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Les délais à respecter devant la cour d’appel. Par Sonia Ben Mansour, Avocat.
Parution : jeudi 24 novembre 2016
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Les délais à respecter lors de la procédure d’appel peuvent paraître assez simples sauf lorsque l’intimé n’a pas constitué avocat.

Note de l’auteur : Cet article a été rédigé avant l’entrée en vigueur de la nouvelle procédure d’appel entrée en vigueur au 1er septembre 2017.

L’avocat interjette appel d’une décision de justice rendue en première instance afin de la faire réformer.

Il faut dès lors démontrer devant les juges du fond que la décision rendue est erronée d’un point de vue factuel et/ou juridique.

Le délai pour interjeter appel court généralement à compter de la signification de la décision de justice (dans certaines hypothèses, à compter de la décision [1]).

En principe, le délai d’appel est d’un mois en matière contentieuse et de quinze jours en matière gracieuse [2].

Tout au long de la procédure, l’avocat de l’appelant devra veiller à respecter les délais impartis [3] car l’avocat de l’intimé (à tort ou à raison) pourra soulever un incident de procédure devant le conseiller de la mise en état afin de solliciter la caducité de la déclaration d’appel.

L’avocat de l’appelant enregistre sa déclaration d’appel par voie de RPVA (réseau privé virtuel des avocats) lorsqu’il y est inscrit.

Aux termes de l’article 901 du Code de procédure civile, « la déclaration d’appel est faite par acte contenant, outre les mentions prescrites par l’article 58 du Code de procédure civile [4], et à peine de nullité :
1° La constitution de l’avocat de l’appelant ;
2° L’indication de la décision attaquée ;
3° L’indication de la cour devant laquelle l’appel est porté.
La déclaration indique, le cas échéant, les chefs du jugement auxquels l’appel est limité.
Elle est signée par l’avocat constitué. Elle est accompagnée d’une copie de la décision. Elle est remise au greffe et vaut demande d’inscription au rôle
 ».

Le greffe de la cour d’appel adresse un message à l’avocat de l’appelant lui indiquant le numéro de sa déclaration d’appel, le numéro de répertoire général de l’affaire et désigne la chambre à laquelle l’affaire est distribuée.

A compter du dépôt de la déclaration d’appel, l’avocat de l’appelant doit respecter un délai de 3 mois pour conclure sous peine de caducité de sa déclaration d’appel (article 908 du Code de procédure civile).

L’avocat de l’intimé, une fois constitué, informe l’avocat de l’appelant et remet une copie de son acte de constitution au greffe (article 903 du Code de procédure civile).

Attention : Pour être régulière, la notification entre avocats d’un acte de constitution doit faire l’objet d’un avis électronique de réception, indiquant la date de cette réception et valant visa par l’avocat destinataire de l’acte de constitution (Civ.2ème, 15 octobre 2015 n°14-24.322 [5]).

L’avocat de l’intimé dispose, quant à lui, d’un délai de 2 mois pour conclure à compter de la notification des conclusions de l’appelant par voie de RPVA (article 909 du Code de procédure civile).

Qu’il s’agisse des conclusions d’appelant ou des conclusions en réponse de l’intimé, la Cour de cassation a jugé que si les conclusions notifiées et les pièces communiquées ne le sont pas faites de manière simultanée, la déclaration d’appel n’est pas caduque (Civ.2ème, 30 janvier 2014 n°12-24145 ; Cass. Assemblée plénière, 5 décembre 2014 n°13-19674).

Jusque-là, les délais semblent faciles à respecter.

Cela étant, il y a matière à complexifier les choses lorsque l’intimé n’a pas constitué avocat.

En effet, à compter de la déclaration d’appel, le greffe adresse à chacun des intimés un exemplaire de la déclaration d’appel avec l’indication de l’obligation de constituer avocat par lettre simple (article 902 du Code de procédure civile).

Si la déclaration d’appel est retournée au greffe par l’administration des Postes ou si l’intimé n’a pas constitué avocat dans un délai d’un mois à compter de l’envoi de la lettre de notification, le greffe avise l’avocat de l’appelant afin que celui-ci procède par voie de signification de la déclaration d’appel.

L’avocat de l’appelant doit dès lors effectuer la signification de la déclaration d’appel par voie d’huissier dans le mois de l’avis adressé par le greffe [6], sous peine de caducité de la déclaration d’appel. Le point de départ du délai d’un mois pour assigner est la réception de l’avis donné par le greffe.

Une fois la signification effectuée, l’avocat de l’appelant doit rester vigilant et mal lui en prit de baisser la garde.

