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La location de type Airbnb, attention aux pièges ! Par Jennifer Zig et Jamil Houda, Avocats.
Parution : vendredi 1er novembre 2019
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Les locations saisonnières de courte durée en utilisant les plateformes en ligne telles que Booking, Airbnb ou Abritel sont en plein développement car elles constituent une source de revenus non négligeable que les pouvoirs publics tentent de contrôler.

C’est ainsi qu’à Paris, depuis le 1er décembre 2017, les utilisateurs de plateformes doivent s’enregistrer en ligne auprès de la Mairie pour louer leur résidence principale, dans la limite de 120 jours par an.

Le principal argument invoqué est la lutte contre l’effet spéculatif sur le prix de l’immobilier de certains arrondissements très prisés.

En Guadeloupe, les locations par Airbnb auraient généré en impact économique 76 millions d’euros ; cet impact atteint 61 millions d’euros pour la Martinique sur la période 2016 -2017.

Ces locations représentent 112.000 voyageurs pour les deux îles avec 3.600 annonces référencées en Martinique et 5.300 annonces en Guadeloupe sur la même période. (Sources RCI.FM et Veille Tourisme Antilles).

Quelle est la réglementation applicable et quels sont les pièges juridiques ?

1. Location de courte-durée par un propriétaire.

La location de courte durée d’un meublé qui constitue la résidence principale du loueur, qui s’entend comme le logement occupé au moins huit mois par an, est dispensé de toute démarche en mairie.

Si le meublé est la résidence secondaire du loueur, il doit le déclarer ce meublé en mairie.
La résidence secondaire s’entend du logement occupé moins de 120 jours par an consécutifs ou non.
De plus, les locations de courte durée ne peuvent pas excéder plus de 120 jours par an si le logement correspond à la résidence principale et qu’il est situé dans « une zone tendue ».

C’est ainsi, dans certaines communes (région parisienne, +200.000 habitants), le loueur doit faire une demande d’autorisation de changement d’usage du logement à la mairie.

A défaut, il s’expose à une amende civile pouvant aller jusqu’à 50.000 € par logement conformément à l’article L 651-2 du Code de la construction et de l’habitation.

La Cour de Cassation un arrêt du a sursis à statuer jusqu’au 10 décembre 2019 et a saisi d’une question préjudicielle la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJCE) sur la conformité de ce régime d’autorisation et l’article L631-7 du Code de la construction et de l’habitation au droit de l’Union Européenne.

Cette question n’est pas tranchée car la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJCE) doit se prononcer sur la conformité de ce régime d’autorisation avec le droit de l’Union Européenne à la suite d’une question préjudicielle posée par la Cour de cassation (Cass Civ 3ème 15 novembre 2018 n°17-26.156).

Par ailleurs, la location de courte durée peut se heurter aux dispositions d’un règlement de copropriété.

C’est ce qu’a jugé la Cour de cassation dans un arrêt du 8 mars 2018 n°14-15.864, dans une affaire où des propriétaires avaient aménagé plusieurs appartements en studios meublés afin de les mettre en location sur une plateforme de réservation (Cass Civ 3ème 8 mars 2018 n°14-15.864).

Plusieurs co-propriétaires et le syndic ont agi en justice en invoquant notamment la violation du règlement de copropriété de l’immeuble qui prévoyait « qu’il était principalement à usage d’habitation, avec possibilité d’usage mixte professionnel-habitation et à l’exclusion de toute activité commerciale. »

La Cour a approuvé les copropriétaires et a estimé que la transformation des lots n’avait pas reçu leur accord ; elle a donc ordonné la remise en état des appartements.

Il ressort de cette décision que la division ou la réunion de lots ne doit pas porter atteinte à la destination de l’immeuble et/ou aux droits des autres copropriétaires.

2. La sous-location saisonnière de courte durée effectuée par un locataire.

Le principe posé par la loi 89-462 du 6 juillet 1989 est que la sous-location pour laquelle le bailleur n’a pas donné son accord, tant sur le principe que sur le montant du sous-loyer doit être considérée comme non autorisée et irrégulière.

