocat d’une partie pour témoigner contre son client en apportant des éléments d’information pouvant constituer des preuves contre lui.
Seule l’infraction pénale, la violation de la loi pénale est susceptible d’amener l’avocat à être cité comme témoin par le procureur et non par l’avocat de la défense ni la partie civile.
2- Les limites de la relation privilégiée avocat-client
L’avocat qui intervient au-delà des limites de son mandat juridique de conseil et de défense misues (abuse) de son rôle. L’exemple du cabinet panaméen Mossack Fonseca cité dans les « Panama Papers » impliqué à tous les niveaux des transactions montrant une implication dans la vie de leurs clients, allant du paiement des frais de réparation de garage à l’engagement d’un entrepreneur pour fixer des pièces de piscine, expose l’avocat à être cité comme témoin. Leurs services ayant été utilisés à mauvais escient.
3- Les règles de l’American bar association : responsabilité particulière d’un procureur (article 3-8 E)
Les relations avec le Procureur sur ce point sont précises (www.americanbar.org)
Le procureur doit :
« E) de ne pas assigner à comparaître un avocat dans un grand jury ou autre procédure pénale de présenter des preuves au sujet d’un client passé ou présent à moins que le procureur estime raisonnablement :
(1) les renseignements demandés ne sont pas protégés contre la divulgation par un privilège applicable ;
(2) la preuve recherchée est essentielle à la réussite d’une enquête ou des poursuites en cours ; et
(3) qu’il n’y a pas d’autre alternative possible d’obtenir l’information ; »
4- Le litige FBI - Apple
Ces principes ont été invoqués par le FBI pour avoir une « assistance technique raisonnable » pour avoir accès au contenu des mobiles d’un auteur de l’attaque de San Bernardino (Californie) ayant fait 14 morts. (www.lemonde.fr du 17 février 2016). Le refus d’Apple a été catégorique dans l’intérêt de ses clients et de la garantie d’inaccessibilité par le codage des données de leurs mobiles. Heureusement, le FBI a pu trouver tout seul.
Cet incident devant conduire Apple à modifier le système de codage afin de le laisser à la seule disposition du client.
5- Le secret professionnel de l’avocat en France
Le site de l’Ordre des Avocats rappelle les principes du règlement intérieur :
Les avocats sont soumis au respect du secret professionnel et de la confidentialité des correspondances aux conditions définies aux articles 2, 2 bis et 3 du RIN et P.3.0.1 et P.3.0.2 [1ère partie — Règles connexes] du RIBP :
6- Le droit au silence : 5ème amendement de la constitution des États-Unis
Il faut rappeler le droit au silence de tout citoyen des États-Unis : « Nul ne pourra, dans une affaire criminelle, être obligé de témoigner contre lui-même. »
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