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Le sort de la créance bancaire dans la procédure de saisie pénale immobilière. Par Francis Bonnet Des Tuves, Avocat, et Nissrine Majdoul, Juriste.
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Parution : lundi 10 décembre 2018
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Procédure nouvelle et mal connue des praticiens, la procédure de saisie pénale immobilière, qui diffère de la procédure de saisie immobilière, a notamment pour objet d’assurer la pleine effectivité des peines de confiscation en rendant inaliénable le bien immobilier d’une personne mise en examen, de sorte que cette dernière ne puisse organiser frauduleusement son insolvabilité en cédant son bien immobilier.
Ces quelques lignes ont pour objet d’éclairer le banquier confronté à une procédure de saisie pénale immobilière (I) alors qu’il a financé l’acquisition du bien immobilier et qu’il dispose d’une créance garantie par une sûreté immobilière. Il convient de s’interroger quant au sort de ses sûretés, au règlement de sa créance et quant à ses possibilités d’action dans le cadre de cette procédure spécifique (II).
La saisie pénale immobilière est une mesure conservatoire garantissant l’exécution d’une peine de confiscation du patrimoine pouvant être prononcée à l’issue de l’instruction et d’un jugement de condamnation [1] (b). L’accusé est alors temporairement dépossédé de son bien immobilier jusqu’à la mainlevée de la saisie ou la décision de confiscation (a).
Étant précisé que la procédure de saisie pénale immobilière ne vise que la propriété ou la part de propriété appartenant au mis en examen et non celles des autres propriétaires de bonne foi.
La saisie pénale immobilière [2] peut être prononcée dans le cadre d’une enquête préliminaire ou de flagrance par le procureur de la République et par le juge d’instruction dans le cadre d’une information judiciaire.
a) L’inaliénabilité de l’immeuble objet de la procédure de saisie pénale immobilière.
La saisie pénale immobilière a pour effet de rendre une chose indisponible [3], ceci afin de garantir que la confiscation qui sera éventuellement prononcée soit effectivement exécutée.
Étant ajouté que la procédure de saisie pénale immobilière interdit ou suspend toute procédure civile d’exécution et notamment les saisies immobilières qui pourraient être diligentées à l’initiative d’un créancier.
De plus, la saisie pénale de l’immeuble n’a pas pour effet d’entraîner l’expulsion de celui qui occupe le bien. S’il en est l’occupant, le propriétaire peut continuer à y résider. Il peut le faire à titre gratuit, sans avoir à verser de compensation à l’autorité judiciaire.
b) La peine de confiscation.
A l’issue de son procès, le prévenu peut être condamné au paiement d’une amende ou à des dommages et intérêts. Afin de garantir le règlement de ces condamnations, la juridiction peut ordonner la confiscation du bien objet de la saisie pénale immobilière. A contrario, la juridiction peut décider qu’il n’y a pas lieu à confiscation, de sorte que la procédure de saisie pénale immobilière est levée.
La confiscation est une peine complémentaire transférant la propriété du bien à l’État. Le condamné se trouve ainsi dépossédé de son bien sans pouvoir obtenir de compensation financière jusqu’à hauteur du montant des condamnations.
A la suite de la confiscation, l’État peut décider de faire procéder à la vente du bien, ceci pour recouvrer les sommes dues au titre des condamnations prononcées.
c) Le rôle spécifique de l’AGRASC.
L’Agence de Gestion et de Recouvrement des Avoirs Saisis et Confisqués (AGRASC) a pour mission de mettre en œuvre les procédures de saisie pénale immobilière et de confiscation.
Elle est compétente pour procéder aux formalités de publication des saisies pénales immobilières auprès des services chargés de la publicité foncière [4]. L’AGRASC est également chargée de l’exécution des peines de confiscation immobilière [5].
En cas de confiscation du bien, l’État peut par l’intermédiaire de l’AGRASC faire procéder à la vente du bien immobilier selon une procédure spécifique régie par le Code général de la propriété des personnes publiques.
A titre liminaire, il convient d’indiquer que la publication antérieure d’une sûreté ne fait pas obstacle à la confiscation du bien immobilier. Néanmoins, les inscriptions présentes sur le bien immobilier avant la publication de la saisie pénale immobilière demeurent [6], c’est la conséquence directe du droit de suite que prévoit l’article 2461 du Code Civil.
L’État devenu propriétaire du bien compte tenu de la confiscation est tenu de respecter le rang préférentiel de paiement que confère la sûreté qui a été constituée préalablement. Cet ordre renvoie au droit de préférence que créé l’antériorité de la publication au service de la publicité foncière sur la confiscation.
De sorte que la sûreté inscrite par le banquier prêteur antérieurement à la saisie pénale immobilière demeure et conserve son rang prioritaire.
Les possibilités d’action du banquier diffèrent selon que l’emprunteur continue à procéder au règlement des échéances malgré la procédure de saisie pénale immobilière et la confiscation du bien (a), ou qu’il s’avère défaillant dans le règlement des échéances du prêt immobilier (b) et qu’une procédure de vente du bien après sa confiscation ait été engagée par l’AGRASC (c).
a) Les possibilités d’action du banquier face à l’emprunteur respectant ses obligations de règlement des échéances du prêt.
