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Appel incident et effet dévolutif de l’appel. Par Romain Laffly, Avocat.
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Parution : mercredi 16 novembre 2016
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Une cour d’appel ne peut juger irrecevable l’appel incident de l’intimé faute pour celui-ci de ne pas avoir interjeté appel principal dans le délai légal.
Par jugement du 14 mars 2013, le juge de l’exécution condamne une partie à payer à l’autre une somme au titre d’une liquidation d’astreinte définitive mais, retenant que les travaux ont finalement été réalisés, rejette la demande aux fins de fixation d’une nouvelle astreinte. En appel, la partie intimée qui avait été condamnée au titre de la liquidation d’astreinte forme logiquement appel incident sur l’appel principal de son adversaire.
La cour d’appel d’Aix-en-Provence déclare cependant cet appel incident irrecevable par application de l’article 562 du Code de procédure civile qui dispose que « l’appel ne défère à la cour que la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément ou implicitement et de ceux qui en dépendent ». Pour la cour d’appel, l’appel n’avait déféré que les chefs de jugement expressément critiqués dont se trouvait exclue la condamnation au titre de la liquidation d’astreinte définitive et l’appel incident ne pouvait poursuivre la remise en cause d’une disposition non déférée, faute pour l’intimé d’avoir lui-même régularisé un appel principal sur ce point particulier dans le délai légal de la notification du jugement qu’il avait reçue.
La cassation était inévitable et, si la deuxième chambre civile rejeta le pourvoi principal, elle déclara recevable et fondé le pourvoi incident formé par la partie qui avait vu son appel incident un peu vite écarté.
En effet, on sait que l’appel incident, formé par voie de conclusions devant la cour, doit être régularisé, à peine d’irrecevabilité, dans le délai de deux mois de l’article 909 du Code de procédure civile, l’appelant principal disposant à son tour de deux mois pour y répondre, toujours à peine d’irrecevabilité. Ainsi, si l’appelant principal limite l’objet de son appel sur la déclaration d’appel elle-même ou par voie de conclusions aux seuls chefs de la décision qu’il entend critiquer, l’intimé a alors la possibilité de conclure, dans le délai susvisé, en formant appel incident et en sollicitant l’infirmation du jugement qui l’a débouté de ses prétentions. La cour d’appel d’Aix-en-Provence ne pouvait donc estimer que l’intimé devait de son côté, dans le délai légal de quinze jours s’agissant d’un jugement du juge de l’exécution, former appel principal s’il entendait poursuivre la réformation de certaines dispositions du jugement.
La deuxième chambre civile censure la motivation de la cour d’appel au visa de l’article 548 du Code de procédure civile qui précise que « l’appel peut être
incidemment relevé par l’intimé tant contre l’appelant que contre les autres intimés ». Ainsi, dès lors que la cour d’appel était encore saisie d’un appel principal recevable au jour de la notification des conclusions de l’intimé formant appel incident, elle devait statuer sur la demande de réformation faite par voie incidente.
Ajoutons que la cour d’appel ne pouvait d’autant moins se retrancher derrière l’effet dévolutif de l’appel que l’alinéa 2 de l’article 562 du Code de procédure civile dispose que « la dévolution s’opère pour le tout lorsque l’appel n’est pas limité à certains chefs, lorsqu’il tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible » et que l’article 550 du Code de procédure civile rappelle que, sous réserve des articles 909 et 910, « l’appel incident et l’appel provoqué peut être formé en tout état de cause, alors même que celui qui l’interjetterait serait forclos pour agir à titre principal ».
Aussi, face à un appel limité en son objet sur l’acte d’appel ou dans des conclusions, c’est uniquement lorsque l’appel principal est irrecevable ou si l’intimé ne se porte pas appelant incident dans le délai de deux mois de la notification des conclusions de l’appelant que l’appel incident doit être déclaré irrecevable.
Rappelons enfin que la Cour de cassation a jugé le 13 mai 2015 – et c’est peut-être là qu’il faut chercher la confusion de la cour d’appel d’Aix-en-Provence – que dans l’hypothèse où l’appelant laisserait rendre, sciemment ou non, une caducité de sa déclaration d’appel en ne concluant pas dans le délai de trois mois, les conclusions de l’intimé, même notifiées antérieurement et dans le délai de l’appel principal, doivent être jugées irrecevables. Au côté de l’appel incident, l’appel principal de l’intimé peut donc, aussi, avoir un intérêt stratégique.
Romain Laffly Associé chez Lexavoue LyonCet article est protégé par les droits d'auteur pour toute réutilisation ou diffusion, plus d'infos dans nos mentions légales ( https://www.village-justice.com/articles/Mentions-legales,16300.html#droits ).