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Harcèlement moral après divorce : comment s’en défendre ? Par Patrick Cocheteux, Avocat et Patrick Francis Cocheteux, Juriste.
Parution : mardi 30 avril 2019
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Les circonstances d’un divorce peuvent être parfois la révélation de violences psychologiques déjà exercées jusque-là par un époux contre l’autre ou le moment choisi par l’un pour se déchaîner contre l’autre. Le harcèlement moral après divorce est donc parfois un révélateur psychologique des conjoints et l’occasion d’un débat juridique. Le harcèlement moral, ou violence psychologique, est défini comme « des agissements répétés » qui entrainent une dégradation des conditions de vie du conjoint victime, avec un impact sur sa santé physique ou psychologique (article 222-33-2-1 du Code pénal).

Savoir repérer les violences psychologiques.

Il n’est pas toujours facile pour la personne [1] qui les subit de savoir repérer les violences psychologiques quand elle est dans un climat amoureux. L’ampleur des sentiments éprouvés cache les petites manipulations quotidiennes et répétées et fait croire à la victime que l’amour étant inconditionnel, il ne s’agit que de petits évènements ne méritant pas qu’on y prête attention. La maltraitance psychologique n’est ainsi pas identifiée par la victime elle-même. Cette maltraitance n’est ensuite pas identifiée non plus par la personne à qui elle est rapportée, commissariat ou juge mal préparés à concevoir l’idée même de violence psychologique.

Celle-ci correspond en fait à des actes commis psychiquement dommageables dont on peut donner quelques exemples : le chantage affectif ou au suicide, l’indifférence affective et sexuelle, le dénigrement systématique avec disputes répétées, les injonctions contradictoires en terme de caprices, les actes visant à isoler le conjoint(e) de ses parents et alliés et de ses amis, le refus d’avoir un enfant sans raison, la jalousie maladive sans cause. La liste n’est pas exhaustive et traduit toujours une emprise psychologique d’un conjoint sur l’autre. Cette emprise est d’autant plus imperceptible qu’elle est parfois admise par la victime comme existante pour son propre bien.

Les formes du harcèlement moral après divorce.

La négociation des termes du divorce est déjà bien souvent l’occasion d’une pression psychologique quand la procédure est faite par consentement mutuel. Le conjoint manipulateur a évidemment intérêt [2] à préférer la convention dont il tirera le maximum d’avantages en termes de prestation compensatoire ou de droit de visite et d’hébergement pour les enfants. La convention permet également de cacher les motifs du divorce et donc la révélation des violences psychologiques exercées jusque-là.

L’après divorce est également l’occasion pour le conjoint manipulateur de continuer d’exercer son « art ». Les moyens classiques employés sont les incidents à propos du passage de bras, l’emploi répété de mains courantes à charge, l’instrumentalisation du JAF avec des requêtes successives pour des augmentations de pensions alimentaires et limitation du droit de visite, le signalement aux services sociaux avec exagération des faits, la conduite des enfants chez le médecin pour accumuler des « preuves » de maltraitance.

Les moyens de se défendre.

On voit trop souvent la victime abandonner les moyens de sa défense soit par lassitude, soit par devoir envers les enfants, soit par bonheur retrouvé de ne plus avoir affaire avec une personne toxique. Et elle se résigne à payer toujours plus de pension alimentaire ou même accepte une composition pénale injustifiée sur le fond. Sur ce point, l’exploitation des enfants diagnostiqués hyper actifs est assez facile par le manipulateur car un problème d’autorité parentale entre l’enfant et l’ex-conjoint victime peut vite être exploité comme une maltraitance sur mineur. Même sans parler d’enfant hyper actif, la Cour de Versailles [3] a eu l’occasion d’indiquer que "si la prise en compte de la parole de l’enfant en justice est une exigence légale, néanmoins l’audition d’un mineur ne doit pas être instrumentalisée par l’un ou l’autre des parents en l’exposant à un conflit de loyauté et en faisant de lui l’arbitre du conflit".

Il ne faut donc pas hésiter à exercer une défense active d’abord devant le JAF et ensuite en déposant plainte si nécessaire. Une requête au JAF peut être faite pour demander l’examen psychologique du parent harceleur(e) (COJ art. L 213.3). Une plainte pourra viser le harcèlement moral (article 222-33-2-1 du Code pénal) et la dénonciation calomnieuse (art.226-10 Code Pénal) ou la dénonciation de faits imaginaires (art.434-26 Code Pénal). Est également à considérer le fait que d’utiliser les enfants pour faire pression sur l’ex-conjoint peut constituer une manipulation sur les enfants et nuire à leur équilibre. Certains parents n’hésitent pas par exemple à faire écrire aux enfants des courriers auxquels les enfants ne pensent pas naturellement tant les rapports oraux paraissent plus naturels aux enfants que les écrits pour avoir l’écoute de leurs parents. Ces « preuves » visent évidemment à rapporter un mal être de l’enfant comme conséquence du comportement de la victime du harcèlement mais constituent surtout des preuves du comportement du parent harceleur(e).

Lorsque la nouvelle compagne ou le nouveau compagnon du parent harcelé subit les assauts du harceleur(e), ce tiers à la procédure ne doit pas hésiter à apporter son aide. Des dénigrements sur son compte Facebook sont souvent le signe avant-coureur de manœuvres plus insidieuses et peuvent donner lieu à plainte pour injure.

Conclusion.

La personne harcelée moralement est prise dans un mécanisme paradoxal. En effet, d’une part, l’action juridique, pour être efficace contre un(e) harceleur(e) doit se doubler d’un mécanisme de contre manipulation psychologique. Se mettre à distance et renforcer sa propre estime de soi restent les pare chocs les plus efficaces.
Mais en même temps que la psychologie réclame de prendre de la distance sur le sujet du harcèlement subi, d’autre part, la procédure juridique y ramène constamment. Le partage du temps entre le rendez-vous chez le psychologue et le rendez-vous chez l’avocat est absolument nécessaire.

Patrick Cocheteux, Avocat Associé PCX AVOCATS Patrick Francis Cocheteux, Juriste, PCX AVOCATS

[1On a parfois tendance à considérer que le harcèlement moral est toujours le fait de l’ex-mari ce qui est évidemment faux.

[2Voir AJ Famille 2017 p.42, L’après-divorce conventionnel : vers le retour du juge !, Sylvain Thouret, Avocat au barreau de Lyon ; Maître de conférences associé à l’université Jean Moulin (Lyon 3).

[3CA VERSAILLES, 28 mars 2019, 2e chambre 2e section, N° RG 18/04749.

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