La banque est parfaitement fondée à continuer de percevoir les échéances du prêt quand bien même l’immeuble fait l’objet d’une procédure de saisie pénale immobilière ou d’une confiscation, ceci en application du contrat de prêt. L’emprunteur reste tenu du paiement des échéances mensuelles malgré la procédure de saisie pénale immobilière et la peine de confiscation.
Étant précisé que la procédure de saisie pénale immobilière n’est pas de nature à permettre au prêteur de se prévaloir de la déchéance du terme du prêt. Dans l’hypothèse où elle prononcerait la déchéance du terme à ce titre, il pourrait être considéré qu’elle commet une faute pouvant entraîner une condamnation au paiement de dommages et intérêts. [7]
De sorte que dans le cas où l’emprunteur respecte ses obligations, la banque ne peut agir à son encontre.
b) Les possibilités d’action du banquier face à l’emprunteur défaillant dans ses obligations de règlement des échéances du prêt.
Comme il a été vu, la procédure de saisie pénale immobilière suspend ou interdit [8] toute procédure civile d’exécution. Néanmoins, l’article 706-146 alinéa 1er du Code de procédure pénale dispose que le créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut être autorisé par le juge prononçant la procédure de saisie pénale immobilière à engager ou reprendre une procédure civile d’exécution.
Dans ce cas, le créancier inscrit, autorisé par le juge, procédera à une saisie immobilière. Au terme de cette procédure, le créancier poursuivant sera réglé de sa créance compte tenu de ses inscriptions. Le produit de la vente sera alors consigné dans l’attente de la fin de la procédure pénale et d’une décision de confiscation éventuelle. Etant rappelé que le produit net s’entend par le produit de la vente déduction faite des sommes dues à la banque en vertu de sa créance privilégiée.
Si la confiscation n’est pas prononcée, le produit de la vente est restitué au propriétaire du bien s’il en fait la demande.
En cas de confiscation, le produit net est alors affecté à l’État afin de règlement du montant des condamnations.
c) Le règlement de la créance de la banque lors de la vente effectuée par l’AGRASC.
Compte tenu de la peine de confiscation, l’AGRASC peut procéder à la vente du bien immobilier, selon les dispositions du Code général de la propriété des personnes publiques. Le bien est vendu avec publicité et mise en concurrence selon une procédure d’enchères avec le concours de la chambre des notaires.
Dans le cadre de cette procédure, il revient à l’AGRASC de prendre attache avec l’ensemble des créanciers inscrits afin d’obtenir un décompte actualisé de leur créance. Les créanciers inscrits sont alors désintéressés par l’AGRASC selon leur ordre d’inscription sous réserve que leur créance soit certaine, liquide, exigible et non prescrite, le solde du prix revenant à l’État.
Avocat au Barreau de PARISEn définitive, si cette procédure complexe s’impose au banquier bénéficiant d’une sûreté, elle demeure respectueuse de sa sûreté. Le banquier n’est pas lésé par la procédure de saisie pénale immobilière et la confiscation du bien. Il conserve certaines possibilités d’action et garde le privilège de son inscription hypothécaire qui garantira, au terme de cette longue procédure, le règlement prioritaire de sa créance.
[1] Circulaire du 22 décembre 2010 relative à la présentation des dispositions résultant de la loi n°2010-768 du 9 juillet 2010
[2] Art. 706-150 à 706-152 du Code de procédure pénale
[3] Art. 706-145 du Code de procédure pénale
[4] Art. 706-151 du Code de procédure pénale
[5] Art. 707-1 du Code de procédure pénale
[6] Art. 131-21 al. 10 du Code pénal
[7] TGI BOBIGNY – 29.05.2018 – RG n°16/01898.
[8] Art. 706-145 al. 2 du Code de procédure pénale
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Bonjour Maître et Merci pour votre article.
Une question persiste néanmoins.
Est-il possible pour le créancier titulaire d’une hypothèque conventionnelle antérieure à la saisie et à la confiscation du bien de diligenter une procédure de saisie immobilière dans laquelle l’AGRASC serait tiers détenteur du bien ?
Je vous remercie.
Lucie
Bonjour,
Suite au jugement, le juge a prononcé une confiscation de notre saisie sur notre compte bancaire.
Or nous devons une somme aux impôts.
Est ce que la somme confisquée par le juge et détenu par l’agrasc servira à régler les impôts, avec un transfert direct Agrasc = Impôts ?
Le bien saisie par l’état dont le gestionnaire est l’Agrasc est il tenu de rembourser la créance avant la vente immobilière vu que ce service demande à l’ancien propriétaire de continuer à régler les échéances jusqu’à la vente ?
Bonjour
Que se passe-t-il si la saisie pénale porte sur un bien acquis en viager ? L occupant âgé peut il être expulsé ? Le versement de la rente est-il suspendu ?