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La responsabilité civile dans le cadre de la pratique d’un sport. Par Manon Vialle, Juriste.
Parution : mercredi 18 juillet 2018
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La pratique d’un sport peut s’avérer dangereuse et entraîner des dommages corporels et psychologiques parfois dramatiques. C’est notamment pour cette raison que les associations, clubs sportifs demandent généralement un certificat médical aux futurs adhérents, même s’il ne s’agit pas d’une obligation légale, afin de s’assurer de leur bonne condition physique et de leur aptitude à pratiquer tel ou tel sport. C’est en revanche une exigence des compagnies d’assurance.

La Cour de cassation, dans un arrêt du 16 mai 2018 [1], a relevé d’un cran l’obligation de sécurité de l’entraîneur salarié d’un club sportif. En l’espèce, il s’agit d’un club de lutte. A la suite d’un combat, l’un des deux lutteurs s’est retrouvé tétraplégique. Ses parents ont assigné le club sportif, l’association organisatrice du combat ainsi que les assureurs afin de faire reconnaître les préjudices physique et moral de leur fils, la responsabilité contractuelle des organisateurs et obtenir des dommages et intérêts. La Haute juridiction a donné raison à la Cour d’appel pour avoir affirmé que l’entraîneur avait une obligation de sécurité de moyens renforcée, avait été négligent et engageait, par conséquent, sa responsabilité. La Cour insiste sur le fait qu’il y avait entre les deux lutteurs une différence de gabarit et d’expérience de la lutte. Ainsi, les lutteurs ne combattaient pas avec les mêmes armes et l’entraîneur aurait dû être davantage vigilant et arrêté le combat même si aucune règle du jeu n’avait été transgressée. Le lutteur n’est donc pas reconnu responsable du dommage subi par la victime mais l’entraîneur l’est car sa négligence a été caractérisée par les juges.

Cet arrêt met en avant la question de l’acceptation des risques par le sportif dans la pratique régulière de son sport. L’arrêt de la 2ème chambre civile de la Cour de cassation du 28 mars 2002 précise qu’il n’y a pas d’acceptation des risques corporels dans le cadre d’un match sauf dans le cadre d’une compétition sportive. Je ne parle pas ici de la responsabilité du fait des choses mais bien du fait personnel.

Dans un arrêt du 20 novembre 2014 [2], le litige opposait un gardien de but à un joueur de l’équipe adverse. L’attaquant avait chuté suite à un tacle du gardien de but et avait été blessé à la jambe. La victime a saisi la justice et engagé la responsabilité du gardien de but, de son club ainsi que de son assureur (sur le fondement de l’article 1241 du code civil [3]) estimant que « le gardien de but avait fait preuve d’un comportement brutal et excessif expliquant la gravité de ses blessures subies. » [4]

La Cour de cassation a confirmé le jugement rendu en première instance et a répondu défavorablement au demandeur. Il a rappelé que la faute du gardien n’était pas, en l’espèce, caractérisée comme un manquement aux règles du jeu et donc n’engageait pas sa responsabilité civile. En l’espèce, la Cour de cassation confirme l’arrêt du 20 novembre 2003 [5] exigeant l’existence d’une faute caractérisée par une violation des règles du jeu pour que la responsabilité du sportif à l’origine du dommage corporel soit retenue.

Pour rappel, l’article L. 131-16 du code du sport précise ce que sont les règles en matière sportive. La victime avait également engagé la responsabilité du club de foot du gardien en tant que commettant de ce dernier (article 1242 al.5 code civil). Or, la responsabilité du club en qualité d’employeur de ses joueurs professionnels ne peut être engagée que s’ils ont commis une violation caractérisée des règles du jeu. En l’espèce, il n’a pas été prouvé que le gardien avait enfreint les règles et intentionnellement blessé la victime. Les juges ont privilégié l’analyse du caractère violent, intentionnel, délibéré ou non de la faute du gardien plutôt que la gravité de la blessure du joueur victime. Il semble que l’acceptation des risques lors d’une compétition sportive soit confirmée, en l’espèce.

La responsabilité civile des sportifs lors de matchs dépend des faits, des infractions commises aux règles sportives, de l’intention ou de l’absence d’intention dans le dommage causé. La faute du sportif doit être prouvée. Si elle est caractérisée, sa responsabilité civile sera engagée ainsi que celle du club ou de l’association sportive dont il fait partie. D’ailleurs, pour des questions de solvabilité, les victimes de dommages ont tout intérêt à faire reconnaître la responsabilité civile contractuelle des clubs.
Pour rappel, le club en tant que commettant ne peut voir sa responsabilité exonérée que si le sportif en tant que préposé a agi en dehors de ses attributions et à des fins étrangères à ses fonctions. Or lors d’un match ou d’une compétition sportive, aucune exonération n’est possible. La responsabilité civile dans les cadre de la pratique d’un sport concerne ainsi différentes personnes et doit être étudiée au cas par cas.

Manon VIALLE, Avocat

[1Civ. 1re, 16 mai 2018, n° 17-17.904

[2Arrêt Civ. 2e, 20 novembre 2014, n°13-23.759

[3Article 1241 civ : "Chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence."

[5Arrêt Civ. 2e, 20 nov. 2003