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« Une direction juridique moderne est au service des projets de développement d’une entreprise. »
Parution : lundi 16 janvier 2017
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Frédérique Riéty, directrice juridique de Radio France, travaille depuis longtemps à faire valoir la position de son département et de sa fonction dans l’élaboration de la stratégie de son entreprise. En gérant avec son équipe des questions juridiques aussi larges que variées, le directeur juridique doit être, pour elle, un « technicien » et un « négociateur » sécurisant les actions de l’entreprise, en intervenant en amont auprès des dirigeants.

Clarisse Andry : Quelles sont les spécificités d’une direction juridique d’un média de service public ?

Frédérique Riéty : Contrairement à ce que l’on pourrait croire, la direction juridique de Radio France a un spectre d’intervention très large. C’est une entreprise de média, elle a donc à ce titre de très fortes spécificités, mais celles-ci ne recouvrent pas toute notre réalité. Radio France a par exemple la charge du bâtiment emblématique de la Maison de la Radio dont elle est propriétaire. Il faut donc le faire vivre, le valoriser, le mettre au service du public. Radio France est une société nationale de programme organisée sous forme de société anonyme, nous avons donc de nombreuses questions corporate à gérer. Cette spécificité de société nationale de service public, dont le capital est détenu par l’État, ouvre à de nombreux sujets liés aux aides d’État, au cahier des missions et des charges, aux règles particulières qui s’imposent en matière de publicité… Nous traitons la problématique des contenus et les spécificités liées à l’activité de média : la propriété intellectuelle, le développement de l’offre multimédia l’application du droit de la presse, les relations avec le CSA, autorité de contrôle, l’éthique ...
Ma direction est constituée de deux pôles : un pôle « contenu » et un pôle « support ». Notre petite équipe, composée de sept juristes, traite donc une palette très large et très diversifiés de sujets. C’est pourquoi, en tant que directrice, je ne m’occupe pas uniquement de management ou de stratégie mais je traite moi aussi des dossiers très techniques, tous les jours.

Quelle est votre vision de la fonction de directeur juridique ?

« Le directeur juridique doit être un très bon négociateur. »


À mon sens, le directeur juridique doit rester un excellent technicien. Comparativement à d’autres fonctions managériales dans une entreprise, le directeur juridique doit être un spécialiste de son domaine, en adoptant une vision assez large de la matière. Dans mon cas, je dois pouvoir répondre tout aussi bien sur une question d’assurance qu’à une question de droit, de données personnelles, de contrat, de marque ou de maitrise d’ouvrage, et ce ne sont que des exemples.
Le directeur juridique doit ensuite être un très bon négociateur. Il n’est pas là uniquement pour dire la loi ou bloquer les projets, mais pour être au contraire un facilitateur, dans une mission d’aide et d’accompagnement de la stratégie de l’entreprise et des projets de développement, grâce à son analyse pointue des risques et sa vision transversale.

Quelle place doit avoir la direction juridique dans l’élaboration de la stratégie d’entreprise ?

« L’image démodée d’un département dans son coin a aujourd’hui explosé. »


La direction des affaires juridiques devrait être, comme c’est le cas dans les pays anglo-saxons, au plus près de la présidence direction générale, afin d’être associée en amont à l’élaboration même des projets et de la stratégie d’entreprise. Elle ne l’est malheureusement pas assez en France, et c’est pourtant la vocation d’une direction juridique aujourd’hui. L’image démodée d’un département dans son coin, que l’on ne consulte que pour aller au contentieux ou corriger une lettre de réclamation, a aujourd’hui explosé.
Une direction juridique moderne est une direction au service des projets de développement d’une entreprise, dans la sécurisation maximale de ses dirigeants et de l’entreprise elle-même.

Quels moyens avez-vous mis en œuvre pour faire valoir ce rôle ?

Je suis maintenant intégrée au comité stratégique, qui comprend une vingtaine de directeurs, que le président réunit de façon hebdomadaire, et je fais également partie du secrétariat général. Par ce positionnement, je me suis donc rapprochée du centre de décision, et de ce fait j’ai certaines informations très en amont. Il y a donc eu un vrai progrès à Radio France, j’y ai travaillé et j’ai communiqué sur mon métier. Je pense également que ce nouveau positionnement est entendu plus facilement par des dirigeants d’entreprise plus jeunes. Ils ont peut-être une formation plus managériale, plus économique et intègrent plus facilement cet aspect gestion du risque en amont.

Comment motivez-vous les membres de votre service ?

Je dirai que c’est une attitude au quotidien. J’essaye d’être positive et d’être valorisante, en les remerciant pour leur travail, leur demander leur avis sur certaines questions, en les mettant en avant lorsque je transmets certains de leurs travaux. Je fais également valoir leur évolution de carrière autant que je peux avec la direction des ressources humaines. Je les encourage aussi à se former, dès qu’ils voient un sujet qui les intéresse, qu’il s’agisse d’une formation développement personnel ou d’une formation métier.

La radio s’est aujourd’hui diversifiée et utilise de nombreux outils technologiques : est-ce une connaissance que vous exigez dès le recrutement de vos juristes ?

« Nous avons besoin de juristes qui connaissent parfaitement le multimédia. »


Oui, ça fait partie des critères de recrutement. Nous avons véritablement besoin de juristes, notamment pour le pôle « contenu », qui connaissent parfaitement le multimédia. Ils doivent savoir ce qu’est un cookies, un pré-roll, un post-roll, se servir d’Internet, savoir ce que c’est un embed, … Il y a non seulement tout un vocabulaire qu’ils doivent avoir déjà acquis, mais aussi toute une pratique du multimédia, en plus des connaissances des textes en lien avec ces sujets.
La direction juridique de Radio France est à la pointe de ce qui se fait dans le domaine. Nous avons par exemple été les premiers à négocier et signer certains accords. Nous ne pouvons donc pas nous permettre d’être à la traine, ni dans la technique juridique, ni dans les évolutions technologiques.

Les juristes recrutés ont donc un parcours particulier ou un cursus spécialisé ?

Oui, tout à fait. Concernant le contenu, nous avons besoin de personnes qui ont effectué un Master 2 de propriété intellectuelle avec une spécialisation, comme nouvelles propriété ou multimédia. Pour le pôle « support », nous avons besoin de gens qui sont assez ouverts et un peu généralistes. Par exemple, lorsque je reçois la candidature d’un jeune juriste, je regarde s’il a géré plusieurs domaines dans ses stages ou ses CDD précédents : des baux commerciaux, des contrats, du droit commercial… C’est encore un autre profil, mais tout aussi exigeant.

Propos recueillis par Clarisse Andry Rédaction du Village de la Justice Photo : Radio France / Christophe Abramowitz

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