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Affiche sordide de Robert Ménard à Béziers : pourquoi le Préfet doit l’interdire. Par Pierrick Gardien, Avocat.
Parution : mercredi 13 décembre 2017
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Le maire de Béziers Robert Ménard a annoncé ce lundi 11 décembre le lancement d’une campagne d’affichage publicitaire sordide. Présentée comme une campagne en faveur du TGV Occitanie, l’affiche met en réalité en scène un sinistre fait divers de juin 2017 : en Eure-et-Loir, un homme avait tué son épouse en l’attachant sur les rails du train (Le Parisien).

Au-delà du caractère particulièrement choquant de cet affichage, des considérations juridiques doivent conduire à l’interdire. En effet, l’affichage publicitaire est strictement encadré juridiquement en France.

Si le droit d’exprimer et de diffuser informations et idées, quelle qu’en soit la nature, par le moyen de la publicité et d’enseignes est protégé (Article L581-1 du Code de l’environnement), il n’en demeure pas moins que ce droit est, comme toute liberté, limité par les impératifs de protection de l’ordre public et le principe de dignité de la personne humaine (composante de l’ordre public depuis CE, 27 octobre 1995, Commune de Morsang-sur-Orge).

C’est ce qu’a rappelé, à titre d’exemple, le Tribunal Administratif de Montreuil le 9 novembre 2017 (a contrario).

Si une appréciation doit nécessairement être portée sur les faits d’espèce, sous le contrôle du juge administratif, il est indéniable que l’affiche annoncée par Robert Ménard porte atteinte à l’ordre public et à la dignité de la personne humaine en tant qu’elle relativise, voire encourage le meurtre (avec circonstance aggravante de sexisme).

L’affiche présentée n’est donc pas conforme aux règles applicables en matière d’affichage publicitaire.

Le maire dispose de la compétence de principe en matière d’ordre public (Article L2212-2 du CGCT). Ceci signifie que c’est lui qui doit s’assurer du respect des règles applicables en matière d’affichage publicitaire sur sa commune. La difficulté en l’espèce vient du fait que c’est le maire Robert Ménard lui-même qui procède à un affichage irrégulier ! Dans ce cas de figure particulier, la loi prévoit que le Préfet dispose d’un pouvoir de substitution au maire en situation de carence dans l’exercice de ses pouvoirs de police. En effet, quand un maire ne prend pas les mesures de police nécessaires au maintien de l’ordre public sur son territoire, le Préfet est en droit, après une mise en demeure restée sans résultat, de prendre les mesures nécessaires en se substituant au maire (Article L2215-1 du CGCT). Le Préfet agit alors au nom de la commune, qui supportera donc l’éventuelle responsabilité.

Cette configuration particulière suppose toutefois que le Préfet soit en capacité de démontrer l’inaction du maire (autrement dit, le fait de maintenir les affiches malgré leur illégalité manifeste), mais aussi un péril grave et caractérisé.

Si l’illégalité de l’affichage et la carence du maire Robert Ménard dans l’exercice de ses pouvoirs de police font peu de doute, il paraît toutefois difficile à ce stade pour le Préfet de caractériser un «  péril grave et caractérisé  » lié audit affichage.

Si le Préfet peut tout à fait souverainement considérer que la situation d’espèce commande qu’il fasse usage de son pouvoir de substitution en agissant à la place du maire, nous lui conseillerons, pour une plus grande sécurité juridique, de se limiter à adresser une mise en demeure au maire de procéder au retrait, et de déférer son refus (le cas échéant) au contrôle du juge administratif, au besoin en référé. Ainsi, c’est le juge administratif qui prendra la responsabilité d’enjoindre au maire, au besoin sous astreinte, de retirer les affiches.

Nous ne pouvons pour notre part que plaider en ce sens.

Pierrick Gardien Avocat Droit Public Barreau de Lyon [->contact@sisyphe-avocats.fr] 07 80 99 23 28 http://www.sisyphe-avocats.fr/ http://twitter.com/avocatpublic