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Licenciement collectif pour motif économique : la sanction de l’employeur en cas de reclassement inopérant ou les limites de l’aide à la décision, par Jean-François GALLERNE, Avocat
Parution : mercredi 29 août 2007
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Un arrêt déjà commenté de la chambre sociale de la Cour de Cassation en date du 6 juin 2007 rejette un pourvoi d’un employeur condamné à des dommages pour ne pas avoir informé loyalement le salarié des risques que pouvaient présenter les emplois proposés dans le cadre de l’obligation de reclassement de l’employeur.

Indépendamment du fait qu’au cas d’espèce, ledit salarié était un cadre dirigeant, cet arrêt se situe à la frontière du droit civil et du droit social (droit du travail) et la question se pose de savoir lequel procède de l’autre.

Assurément, l’obligation de reclassement est une composante du second, selon l’article L.321-1 du Code du Travail.

Ladite obligation s’inscrit dans l’obligation de bonne foi de l’article L.120-4 du Code du Travail qui dispose que le contrat de travail est exécuté de bonne foi tant par le salarié que l’employeur.

Cet article est bien sûr hérité de l’article 1134 du Code civil.

La Cour de Cassation par la décision rapportée sanctionne la (prétendue) mauvaise foi de l’employeur qui n’aurait pas suffisamment informé son salarié des risques qu’il prenait en acceptant de se reclasser chez un employeur « suggéré » par son employeur d’origine lequel aurait dû l’avertir de la situation très obérée (sic) dudit employeur.

Cet arrêt induit une responsabilité de l’employeur qui soit n’aurait pas dû proposer un tel reclassement soit aurait dû le proposer tout en dissuadant le salarié d’accepter…

Les limites de l’obligation de reclassement sont alors atteintes dès lors que le juge aurait pu toujours condamner le premier employeur soit parce qu’il n’aurait pas proposé un tel reclassement, soit parce qu’il l’aurait proposé de mauvaise foi.

La responsabilité civile de l’employeur est-elle ou non encourue ?

Au cas d’espèce, la réponse est assurément affirmative.

Il convient toutefois de nuancer ladite responsabilité.

En effet, le salarié en signant le nouveau contrat a-t-il souffert, selon le code civil, de dol, violence, erreur, son consentement a-t-il été altéré (cf articles 1108 & 1109 dudit code) ?

C’est bien sûr ici le lieu de s’assurer dans quelles conditions le salarié a pu régulariser le nouveau contrat.

La décision commentée fait état d’ « encouragement » de la part de l’employeur d’origine, ce qui exclut le vice du consentement au sens civiliste du terme…

En d’autres termes, le salarié a peut-être pris un risque, il lui appartenait de l’assumer, et ce d’autant que sa qualité de cadre dirigeant l’invitait ou non à la réflexion.

L’arrêt du 6 juin appelle une observation, qui pourrait n’avoir que l’apparence de la pertinence si elle ne tendait pas à condamnation.

Que déciderait le juge prud’homal, si le salarié n’avait pas été averti par le premier employeur de la politique d’exigence de la nouvelle entreprise en matière d’objectifs, d’insuffisance de résultats… ?

Si la décision du 6 juin est un arrêt dit d’espèce (dépôt de bilan prévisible du second employeur), il privilégie le droit social. S’il est appelé à servir de fondement à une action en responsabilité civile, il privilégie le droit civil dont l’approche ne saurait être confondue avec celle du droit social.

Jean-François GALLERNE

Avocat à la Cour - Conseil en droit social

AMYOT JURIDIQUE & FISCAL

jfgallerne chez ajf-avocats.com

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