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![]() Quand le droit tente de rattraper son retard sur les pratiques de santé à distance. Par Barbara Bertholet et Rachel Devidal, Avocats.
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Parution : vendredi 18 octobre 2019
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Retour sur les apports de la loi « Ma Santé 2022 » en matière de santé à distance. Après avoir présenté le cadre réglementaire de la télémédecine dans notre précédent article, il nous a semblé important de présenter les nouveautés apportées par la loi relative à l’organisation et à la transformation du système de santé du 24 juillet dernier, dite loi « Ma santé 2022 », en matière de santé à distance.
En effet, le législateur a posé la première brique du cadre juridique des télésoins, visant les soins de santé réalisés à distance. Il a également fait table rase du cadre applicable aux prescriptions électroniques, laissé à l’abandon.
Si au sens courant, le terme de télémédecine désigne toutes les prestations en lien avec la santé réalisées à distance, elle couvre au sens juridique, nous l’avons vu dans notre dernier article, les seuls actes médicaux, puisqu’elle est définie comme « une forme de pratique médicale à distance utilisant les technologies de l’information et de la communication » [1].
Mais quid des actes non médicaux réalisés à distance entre un professionnel de santé, comme un pharmacien ou un orthophoniste, et un patient ?
Jusqu’à maintenant, ils n’étaient pas réglementés.
Voilà chose faite dorénavant ! La loi « Ma santé 2022 » est venue créer, à côté de la télémédecine, la catégorie des télésoins, définie comme « une forme de pratique de soins à distance utilisant les technologies de l’information et de la communication » [2].
Sont désormais regroupés sous le terme « télésanté » les actes médicaux réalisés à distance entre un professionnel médical et d’autres professionnels de santé ou avec le patient (télémédecine) ainsi que les actes de soins réalisés à distance entre un patient et un pharmacien ou un auxiliaire de soin (télésoin).
Comme pour la télémédecine, les détails quant à la définition des activités de télésoin et aux modalités de mise en œuvre de ces activités seront encadrées par un décret et définies par arrêté, pris après avis de la HAS.
La première pierre a été posée, il convient maintenant d’attendre la suite pour que les télésoins prennent vie…
D’ores et déjà néanmoins, la loi Ma Santé 2022 a pris soin de prendre des mesures visant à permettre la prise en charge des actes de télésoin par l’assurance maladie.
Elle a notamment étendu le champ matériel des conventions nationales conclues entre les organismes d’assurance maladie et les professionnels de santé qui définissent notamment les tarifs des honoraires, rémunérations et frais dus aux professionnels par les assurés sociaux ainsi que les modalités de réalisation des actes de télémédecine [3].
En outre, comme pour la téléconsultation en matière de télémédecine, la loi a conditionné la prise en charge des actes de télésoin à :
1. La réalisation de l’acte par vidéotransmission ;
2. La réalisation préalable, en présence du patient :
d’un premier soin, par un auxiliaire médical de la même profession que celle du professionnel assurant le télésoin ; ou
d’un premier soin, bilan de médication, ou entretien d’accompagnement d’un patient atteint d’une maladie chronique, par un pharmacien.
A noter que si le patient est accompagné physiquement d’un professionnel de santé pendant l’acte de télésoin, l’activité du professionnel de santé accompagnant ne sera pas prise en charge dans le cadre du télésoin.
Sur ce sujet également, il faut attendre le décret qui devrait préciser les conditions de prise en charge des actes de télésoin.
Enfin la loi Ma Santé 2022 ouvre la porte au développement de la prescription électronique.
L’article 55 de la loi habilite le gouvernement à prendre par voie d’ordonnance, dans un délai de 12 mois, toute mesure relative à la prescription et à la dispensation de soin, en vue de généraliser par étape la prescription électronique.
Pour simplifier cette évolution, la loi a abrogé l’article 34 de la loi du 13 aout 2004 [4] relatif à la prescription électronique, lequel prévoyait qu’une ordonnance pouvait « être formulée par courriel dès lors que son auteur peut être dûment identifié, qu’elle a été établie, transmise et conservée dans des conditions propres à garantir son intégrité et sa confidentialité, et à condition qu’un examen clinique du patient ait été réalisé préalablement, sauf à titre exceptionnel en cas d’urgence ». En l’absence de texte d’application, cet article était resté peu voire pas appliqué. Le gouvernement pourra ainsi repartir d’une page blanche.
Il reste, comme bien souvent, à attendre les ordonnances, décrets et arrêtés pour mieux cerner ce que seront les évolutions en la matière, en espérant que les mesures seront suffisamment pratiques pour couvrir les besoins des professionnels de santé et des patients, tout en assurant des garanties de sécurité suffisantes…
Rachel Devidal et Barbara Bertholet, Avocats Cabinet Adaltys[1] Définition issue de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, site HPST, codifiée à l’article L. 6315-1 du Code de la santé publique.
[2] Article 53 de la loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé, partiellement codifié à l’article L. 6316-2 du Code de la santé publique.
[3] Modification des articles L. 162-14-1 et L. 162-16-1 du code de la sécurité sociale.
[4] Loi n° 2004-810 du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie.
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