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L’application de la loi Badinter, et d’office s’il vous plaît ! Par Charlotte Souci-Guedj, Avocat.
Parution : lundi 30 juillet 2018
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Commentaire de l’arrêt de la Cour de cassation, Chambre civile 2, du 5 juillet 2018 [1] aux termes duquel : (...)"en statuant ainsi, alors que selon ses propres constatations, les dommages avaient été causés par un accident de la circulation survenu entre deux véhicules à moteur, de sorte qu’il lui incombait pour trancher le litige de faire application, au besoin d’office, des dispositions d’ordre public de la loi du 5 juillet 1985, la juridiction de proximité a violé les textes susvisés."

Il est constant que la loi du 5 juillet 1985, relative aux accidents de la circulation, s’applique dès lors qu’est impliqué un véhicule terrestre à moteur, ladite loi ayant un caractère exclusif d’application de tout autre régime de responsabilité, et notamment de celle de la responsabilité délictuelle (ancien 1382 et suivants du Code civil - nouveaux 1240 et s).

Il en est de même lorsque l’accident survient dans le cadre de l’exécution d’un contrat. (inapplication du régime de responsabilité contractuelle au bénéfice de la loi de 85).

Rien n’est cependant précisé dans le texte de la loi de 1985 quant à son application d’office par une Juridiction, si le justiciable devait faire erreur et se tromper de fondement de responsabilité. La présente décision vient répondre à cette question.

Le véhicule de la société Pressing Fontaine frères est percuté par le scooter conduit par M. Z, assuré auprès de la société Mutuelle d’assurance des instituteurs de France.

La société victime assigne le conducteur du scooter en réparation des dommages subis sur le fondement de la responsabilité délictuelle des articles 1382 et suivants (anciens) du code civil.

Le fondement est naturellement inapplicable compte tenu du caractère exclusif de la loi du 5 juillet 1985.

C’est la raison pour laquelle, la Juridiction de Proximité saisie déboutait la société Pressing Fontaine frères de ses demandes, relevant que les accidents de la circulation impliquant des véhicules terrestres à moteur relèvent du régime spécial de responsabilité de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, ajoutant que cette loi exclut l’application des régimes de responsabilité de droit commun.

La Juridiction de Proximité déclarait donc l’action de la société mal fondée.

Les demandes de la Société auraient donc dû être purement et simplement rejetées.

C’est sans compter sur la Cour de cassation qui, au regard de la loi Badinter et de l’article 12 du Code de procédure civile, estime que la Juridiction de Proximité, avait selon ses propres constatations, constaté que les dommages subis avaient été causés par un accident de la circulation, et aurait donc dû, au besoin, d’office, faire application de la loi pour trancher le litige.

Il faut ainsi rappeler les dispositions de l’article 12 du Code de procédure civile, fondant la décision remarquable de la Haute Cour : "Le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables. Il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée. (...)"

Il est à supposer que dans les faits d’espèce, la Société victime ait saisi la Juridiction de proximité sans assistance d’un avocat, ce qui explique très certainement cette erreur de fondement.

Quand bien même, la Juridiction saisie, confrontée à une erreur de fondement juridique, se devra désormais d’appliquer, au besoin d’office, les dispositions légales exclusives de la loi de 85 en cas de dommages subis suite à un accident de la circulation.

Charlotte Souci-Guedj, Avocat Avocat Diplômée en Réparation Juridique du Dommage Corporel

[117-19.738, Publié au bulletin