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L’optimisation fiscale du droit d’entrée au bail commercial (pas-de-porte). Par Thomas Ramon, Avocat.
Parution : jeudi 11 mai 2017
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Le droit d’entrée du preneur d’un local commercial autrement appelé pas-de-porte est un casse-tête fiscal pour le locataire qui doit très souvent débourser des sommes importantes pour obtenir un local sur une avenue passante. Cependant, ce droit d’entrée ne peut pas être déduit immédiatement du résultat fiscal. Il convient donc de s’interroger sur les possibilités d’amortissement ou d’étalement en charge déductible de ce droit d’entrée.

Le Conseil d’Etat a rappelé récemment que le droit d’entrée au bail commercial comprend à la fois un droit au bail commercial et des droits supplémentaires au droit au bail qui doivent être immobilisés (CE 27 janvier 2017 n°391817). Ainsi, les dépenses de droit d’entrée ne sont pas immédiatement déductibles au titre de l’exercice où elles sont exposées.

S’agissant du droit au bail qui est un élément appartenant au fonds de commerce au même titre que l’enseigne ou la dénomination sociale, il n’est pas considéré par la jurisprudence comme un actif amortissable en raison du droit au renouvellement automatique conféré par le statut des baux commerciaux. En effet, le terme du contrat de bail commercial ne peut pas constituer la date d’interruption des effets bénéfiques du bail commercial dès lors que le contrat de bail commercial est susceptible d’être renouvelé (CE, 15 octobre 1982 n° 26585).

S’agissant des autres avantages rémunérés par le droit d’entrée, la question de l’amortissement de ces éléments d’actifs ou de leur déduction en charge est moins tranchée. La jurisprudence a établi depuis longtemps que le droit d’entrée constitue un élément d’actif incorporel, et non un supplément de loyer, dès lors que le loyer pratiqué est normal (CE 5 juin 1970 n°71745).

Il en résulte que lorsque le loyer pratiqué pendant toute la durée du bail commercial est inférieur à la valeur réelle du bail, le droit d’entrée pourra être déduit en charge suivant un étalement qui correspond à la durée du bail. Les loyers déduits seront donc majorés de la part du droit d’entrée payé par le locataire au moment de la conclusion du bail commercial.

Reste que cette situation sera difficile à négocier car le bailleur est peu susceptible d’accepter un prix du loyer inférieur à la valeur locative.

En revanche, les droits versées au bailleur et correspondant aux avantages contractuels accordés en supplément de ceux prévus par le statut des baux commerciaux (renonciation à la faculté de résiliation en cours de bail, durée exceptionnelle du bail, etc.) sont des éléments d’actifs amortissables (CE 15 avril 2016 n° 375796 et n° 383067).

Ainsi, le preneur à bail a fiscalement intérêt à minimiser la part du droit au bail commercial dans le droit d’entrée payé au bailleur au profit de droits supplémentaires au droit au bail commercial. Ces avantages supplémentaires constatés dans le contrat permettent de justifier du paiement d’un droit d’entrée qui n’a pas pour contrepartie le droit au renouvellement du bail commercial. Ces autres avantages pourront ainsi entrer dans le champ de la négociation contractuelle en échange du paiement par le preneur d’un droit d’entrée revalorisé.

Voici une liste non exhaustive des avantages autres que ceux liés au statut des baux commerciaux qui peuvent justifier un amortissement du droit d’entrée au bail commercial :
- Droit de préférence en cas de cession de l’immeuble (cela est prévu à l’article L 145-46-1 du code de commerce). Il conviendra que le droit de préférence porte sur l’ensemble de l’immeuble pour que l’avantage accordé par le bailleur puisse être considéré comme différent de celui accordé par le statut des baux commerciaux ;
- Renonciation du bailleur à résilier le bail pendant un certain délai pour des motifs autres que le non-paiement du loyer ;
- Clause de libre cession du droit au bail sans qu’il soit nécessaire d’obtenir au préalable l’autorisation du bailleur. Ce droit de cession isolé du droit au bail devra être indépendant du droit de cession du bail à son successeur dans le cadre d’une cession de fonds de commerce qui est accordé par le statut des baux commerciaux ;
- Durée exceptionnelle du bail qui peut aller jusqu’à 12 ans au lieu de 9 ans pour la durée légale. Dans ce cas, il convient d’amortir le droit d’entrée sur la durée du bail ;
- Un droit d’utilisation d’un autre local (terrasse, cour etc) pour une durée différente de celle du bail commercial ;
- Une clause de libre destination des locaux, de libre déspécialisation des locaux et d’autorisation d’activités non déterminées pour une durée différente de celle du bail commercial ;
- Le preneur aura la faculté de sous-louer tout ou partie des locaux sans l’autorisation expresse, écrite et préalable du bailleur pendant une durée différente de celle du bail commercial ;
- Clause de non concurrence : le bailleur s’interdira d’exploiter, directement ou indirectement, y compris par la location à un tiers, dans le reste de l’immeuble ou des immeubles adjacents l’un des commerces que le preneur a déclaré exercer.

Vous l’aurez compris, ces avantages devront non seulement être distincts de ceux accordés par le statut des baux commerciaux, mais les effets bénéfiques sur l’exploitation de ces avantages accordés par le bailleur devront prendre fin à une date normalement prévisible (Section CE 1er octobre 1999 no 177809, min. c/ Sté Foncia Particimo).

Afin d’éviter une confusion entre les avantages accordés par le bailleur sur une durée déterminée et les avantages qui seront maintenus lors du renouvellement du droit au bail, il est préférable de donner aux avantages supplémentaires une durée différente de celle correspondant au terme du contrat (sauf le cas où l’avantage accordé est celui d’une durée de bail exceptionnellement longue).

Les droits d’entrée pourvu qu’ils correspondent à la valeur normale des avantages supplémentaires octroyés pourront ainsi être amortis non pas sur la durée du bail mais sur la durée pendant laquelle les avantages accordés auront des effets bénéfiques sur l’exploitation.

Enfin, il vous est possible de demander au bailleur un assujettissement des loyers et des droits d’entrée à la TVA. Si celui-ci l’accepte, la TVA payée au bailleur au titre du droit d’entrée pourra être déduite dès la conclusion du bail. Cela vous permettra éventuellement d’obtenir un crédit ou un remboursement de TVA, ce qui n’est pas négligeable lorsqu’on débute une activité commerciale.

Avocat au barreau d\'Aix-en-Provence https://ramon-avocat.fr/ Magistère de droit des affaires, fiscalité et comptabilité Master 2 Droit et fiscalité des entreprises
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