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Régularisation des étrangers en 2018 : les conditions de la circulaire « Valls » demeurent. Par Pierre Déat, Avocat.
Parution : mercredi 24 janvier 2018
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Alors que le projet de loi « asile et immigration » sera débattu courant février en conseil des ministres, nous fêtions il y a peu les cinq ans de la circulaire « Valls ». Texte de référence pour qui veut solliciter une mesure de régularisation, les conditions qu’elle a fixées demeurent de mise. Profitons donc du coup de projecteur donné sur le droit des étrangers pour en rappeler les grandes lignes.

A titre liminaire, précisons que la régularisation des « sans-papiers » en France relève, pour partie, de la loi et, pour une autre, de conventions bilatérales dérogeant au droit commun. En matière de droit national, les dispositions à retenir sont les articles L. 313-11 alinéa 7 et L. 313-14 du CESEDA, qui motivent une très grande partie des mesures de régularisation ordonnées.

- Le premier (313-11 al. 7) prévoit la délivrance d’un titre de séjour à l’étranger en situation irrégulière dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que son éloignement forcé du territoire constituerait une violation de ses droits fondamentaux. On pense ici au respect de la vie privée et familiale, ainsi que défini à l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme.
- Le second (313-14) enjoint aux préfets de régulariser le « sans-papiers » « dont l’admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu’il fait valoir ». Écrit dans des termes très généraux, cet article fonde, en pratique, les mesures de régularisation prononcées en faveur des travailleurs « sans-papiers ». On parle alors d’ « admission exceptionnelle au séjour par le travail ».

Une circulaire pour uniformiser la politique immigratoire dans les départements.

Dans leur rédaction actuelle, ces textes offraient une marge de manœuvre importante à chaque préfet, qui peut librement en interpréter le sens (bien sûr dans les limites du contrôle exercé par le juge administratif). Se sont donc installées des pratiques inégales dans les départements, jugées fantaisistes par certains. [1] Aussi, afin d’homogénéiser celles-ci, le ministre de l’Intérieur a jugé souhaitable de préciser les modalités d’application des articles L. 313-11 alinéa 7 et L. 313-14 du CESEDA.

C’est dans ce contexte que les préfets ont reçu la circulaire du 28 novembre 2012. Texte exhaustif, il dresse une liste – non limitative [2] - de cas de figure « ouvrant droit » à une mesure de régularisation. Les guillemets ne sont pas anodins, car le Conseil d’État a considéré que la circulaire était inopposable à l’administration par les demandeurs. Néanmoins, jusqu’à présent, les préfectures font une application relativement stricte du texte.

Un texte exhaustif qui balaie beaucoup de cas de figure

S’agissant de son contenu, la circulaire invite par exemple les préfets à accueillir favorablement les demandes présentées par :
- les parents d’enfants scolarisés en France depuis trois ans, au moins, lorsqu’eux-mêmes résident sur le territoire depuis 5 ans, au moins ;
- le « sans-papiers » conjoint d’un étranger en situation régulière ;
- Etc.

Les décisions sont alors prises en application de l’article L. 313-11 alinéa 7 du CESEDA, raison pour laquelle les titres délivrés portent la mention « VPF ».

On découvre également dans la circulaire les conditions de fond permettant d’obtenir un titre de séjour « salarié », cette fois remis en application de l’article L. 313-14 du CESEDA. Il est par exemple conseillé aux préfets de régulariser le « sans-papiers » résidant en France depuis 5 ans ou plus, et qui, au demeurant, démontre avoir travaillé, a minima, 8 mois au cours des 24 dernier mois précédent sa demande.

Le demandeur devra, en outre, être muni d’une promesse d’embauche, valant pour l’avenir, concernant un emploi dont la durée ne saura être inférieure à 6 mois et le salaire égal ou supérieur au SMIC.

D’autres conditions sont exigées, telles que le caractère adapté du poste aux compétences du demandeur, ou encore l’engagement du futur employeur à acquitter, en cas d’acceptation de la demande, le versement d’une taxe auprès de l’Office français de l’immigration et de l’intégration.

Un texte fort utile pour apprécier l’opportunité d’une demande de régularisation.

En somme, la circulaire du novembre 2012 constitue une espèce de vade-mecum qui, bien qu’inopposable à l’administration, offre une bonne visibilité juridique aux demandeurs, compte tenu de l’application assez fidèle qu’en font les préfets. En effet, à sa lecture, l’étranger en situation irrégulière, sous réserves d’être bien conseillé, pourra apprécier l’opportunité de déposer ou non une demande de titre de séjour. Et ce n’est pas une mince affaire, car, en s’engageant dans cette voie, il prend le risque, en cas de refus, d’être frappé d’une obligation de quitter le territoire.

Pierre DÉAT - Avocat

[1L’admission exceptionnelle au séjour par le travail, dite « régularisation par le travail », Collection les notes pratiques du GISTI, Avril 2009.

[2Les préfets conservent pour autant un pouvoir discrétionnaire en la matière. Ils sont libres de prononcer telle mesure de régularisation qui leur plaît.

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