Le locataire qui veut sous-louer son logement doit donc obtenir l’accord préalable et indispensable de son bailleur sur :
- la possibilité de sous-louer,
- et le montant du loyer de sous-location qui ne peut pas excéder celui payé par le locataire principal.
Ces règles s’appliquent aussi aux locations meublées mais uniquement pour les contrats conclus à partir du 27 mars 2014.

Pour les baux antérieurs, la sous-location d’un meublé est possible, sauf opposition du bailleur mentionnée dans le bail, d’une clause prévoyant l’autorisation préalable du bailleur ou par courrier ultérieur envoyé au locataire.

Le non-respect de ces règles expose le locataire à la résiliation judiciaire de son bail et à une condamnation à des dommages et intérêts.

3. Les sous-loyers perçus sont la propriété du bailleur !

La Cour de cassation, dans un arrêt récent du 12 septembre 2019 n°18-20727, vient de juger aux visas notamment des article 546 et 547 du Code civil que les sous-loyers appartiennent au bailleur et doivent lui être reversés. (Cass 3ème CIV 12 septembre 2019 n°18-20727)

Dans cette affaire, un locataire avait mis son logement en sous-location pendant plusieurs années sur une plateforme, sans autorisation du bailleur-propriétaire.

Après avoir été condamné en première instance, il a saisi la Cour d’appel de Paris puis la Cour de cassation en estimant que les sous-loyers qu’il avait perçus étaient « l’équivalent économique du droit de jouissance conféré au preneur, lequel est en droit de les percevoir et de les conserver, sauf à engager sa responsabilité envers le bailleur en cas de préjudice subi par celui-ci du fait de la méconnaissance d’une interdiction contractuelle de sous-location ».

En outre, ils considéraient que les sous-loyers perçus ne concernaient qu’un rapport entre locataire et sous-locataire.

La Cour de cassation n’a pas retenu cette argumentation et a confirmé la Cour d’appel qui a considéré que les sous-loyers perçus par les preneurs étaient des fruits civils qui appartenaient par accession au propriétaire.

De plus, faute d’avoir été autorisée, la sous-location était inopposable au bailleur et les sommes perçues devaient donc être remboursées à ce dernier.

En l’espèce, le litige était important car les sous loyers encaissés s’élevaient à 27.295 euros.

Enfin, il faut savoir que, depuis le 1er juillet 2019 en application de l’article 10 de la Loi n° 2018-898 du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude, les plateformes ont désormais l’obligation d’adresser par voie électronique à l’administration fiscale l’ensemble des informations relatives aux utilisateurs ayant perçu plus de 3 000 € ou ayant effectué plus de 20 transactions au cours de l’année précédente.

La location via des plateformes numériques nécessite donc une très forte vigilance tant du bailleur-propriétaire que du locataire.

En conclusion, avant de mettre un bien en location saisonnière de courte durée sur une plateforme un certain nombre de précautions et vérifications s’imposent :
- vérifier les dispositions du règlement de copropriété ;
- vérifier les dispositions du contrat de bail sur la sous-location ;
- S’il y a aucune indication, le principe est l’interdiction légale du locataire sauf à obtenir l’autorisation du bailleur ;
- Si le bail autorise la sous-location, il est impératif d’obtenir une autorisation écrite, express et claire du bailleur ;
- les sous-loyers perçus ne peuvent être supérieurs au prix du loyer principal ;
- A défaut d’autorisation, le risque est la résiliation du bail au tort du locataire, la restitution des sous-loyers perçus et le versement de dommages et intérêts éventuels ;
- Les implications fiscales qui peuvent en découler.

Jennifer Zig et Jamil Houda Houda Avocats Avocats au Barreau de Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélémy [->https://www.avocat-houda.fr] [->cabinet.houda@wanadoo.fr]

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