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Le CICE et la réduction générale de cotisations « Fillon ». Par Linda Zidane.
Parution : vendredi 21 juillet 2017
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Dans notre série sur les sujets sensibles en paye, nous abordons deux dispositifs qui posent bien des difficultés pour les professionnels de la paye, la réduction générale des cotisations patronales dite « Fillon » et le CICE (crédit d’impôt pour la compétitivité des entreprises). Pour faire le point sur cette question, nous avons posé nos questions à Brankiça Pavlovic, cofondatrice et CEO de la société Arhia, qui nous fait part de son expérience.

Pour quelles raisons, le calcul du CICE, qui est une mesure de crédit fiscal, est associé à la réduction générale des cotisations patronales dite « Fillon » ?

Effectivement, on pourrait s’interroger sur le lien qui existe entre ces deux mesures. La réponse est simple, les paramètres de calcul du CICE et de la réduction « Fillon » comportent les mêmes caractéristiques. En effet, le calcul du SMIC de référence est notamment identique. A signaler que ce sont les mêmes paramètres pour le calcul de la cotisation Allocations Familiales.

Aussi, le CICE, assis sur les rémunérations brutes versées est calculé par les services paye, déclaré via la DSN et envoyé à destination des URSSAF.

Le CICE constitue ainsi un sujet porté par les services paye mais partagé avec les services financiers et comptables et pour cause, car le CICE peut faire l’objet d’une demande de restitution immédiate ou d’un préfinancement du crédit d’impôt auprès d’un organisme bancaire.

Quels sont les points de vigilance, de contrôle et les bonnes pratiques à adopter pour circonscrire ces deux sujets ?

Le calcul de la réduction « Fillon » a subi de nombreux changements au cours de ces dernières années : les modalités de calcul ont été profondément réformées pour les rémunérations versées depuis le 1er janvier 2015 (loi 2014-892 du 8 août 2014, art. 2-I, 5°, JO du 9 ; décret 2014-1688 du 29 décembre 2014, JO du 31 ; circ. DSS/SD5B 2015-99 du 1er janvier 2015).

En tout premier lieu, j’invite les professionnels à mener une analyse du paramétrage de toutes les rubriques utilisées dans les calculs, puis ensuite à déterminer les situations sensibles : 35 heures ou moins, temps complet ou partiel, heures complémentaires et supplémentaires, prise en compte des absences non indemnisées ou partiellement indemnisées, CDD, 13ème mois, abattement pour frais professionnels, etc.

Et surtout à contrôler progressivement le calcul des réductions appliquées ! En effet, la réduction « Fillon » est calculée pour chaque année civile, pour chaque salarié et pour chaque contrat de travail, en fonction de la rémunération annuelle brute (c. séc. soc. art. L. 241-13, III). L’employeur applique la réduction par anticipation, mois civil par mois civil (c. séc. soc. art. L. 241-13, V et D. 241-8). Une régularisation est indispensable, puisque le montant définitif de la réduction dépend de paramètres annuels.

Par expérience, je sais que parfois les délais de contrôles sont très courts en paye. Pour autant, un contrôle par échantillonnage et régulier permet d’éviter les opérations de régularisation à postériori.

En quoi le calcul du CICE et de la réduction « Fillon » peut constituer un risque URSSAF ?

Il est aisé de comprendre que toutes les mesures qui permettent de réduire les cotisations patronales constituent par définition un sujet sensible et sur lequel un contrôle URSSAF peut porter. Le contrôle de la réduction « Fillon » est dans le top 3 des sujets contrôlés.

Comme nous l’évoquions plus haut, les paramètres de calcul étant identiques, si le calcul d’une mesure est erroné, ce sont potentiellement toutes les autres mesures qui sont impactées. Les professionnels de la paye ont coutume de dire que si la réduction « Fillon » n’est pas juste, notamment du point de vue de la détermination du SMIC de référence, il existe de fortes probabilités que le calcul du CICE soit lui aussi erroné.

A noter que l’administration fiscale ne contrôlera pas l’utilisation du CICE : un CICE qui ne serait pas utilisé conformément aux objectifs d’amélioration de la compétitivité de l’entreprise ne fera donc l’objet d’aucune remise en cause par l’administration fiscale.

Qu’advient-il du CICE en 2018 ?

Avec le nouveau gouvernement, le CICE devait disparaître en 2018 au profit d’une réduction de charges. Or, l’année du basculement, l’État aurait à payer deux fois. Une fois au titre de l’année d’avant, puisque le CICE est décalé d’un an ; et une autre fois au titre de l’année en cours, avec la nouvelle baisse des charges qui se serait substituée au CICE. Or, le 4 juillet 2017, le premier ministre a reporté la transformation du CICE en allègement de charges à 2019. La pérennité du dispositif pose question après cette date.

En conclusion, tout professionnel de la paye a un intérêt à se pencher sur les pratiques de son entreprise et chercher à justifier les résultats obtenus. L’anticipation des conséquences sociales et fiscales permettra de mesurer et d’ajuster si nécessaire les traitements réservés à ces mesures. Une telle démarche est la meilleure façon de prévenir un contrôle URSSAF et ou fiscal.

Linda Zidane Responsable Prestation Formation PAY JOB Formation/Linking Talents Formation Droit du travail-Ressources humaines-Paie [->lindazidane@payjob.fr]