Village de la Justice www.village-justice.com

La sanction pénale en droit camerounais, entre rétribution et resocialisation. Par André Bibehe, Etudiant.
Parution : lundi 29 avril 2019
Adresse de l'article original :
https://www.village-justice.com/articles/sanction-penale-droit-camerounais-entre-retribution-resocialisation-par-andre,31351.html
Reproduction interdite sans autorisation de l'auteur.

La sanction pénale semble être le parent pauvre de la doctrine pénale camerounaise. Ceci est d’autant plus vrai que les rares travaux en la matière s’estompent au fur et à mesure que le concept cède le pas au contexte.
Dans sa fonction rétributive, la sanction pénale invite à la conciliation d’impératifs : l’impératif de protection des droits liés à la personne humaine et la nécessité de sauvegarder le tissu social contre le phénomène criminel. Or on assiste à une surenchère de la fonction rétributive de la peine, faisant craindre au retour du Talion.

De l’autre côté de ce pôle extrême, on note que le droit pénal camerounais a pris en compte l’importance et la nécessité de s’imprégner de la politique pénale résocialisante et humanisante pour le délinquant. Mais l’univers carcéral camerounais et les textes y relatifs restent en deçà des attentes pour une resocialisation aboutie. Dès lors, il apparaît clairement que faute de politique d’ensemble et de suivi en milieu carcéral ; toute politique en matière de re-socialisation des délinquants, ne sera destinée qu’à être des gesticulations sans lendemain. L’étude invite donc à penser non plus à des peines alternatives mais à de véritables alternatives à la peine.

Introduction.

Remonter aux origines de l’humanité c’est en réalité rechercher les origines de la sanction qu’elles soient mystiques, tribales ou bien étatiques, aux origines philosophico- religieuses de l’humanité. La pénitence fait partie des fondements de l’âme humaine.

Pour le christianisme, la toute première référence à la sanction n’est-elle pas cette damnation éternelle du jardin d’Eden pour avoir transgressé un commandement divin ? L’ordre suprême étant violé, le châtiment devient l’exclusion du paradis. De même, pour punir les Hommes de leur irrésistible penchant pour le mal et la violence, Dieu décida de la punition suprême en déchainant le déluge pendant quarante jours, et quarante nuits, n’épargnant que Noé et sa famille, les seuls à lui être fidèles.

Cette conception conflictualiste des rapports sociaux appréhendée comme paradigme de la construction des États Européens ne sied pas avec la réalité de la tradition africaine et d’après un auteur, « la société africaine n’avait pas pour but de rendre les Hommes malheureux, mais de créer une situation d’équilibre et d’équité entre les Hommes ».

En effet, dans le contexte camerounais, la justice coutumière recherchait principalement la réparation des sentiments de haine et de vengeance que pouvait faire naître entre deux familles la commission d’une infraction ; et cette solution compensatoire permettait de réconcilier les familles antagonistes.

C’est dire que la mise en place d’un système répressif axé principalement sur le châtiment du coupable et accessoirement sur l’indemnisation de la victime est ainsi un héritage colonial conservé par le législateur national.

Celui-ci a ainsi fait sienne de cette philosophie pénale coloniale classique rationaliste et utilitaire issue de Bentham et de Beccaria qui avait cours en métropole. Selon cette philosophie, comprise au fil du temps comme base nécessaire et suffisante à l’exercice du contrôle social, l’Homme dispose du libre arbitre à la croisée des chemins menant vers le bien et le mal.

S’il a choisi librement celui du mal en fonction des plaisirs et avantages comparés de son acte et de ses conséquences, l’acte criminel lui étant rattachable, la peine est en effet nécessaire : on dit alors d’elle qu’elle est rétributive c’est-à-dire attribuée en retour de la commission d’une infraction par ailleurs proportionnée à la faute. Cette conception rétributive de la sanction pénale est unanimement critiquée aujourd’hui.
Ces critiques sont de deux ordres : les unes générales parce que liées aux modifications qui affectent le droit de la sanction pénale, et les autres spécifiques parce que liées au particularisme de la législation camerounaise.

S’agissant des premières, on assiste à la remise en cause des principes directeurs de la sanction pénale à l’image du postulat du libre arbitre. Pour ce principe particulièrement, il n’est pas repoussé complètement, mais va servir non pas de point de départ à la condamnation, mais de point d’arrivée. Le traitement pénal devant redonner au condamné le sens de la liberté et donc de la responsabilité. Il s’agit ici d’un traitement pénal qui va permettre au délinquant de retrouver les valeurs morales perdues. Le traitement pénitentiaire va développer chez le délinquant la notion d’un devoir de l’Homme envers ses semblables.

