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Un infographiste freelance collaborateur direct de la rédaction de France Télévisions requalifié en journaliste professionnel salarié. Par Frédéric Chhum, Avocat.
Parution : jeudi 2 mars 2017
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Monsieur X, qui exerçait au sein de la société France télévisions depuis le 17 décembre 1984 des fonctions d’infographiste rémunéré en honoraires, a revendiqué la qualité de salarié le 25 septembre 2008.
La société France télévisions, ayant mis fin aux relations contractuelles le 9 février 2009, à effet au 30 septembre 2009, M. X... a saisi la juridiction prud’homale de demandes relatives à l’exécution et à la rupture d’un contrat de travail.

Dans un arrêt du 11 juin 2015, la cour d’appel de Paris a jugé que l’infographiste freelance était en réalité un journaliste assimilé salarié au sens de l’article L. 7111-4 du Code du travail.
France Télévisions s’est pourvue en cassation. Dans un arrêt du 25 janvier 2017 (n°15-23169) publié au bulletin des arrêts de la Cour de cassation, son pourvoi est rejeté.

1) L’infographiste freelance est en fait un journaliste professionnel salarié car collaborateur direct de la rédaction

1.1) Le journaliste assimilé collaborateur direct de la rédaction (Article L. 7111-4 du Code du travail)

L’article L. 7111-3 du Code du travail dispose qu’est journaliste professionnel « celui qui a pour occupation principale, régulière et rétribuée l’exercice de sa profession dans une ou plusieurs publications quotidiennes ou périodiques ou agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources ».

A cet égard, les journalistes qui collaborent à la radio télévision ont la qualité de journaliste au sens de l’article L.7111-3 du Code du travail.

Selon la jurisprudence, la profession de journaliste consiste « dans l’exercice permanent de l’une des activités intellectuelles, que comporte la composition rédactionnelle d’une publication ou du service d’une agence de presse d’information ».

La qualité de journaliste implique la réunion de 4 conditions :
- l’exercice de la profession de journaliste et
- l’exercice de la profession à titre principal ;
- l’exercice de la profession doit procurer à l’intéressé l’essentiel de ses ressources ;
- l’exercice de la profession doit être effectué dans une (ou plusieurs) publication(s).

La jurisprudence a précisé que « sont journalistes ceux qui apportent une collaboration intellectuelle et permanente à une publication périodique en vue de l’information des lecteurs » (Cass. soc. 28 mai 1986, n°1306 ; Cass. soc. 1er avril 1992).

L’article 1.3 de la Convention collective nationale des Journalistes et l’article L.7113-4 du code du travail disposent que « sont assimilés aux journalistes professionnels les collaborateurs directs de la rédaction : rédacteurs-traducteurs, sténographes-rédacteurs, rédacteurs-réviseurs, reporters-dessinateurs, reporters-photographes, à l’exclusion des agents de publicité et de tous ceux qui n’apportent, à un titre quelconque, qu’une collaboration occasionnelle ».

Dans un arrêt du 29 janvier 2009 (21ème ch. C), la cour d’appel de Paris avait requalifié une technicienne spécialisée d’émission de France 3, collaboratrice directe de la rédaction de l’émission France Europe Express en journaliste professionnel au sens de l’article L. 7111-4 du Code du travail.

Il a aussi été jugé qu’ont la qualité de journaliste :
- un maquettiste (Cass. soc. 9 février 1989) ;
- un animateur de radio locale qui recueillait des informations de toute origine pour rédiger et présenter plusieurs fois par jour des bulletins d’information, cette occupation ayant manifestement un caractère intellectuel (CA Rouen 27 juin 1989, Sarl Régie radio média c/ M.X) ;
- un rédacteur réviseur qui participe par sa contribution intellectuelle à l’œuvre créatrice de la rédaction (CA 26 sept. 1991).

1.2) L’infographiste freelance de France Télévisions est requalifié en journaliste salarié sur le fondement de l’article L. 7111-4 du Code du travail

France Télévisions plaidait que seuls les rédacteurs-traducteurs, sténographes-rédacteurs, rédacteurs-réviseurs, reporters-dessinateurs, reporters-photographes sont des collaborateurs directs de la rédaction et sont assimilés à ce titre aux journalistes professionnels. Pourtant, la liste des journalistes assimilés de l’article L. 7111-4 n’est pas limitative.

La Chaîne plaidait aussi que ne peut être considéré comme collaborateur direct de la rédaction que celui qui par sa création artistique et intellectuelle participe à la ligne éditoriale du journal.

En l’occurrence, elle plaidait que M. X. était un collaborateur direct de la rédaction, qu’il concevait des illustrations réalisées au moyen d’outils informatiques, était en charge des visuels apparaissant derrière le journaliste présentateur et avait pour rôle de concevoir et réaliser les illustrations, tout en constatant que l’infographiste se contentait sur instructions techniques précises « de traduire seulement la représentation graphique de l’information que l’infographiste ne choisit pas, et sur la ligne éditoriale de laquelle il n’influe pas », ce qui excluait tout apport intellectuel relevant de l’activité journalistique propre ou assimilée.

Enfin, France Télévisions indiquait qu’il appartient à celui qui se prévaut de la qualité de journaliste professionnel d’apporter la preuve de ce que l’activité qu’il consacrait à l’entreprise de presse constituait son activité principale.

La Chaîne plaidait aussi que la cour d’appel a inversé la charge de la preuve en méconnaissance des articles L. 7111-3, L. 7111-4, L. 7112-1 du Code du travail, ensemble l’article 1315 du Code civil.

La Cour de cassation ne retient pas ces moyens de France Télévisions.

Elle relève que « l’intéressé, en apportant une contribution permanente illustrative dans le cadre de l’élaboration des journaux télévisés, était un collaborateur direct de la rédaction, et par motifs adoptés, qu’il en tirait le principal de ses ressources ».

Dès lors, l’infographiste est journaliste assimilé au sens de l’article L. 7111-4 du Code du travail.

2) Sur le salaire de référence à retenir du fait de la requalification en CDI

Le journaliste infographiste critiquait l’arrêt de la Cour d’appel qui avait retenu que la référence à retenir est le salaire conventionnel des infographistes issu de la convention collective nationale des journalistes et des accords d’entreprise et d’inviter, en conséquence, les parties à déterminer le montant du salaire dû sur cette base.

Le journaliste plaidait que le salaire de référence à retenir, lorsque la relation contractuelle est requalifiée en un contrat de travail, doit être calculé sur la base de la rémunération brute effective antérieure à la rupture du contrat.

Le journaliste plaidait que « le salaire de référence à retenir, lorsque la relation contractuelle est requalifiée en un contrat de travail, doit être calculé sur la base de la rémunération brute effective antérieure à la rupture du contrat » et que la cour d’appel avait violé les articles 1184 du Code civil et L. 1221-1 du Code du travail.

Toutefois, ce moyen est rejeté ; la Cour de cassation considère que ce moyen est irrecevable puisque « le dispositif de l’arrêt ne comportant pas le premier des chefs visés par le grief, et le second chef visé, présenté comme la conséquence de ce chef inexistant, correspondant en réalité à un chef de dispositif avant dire droit ».

Frédéric Chhum avocat et ancien membre du Conseil de l\'ordre des avocats de Paris (mandat 2019 -2021) CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille) [->chhum@chhum-avocats.com] www.chhum-avocats.fr http://twitter.com/#!/fchhum