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Affiliation au RSI ou comment mettre un coup d’arrêt décisif à l’économie collaborative. Par Arnaud Touati et Jonas Haddad, Avocats.
Parution : lundi 7 novembre 2016
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Les plateformes représentatives de l’économie collaborative comme AirBnb ou Drivy pensaient échapper au pire lorsque les députés ont rejeté mercredi 26 octobre, tard dans la nuit, un article proposant l’assujettissement de leurs utilisateurs au RSI.
Le vote , bien que serré, assurait l’avenir de ces nouvelles structures de location de biens mobiliers ou immobiliers entre particuliers.

Cet article, proposant l’assujettissement de leurs utilisateurs au RSI, avait d’ailleurs fait l’objet de nombreux amendements visant à sa suppression et proposés par un paysage politique hétéroclite rassemblant droite, gauche, extrêmes et écologistes.

Ce regain d’espoir n’a pas fait long feu. Dès le lendemain, après un tour de passe-passe dont seuls les habitués de l’hémicycle ont le secret, le Gouvernement a proposé un nouvel amendement rétablissant l’article 10 tant débattu.

Le dénouement fut douloureux : la chambre basse du parlement français a opéré un véritable revirement en adoptant finalement ce fameux article 10 du projet de la loi de financement de la sécurité sociale pour l’année 2017 !

Le choc est rude et difficile à encaisser, tant pour les acteurs de l’économie collaborative que pour ses bénéficiaires : non seulement ils ont cru tenir une petite victoire à une voix près, mais de surcroit, de nombreux députés se sont plaints d’avoir voté dans « la confusion de la nuit et peut-être avec la fatigue ». Dont acte.

Au-delà des affres de la procédure législative, l’adoption du projet en l’état opère une confusion regrettable entre activité occasionnelle et revenu professionnel, entre impôt sur le revenu et RSI.

En effet, il n’y aucune difficulté à ce que l’utilisateur qui engrange des bénéfices grâce à location de son studio soit imposé sur ces revenus. En revanche, et à l’encontre de tout bon sens, le Gouvernement semble trouver pertinent que de le soumettre au régime du RSI et donc par la force des choses de faire payer des cotisations sociales sur ce même revenu.

En outre, même si le principe d’une telle soumission était acté, celle-ci ne devrait alors s’appliquer qu’à partir d’un seuil particulièrement élevé, permettant ainsi de cibler les vrais bénéficiaires de ces plateformes d’économie collaborative.

En l’état actuel des choses, le seuil annuel, pour la location de biens immobiliers meublés, serait fixé à 23.000 euros (en attente du Conseil d’Etat) ce qui nous semble bien trop faible pour ne pas porter un coup d’arrêt décisif au secteur tout entier.

Ce premier seuil nous emmène à un second : celui applicable pour la location de biens mobiliers, fixé à la somme aberrante de 7.720 euros ... (initialement proposé pour 3.860 euros, bien maigre consolation).

En définitive, cette mesure prétendument protectrice, tant du citoyen par le versement de cotisations que des institutions hôtelières en luttant contre la concurrence déloyale, ne conduira finalement qu’à empêcher les utilisateurs de ces plateformes de compléter leurs revenus dans un contexte de réduction du pouvoir d’achat.

L’impact ne sera donc pas négligeable sur l’économie, ce secteur d’activité émergent participant de facto à relancer une croissance toujours en berne.

A moins que cela ne conduise à ce que de nombreuses transactions s’effectuent désormais sans être déclarées. Comme souvent, l’enfer est pavé de bonnes intentions.

Arnaud Touati, Avocat Associé HASHTAG AVOCATS

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