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Ôter à un journaliste la liberté d’inviter des personnalités politiques avant des élections justifie une prise d’acte. Par Mathieu Lajoinie, Avocat.
Parution : jeudi 19 avril 2018
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Justifie la prise d’acte, par un journaliste, de la rupture de son contrat de travail aux torts de l’employeur, le fait pour ce dernier de lui imposer de façon déloyale de nouvelles méthodes impliquant une modification profonde de l’exécution de son contrat, le dépossédant d’une part essentielle de ses prérogatives. C’est ce que retient la Cour de cassation dans un arrêt du 7 mars 2018 concernant un ancien animateur de la radio Europe 1.

Dominique Souchier, animateur vedette de l’émission « C’est arrivée cette semaine » avait, lors du mois de février 2012, pris acte de la rupture de son contrat après que la direction de la station, mettant en œuvre une décision du CSA sur l’égal accès aux médias des candidats en amont de l’élection présidentielle, lui ait interdit d’inviter des personnalités politiques dans les émissions de programme, rendant selon lui son émission « impossible ».

La Cour de cassation confirme, par une décision du 7 mars 2018, la validité de la prise d’acte, par un journaliste animateur de la radio Europe 1, de la rupture de son contrat de travail aux torts de l’employeur, en raison de la modification profonde de son contrat de travail née de nouvelles méthodes imposées par la direction de la station.

Dans cette affaire, Dominique Souchier, journaliste employé par la radio Europe 1, annonce en février 2012 à l’antenne de l’émission qu’il anime qu’il s’agit de ses dernières émissions. Quelques jours plus tard, il précise à son employeur, qui lui a indiqué regretter sa démission, qu’il n’a pas démissionné mais pris acte de la rupture de son contrat de travail. Il saisit la justice pour voir imputer cette rupture à la société.

Il soutient que la décision prise par la direction de la station, fin janvier 2012, lui demandant de ne plus recevoir d’invités politiques sauf dérogations accordées par la directrice de l’information, rend manifestement impossible son émission. La décision de la direction concerne toutes les émissions de programme. Prise dans le contexte de la campagne électorale précédant l’élection présidentielle de 2012, elle s’appuie sur une décision du CSA de janvier 2011 relative à l’égalité des temps de parole des candidats.

Cette décision transfère, selon le journaliste, la maîtrise du choix des invités de l’émission à la directrice de l’information Arlette Chabot, alors qu’il était jusqu’alors totalement libre de ses choix, notamment en période électorale. De plus, le requérant faisait également valoir la soudaineté de cette décision et l’immédiateté de sa mise en œuvre.

La cour d’appel saisie du litige donne raison au journaliste, et juge que la rupture de son contrat de travail constitue un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Elle souligne notamment qu’il « revenait à l’employeur la tâche délicate d’assurer de manière loyale et transparente à l’égard des salariés concernés la mise en œuvre pratique de la décision » du CSA. Tel n’a pas été le cas, selon les juges d’appel.

La Cour de cassation confirme l’arrêt d’appel. Les hauts magistrats précisent à ce titre que la cour d’appel, qui a relevé que les méthodes nouvellement adoptées par la société avaient impliqué une modification profonde de l’exécution du contrat de travail, dépossédant le salarié d’une part essentielle de ses prérogatives, a pu décider que l’employeur avait manqué de loyauté et que ce manquement était suffisamment grave pour justifier la prise d’acte de la rupture (Cass. soc., 7 mars 2018, n° 15-27.458, publié).

Mathieu Lajoinie Avocat au barreau de Paris www.avocat-lajoinie.fr contact@avocat-lajoinie.fr

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