Pour les secondes, il convient de remarquer que la théorie de la sanction pénale telle qu’émise par les doctrines précitées a fait l’objet d’une grande confusion de la part du législateur postcolonial. Ce dernier en effet a hérité et conservé un système répressif particulièrement marqué par une préférence « l’emprisonnement du coupable », mieux l’on constate que la prison a acquis une place centrale et symbolique dans la pénologie au point de faire dire à certains qu’ « elle a colonisé la pénalité ».

En effet, il suffit de lire le code pénal de 1967 pire encore celui de 2016 pour réaliser que rares sont les infractions criminelles ou correctionnelles non assorties d’une peine privative de liberté.
Aujourd’hui comme hier la confusion demeure et les effets sont déplorables ; ce qui ne pourrait laisser indifférent le chercheur. Car punir ne signifie pas toujours emprisonner ; le dire reviendrait à ignorer la théorie de la pénologie.
De plus, sous l’angle contemporain on assiste à une dérive de la fonction rétributive de la sanction pénale au nom de la lutte contre Boko Haram où l’idée de juste peine et de peine raisonnable semble de plus en plus vacillé vers la déraison avec comme conséquence la violation des Droits de l’Homme.
La fonction morale (justice) renvoie à l’idée de rétribution. Par le moyen de la peine, le délinquant paie sa dette à la société comme le débiteur paie la sienne au créancier.

La question de la définition de la sanction pénale est étroitement liée aux mutations qui l’affectent. Car il n’existe pas en matière pénale de définition spécifique de la sanction ; il faut se contenter d’une définition fonctionnelle identifiant la sanction pénale comme celle « infligée au terme d’une procédure répressive à l’auteur d’une infraction et prononcée au nom de la société en réponse au trouble à l’ordre social généré par l’infraction ».

Malgré l’absence de définition précise, la sanction pénale fut durant une longue partie de l’époque contemporaine clairement identifiée, tant dans son contenu que dans sa finalité. Elle s’incarnait essentiellement à travers la privation de liberté et l’amende ; sa finalité était la rétribution. Cependant, au cours des dernières décennies, elle a connu de profondes mutations. A sa finalité classique s’est ajoutée la resocialisation.

D’après le vocabulaire juridique de Cornu, le mot sanction revêt plusieurs sens. Au sens restreint la sanction désigne « la punition infligée par une autorité à l’auteur d’une infraction », elle est aussi « une mesure répressive destinée à punir ».

Au sens large la sanction est toute mesure réparatrice, justifiée par la violation d’une obligation. De cette définition il ressort clairement que la sanction est une « punition » et une « mesure » infligée par une autorité et traduisant la réaction de désapprobation de la société : on dit qu’elle est rétributive, mais la sanction est également une mesure réparatrice : on dit qu’elle est re-socialisatrice. C’est dans ce sens que le terme sera retenu ici. La re-socialisation, c’est l’action de re-socialiser, c’est-à-dire de réinsérer dans la vie sociale renvoyant au processus au cours duquel un individu apprend à intérioriser les normes et valeurs de la société à laquelle il appartient. La re-socialisation renvoie également à la réintégration, au reclassement, à la réhabilitation et même à la réadaptation qui vient du verbe adapter de nouveau.

La réinsertion suppose qu’il y a d’abord eu insertion, puis désinsertion et enfin réinsertion. Un sujet est réputé inséré tant qu’il ne commet pas d’infraction pénale, il est dit désinséré lorsqu’il a perpétré un acte délictueux, il est enfin réinséré du moment qu’il s’installe dans un état de non récidive. Se pose donc la question de la connaissance de la fonction exacte de la sanction pénale au Cameroun dés lors qu’il est admis que le droit camerounais prend en compte les finalités rétributive et resocialisatrice.
Pour le dire simplement, quelles sont les fonctions de la sanction pénale en droit camerounais ? Un regard attentif sur les textes pénaux en vigueur au Cameroun permet de nous rendre compte d’une réalité majeur, que la sanction pénale en droit camerounais est fondamentalement rétributive (I) et partiellement résocilisante (II).

(Références et notes de bas de pages dans le fichier PDF).

Plan.

Quelles sont les fonctions de la sanction pénale en droit camerounais ?
I- La sanction pénale fondamentalement rétributive.
A. Le Renforcement de la sanction pénale encourue.
B. Le durcissement de la sanction pénale prononcé par le juge.

II- La sanction pénale partiellement resocialisante.
A. La Resocialisation dans le choix de la sanction pénale.
B. La subsidiarité de la resocialisation dans l’exécution de la sanction pénale.

Retrouvez l’intégralité du texte sous format PDF ci-joint.

La sanction pénale en droit Camerounais, entre rétribution et resocialisation. Par André Bibehe.
André Alexis Bibehe Titulaire d’un Master en droit pénal et sciences Criminelles, Université de Yaoundé II – Soa