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Pas de nullité de la clause d’intérêts si le TEG comporte une erreur de moins d’une décimale. Par Alexandre Peron, Legal Counsel.
Parution : jeudi 3 août 2017
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Si l’erreur dans le calcul du TEG induit nécessairement le futur emprunteur en erreur et le place dans une appréciation tronquée de la situation, ne lui permettant pas de donner son consentement de manière éclairée, l’erreur doit-elle être considérée avec la même mesure en fonction de son degré ?

Le Taux Effectif Global (TEG) est un indicateur, calculé de la même manière et sur des bases identiques par les banques et les établissements de crédit, devant permettre :

- Au futur emprunteur de pouvoir comparer le coût des financements proposés,
- De s’assurer que ce taux reste en deçà du taux de l’usure.

Le décret n° 85-944 du 4 septembre 1985 a précisé les modalités de calcul du TEG en légalisant la méthode du taux proportionnel.

Le TEG est donc un taux annuel, obtenu en multipliant le taux de période par le rapport entre la durée de l’année civile et celle de la période unitaire, à terme échu et exprimé pour cent unités monétaires.

Le TEG est devenu le TAEG depuis 2016.

Le futur emprunteur doit pouvoir avoir en sa possession l’ensemble des informations qui lui permettront de déterminer si oui ou non ils souhaitent donner son consentement au contrat de prêt. Ainsi le TEG doit impérativement être déterminé et fourni à ce dernier. Il doit apparaitre dans l’offre de prêt et aussi dans le tableau d’amortissement.

La jurisprudence française enregistre chaque année un nombre important de contentieux liés à l’absence de TEG ou à un TEG erroné. Dans ces deux cas et depuis une décennie la cour de cassation assimile l’erreur dans le calcul du TEG à une absence de TEG. Dès lors, la conséquence est la même, à savoir la déchéance du droit aux intérêts conventionnels. Seuls les intérêts légaux peuvent être demandés sans garantie toutefois car cela est laissé à l’appréciation des juges. C’est notamment ce que la cour de cassation a rappelé dans un arrêt en date du 19 septembre 2007.

Si l’erreur dans le calcul du TEG induit nécessairement le futur emprunteur en erreur et le place dans une appréciation tronquée de la situation, ne lui permettant pas de donner son consentement de manière éclairée, l’erreur doit-elle être considérée avec la même mesure en fonction de son degré ?

Concernant les prêts accordés aux particuliers, la Cour de cassation a écarté à plusieurs reprises la nullité de la stipulation d’intérêts en raison d’une erreur inférieure à la décimale (Cass. 1ère civ. 26/11/2014 ; Cass. 1ère civ. 09/04/2015 ; Cass. 1ère civ. 25/01/2017).

Jusqu’alors la jurisprudence de la première chambre civile était constante certes, mais ne faisait état que d’affaires concernant des particuliers ou des SCI familiales. Il était naturel de s’interroger si le professionnel pouvait voir son sort traiter différemment par la chambre commerciale.

Et c’est justement par un arrêt rendu le 18 mai 2017, que la chambre commerciale de la Cour de cassation est venue se prononcer dans le cadre d’une affaire ou une société s’était vu octroyer par sa banque, un prêt destiné à financer les besoins de son activité professionnelle.

Constatant une erreur dans le calcul du TEG, la société décidait d’assigner la banque aux fins de voir prononcer la nullité de la clause d’intérêts et ainsi voir prononcer la déchéance de la banque de son droit aux intérêts conventionnels.

Au soutien de sa demande, la société considérait que la règle édictée par l’article R. 314-2 du code de la consommation n’avait pas pour objet d’édicter une marge d’erreur admissible, mais de déterminer le degré de précision dans l’expression du taux du prêt.

Cet article dispose que « Pour les opérations de crédit destinées à financer les besoins d’une activité professionnelle, le taux effectif global (TEG) est un taux annuel, proportionnel au taux de période, à terme échu et exprimé pour cent unités monétaires. Lorsque les versements sont effectués avec une fréquence autre qu’annuelle, le TEG est obtenu en multipliant le taux de période par le rapport entre la durée de l’année civile et celle de la période unitaire. Le rapport est calculé, le cas échéant, avec une précision d’au moins une décimale ».

En l’espèce, l’écart relevé par la société entre le TEG mentionné dans le contrat de prêt (5.672 %) et le produit du taux de période par le nombre d’échéances de remboursement dans l’année (5.743 %) était inférieur à la décimale prescrite par le texte.

Néanmoins, la chambre commerciale n’a pas considéré cette écart comme significatif et n’a pas suivi l’argument développé par la société au soutien de son pourvoi.

La présente décision confirme la jurisprudence de la première chambre civile, et renforce la position de la Cour de cassation en la matière. Les professionnels sont désormais concernés au même titre que les particuliers. Cela évitera bien des problèmes d’interprétation aux juridictions de première instance qui n’auront plus à apprécier si un prêt a été octroyé à un professionnel en sa qualité de professionnel ou de particulier, notamment concernant les professions libérales par exemple. Cela permettra également d’éviter la multiplication des contentieux inutiles.

Alexandre Peron Legal Counsel

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