A peine de caducité de sa déclaration d’appel, l’avocat de l’appelant doit signifier ses conclusions aux parties [7] qui n’ont pas constitué avocat avant l’expiration du délai de quatre mois courant à compter de la déclaration d’appel (Civ.2ème, 4 septembre 2014 n°13-22.586).

Pour autant, il faut que l’avocat de l’appelant notifie ses conclusions au greffe dans le délai de trois mois prévu à l’article 908 du Code de procédure civile.

En effet, il appartient à l’avocat de l’appelant de déposer ses conclusions au greffe de la juridiction dans le délai de leur remise au greffe (trois mois) pour bénéficier du délai d’un mois supplémentaire pour signifier les conclusions à l’intimé qui n’a pas constitué avocat (article 911 du Code de procédure civile ; Civ.2ème, 19 mars 2015 n°14-10.952).

Il y a deux cas à distinguer :
- Soit l’appelant a remis au greffe ses conclusions dans le délai de trois mois et à signifier ses conclusions à partie dans le délai de 4 mois, auquel cas il n’est pas tenu de les notifier à l’avocat de cette partie constitué postérieurement à la signification (Civ. 2ème, 4 septembre 2014 n°13-22586 ; Civ.2ème, 10 avril 2014 n°13-11134) ;
- Soit l’appelant a remis au greffe ses conclusions dans le délai de trois mois et les parties ont constitué avocat postérieurement à cette remise, l’avocat de l’appelant doit notifier les conclusions à l’avocat de l’intimé dans le délai de 4 mois (Civ. 2ème, 10 avril 2014 n°12-29333).

La caducité de la déclaration d’appel a pour effet de conférer un caractère définitif au jugement s’il a été signifié. Tant que la signification n’est pas intervenue, l’avocat peut effectuer une seconde nouvelle déclaration d’appel dans le délai imparti pour exercer une voie de recours.

Néanmoins, dans un arrêt rendu le 21 janvier 2016 n°14-18.631 (publié au bulletin), la Deuxième chambre civile de la Cour de cassation a adopté une position stricte en jugeant que "la première déclaration d’appel formée par l’appelant étant régulière et ayant emporté inscription immédiate de l’affaire au rôle, celui-ci est en conséquence tenu de conclure dans le délai de trois mois à compter de cette déclaration sous peine de caducité de cette dernière (en l’espèce, délai non respecté), la seconde déclaration d’appel, formée ultérieurement, identique à la première comme étant dirigée à l’encontre du même jugement et désignant le même intimé, étant sans effet". Peut-on dès lors faire preuve d’optimisme sur une issue favorable ?

Sonia Ben Mansour Avocat à la Cour Doctorante à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

[1Le délai court à compter de la décision (exemples : article 868 du Code de procédure civile, article 1102 du Code de procédure civile).

[2Article 538 du Code de procédure civile (mais de nombreuses exceptions existent).

[3Principalement : Décret n°2009-1524 du 9 décembre 2009 relatif à la procédure d’appel avec représentation obligatoire en matière civile dit « décret Magendie » ; Décret n° 2010-1647 du 28 décembre 2010 modifiant la procédure d’appel avec représentation obligatoire en matière civile.

[4Article 58 du Code de procédure civile : « la requête ou la déclaration est l’acte par lequel le demandeur saisit la juridiction sans que son adversaire en ait été préalablement informé.
Elle contient à peine de nullité :
1° Pour les personnes physiques : l’indication des noms, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance du demandeur ;
Pour les personnes morales : l’indication de leur forme, leur dénomination, leur siège social et de l’organe qui les représente légalement ;
2° L’indication des noms, prénoms et domicile de la personne contre laquelle la demande est formée, ou, s’il s’agit d’une personne morale, de sa dénomination et de son siège social ;
3° L’objet de la demande.
Sauf justification d’un motif légitime tenant à l’urgence ou à la matière considérée, en particulier lorsqu’elle intéresse l’ordre public, la requête ou la déclaration qui saisit la juridiction de première instance précise également les diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige. Elle est datée et signée
 ».

[5Kebir M., Caducité de l’appel : nécessité de l’avis électronique de réception de la constitution d’avocat, D. actualité, 6 novembre 2015.

[6« (…) A peine de nullité, l’acte de signification indique à l’intimé que, faute pour lui de constituer avocat dans un délai de quinze jours à compter de celle-ci, il s’expose à ce qu’un arrêt soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire et que, faute de conclure dans le délai mentionné à l’article 909, il s’expose à ce que ses écritures soient déclarées d’office irrecevables » (article 902 alinéa 2 du Code de procédure civile).

[7Il vaut mieux signifier l’ensemble, c’est-à-dire la déclaration d’appel, les conclusions d’appel et les pièces communiquées.

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