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Communiquer autrement sur la profession d’avocat : rencontre avec Maître Boyard.
Parution : mercredi 20 juillet 2016
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Faire connaître la profession d’avocat c’est aussi lutter contre les clichés. C’est ainsi qu’à travers les aventures de Léa Dumas, Maître Aurore Boyard propose une représentation contemporraine de sa profession.

La profession d’avocat est souvent fantasmée, représentée sur différents supports de communication. C’est une profession nourrie par une longue histoire et qui a hérité de nombreuses traditions. Cet héritage rend les nombreux clichés affectant la représentation de cette profession plus durs à combattre, car plus ancrés. On s’accorde à dire que le cliché permet d’identifier la nature d’une situation, d’une action ou d’un message, en permettant au destinataire du message qu’il contient, par sa familiarité et son évidente reconnaissance, de situer l’action de la communication.
La profession semble en effet souffrir de clichés à la peau dure qui à cause de leurs usages répétés dans la société deviennent une banalité.

La suite des aventures de Maître Léa Dumas aux Editions Fortuna sont, en plus d’être drôles, agréables à lire, les représentations d’une fiction qui défend l’image moderne des avocats : les avocats de proximité de Monsieur et Madame Tout le monde ; vous savez cet avocat humain, disponible, qui existe dans la réalité, contrairement à ce que notre imaginaire collectif nous projette.

A cette occasion Maître Aurore Boyard, l’auteur répond, au détour d’une séance de rencontre et de dédicaces à la librairie Mollat à Bordeaux, à quelques questions sur son dernier livre, sur sa profession, sur la communication.

Anaïs Tierny ( A.T) : Le titre de votre nouveau livre fait appel à un néologisme : "Avocation" , quelle définition posez-vous sur ce mot ?

Aurore Boyard ( A.B) : “L’avocation signifie que le métier d’avocat est une profession que l’on ne peut exercer que si l’on en ressent la vocation. En ce qui me concerne, il ne me paraît pas possible que ce soit autrement, tellement ce métier est riche mais exigeant. Si l’on n’a pas l’amour de ce métier, je ne vois comment il pourrait être possible de l’exercer.“

A.T : Le livre, l’édition, sont des moyens de communication ; souhaitez-vous faire passer un message à travers cet outil ?

A.B : “Mes livres passent effectivement plusieurs messages dont le premier est de combattre les préjugés, les clichés concernant ce métier.
Ils visent également à rappeler qui nous sommes, comment nous travaillons et qu’il y a plusieurs avocats : les pénalistes, les avocats d’affaire, les avocats de "proximité" (dont je fais partie), les avocats spécialisés, mais que nous sommes tous soumis aux mêmes règles déontologiques et au serment dont l’humanité fait partie.
Nous "traitons" de l’humain tous les jours et il est important de rappeler que nous sommes un soutien pour nos clients.
Je rappelle aussi que nous sommes comme tout le monde, avec une vie personnelle et des soucis, et que parfois notre métier et notre vie personnelle peuvent s’entrechoquer. Nous aussi, nous sommes des êtres humains. Enfin, dans le second livre, j’aborde la question des honoraires et des charges importantes que nous réglons comme tout professionnel libéral, comme toute entreprise, PME/PMI ou commerçant !
Le livre est un formidable outil de communication pour l’image de notre profession, sachant qu’il s’agit en sus d’une comédie avec une part de fiction mais tout en restant ancré dans le réalisme.”

A.T : Comment pratiquez-vous la communication à travers "vos 2 professions" ?

A.B : “Dans mes livres, je parle de ma profession ; en revanche, je ne parle pas de mes livres à mes clients. C’est une activité annexe.
Cependant les personnes qui ont connaissance de mes deux activités m’en parlent et nous en discutons alors. C’est très intéressant de voir leur réaction.
Beaucoup n’imaginait pas ce métier comme nous l’exerçons réellement. J’ai des retours de salons du livre, de lecteurs et lectrices via les réseaux sociaux, qui me font persister dans l’idée que nous devons vraiment expliquer qui nous sommes.

A.T : Pourriez-vous établir un portrait robot à partir de ce qui nourrit le mythe, les clichés, le fantasme de la profession d’avocat ?

A.B : “Ce qui nourrit le mythe de l’avocat, les clichés sur la profession d’avocat commencent par les films et séries TV qui :
- soit mettent en scène des avocats pénalistes toujours "border line" voire même malhonnêtes,
- soit des avocates au civil avec des énormes erreurs de procédure et des audiences surréalistes (divorce avec du public, téléphone dans le bureau du juge (sic !), des locaux non insonorisés, etc..),
bref, des situation totalement improbables.

De trop rares films, dont l’Hermine, retranscrivent cette humanité qui compose le monde judiciaire et qui pourrait mener nos concitoyens à se poser les questions suivantes :
- comment fait-on pour juger ? Est-ce si facile que cela ?
- comment l’avocat fait-il le choix de telle ou telle défense ? Qu’aurais-je fait à sa place ?
Il devrait y en avoir plus.
Et puis, j’ai beaucoup aimé "9 mois ferme" également ; enfin un film déjanté nous concernant mais si drôle !!! "

Notre manque de communication en tant qu’ avocat, sur qui nous sommes et comment nous travaillons, participe à ces clichés à mon sens. Nous sommes une profession trop enfermée sur elle-même. D’ailleurs la dernière de campagne de communication des avocats qui parle de l’avocat de proximité est un bon début mais ne va pas encore assez loin dans le message à passer.”
L’avocat écrivain une nouvelle casquette pour cette profession en pleine évolution et souligne la dimension pédagogique nécessaire pour accompagner l’évolution de l’image de cette profession. Les clichés ont la peau dure et c’est à force de dialogue et de rencontre qu’ils tombent. L’imparfaite connaissance des justiciables du quotidien de ceux et celles qui les défendent doit être contrée par une approche plus attentive et personnalisée de la profession.
Communiquer que cela soit dans une visée commerciale ou pour atteindre un objectif plus pédagogique est un travail à part entière certes mais nécessaire pour parfaire la (grande) transformation de cette profession !

Anaïs Tierny, NEKULA COMMUNICATION

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