Village de la Justice www.village-justice.com

Pourquoi demander une contre-expertise en cas de stupéfiants ou de drogue au volant ? Par Michel Benezra, Avocat.
Parution : jeudi 2 avril 2020
Adresse de l'article original :
https://www.village-justice.com/articles/pourquoi-demander-une-contre-expertise-cas-stupefiants-drogue-volant,34422.html
Reproduction interdite sans autorisation de l'auteur.

Si vous deviez être contrôlé pour une conduite sous l’emprise de stupéfiant ou une conduite sous drogue, exigez le bénéfice du droit essentiel à la contre-expertise pour préserver vos droits.

I- Les effets de la contre-expertise en matière de stupéfiants au volant ou de drogue au volant.

Demander une contre-expertise en matière de stupéfiants au volant pour tenter de faire échec aux poursuites.

En France, il n’est pas rare que les policiers tentent de dissuader l’automobiliste d’user de son droit à la contre-expertise et pour cause, la réalisation de la contre-expertise peut avoir des effets dévastateurs sur les poursuites.

En effet, la procédure de contre-expertise est encadrée par beaucoup d’exigences légales et règlementaires prévues à peine de nullité et qui sont généralement non maitrisées par l’ensemble des acteurs intervenants dans la procédure (policiers, gendarmes).

Or, si l’une de ces exigences n’est pas réalisée ou simplement oubliée, la procédure est viciée et donc entachée de nullité. Votre avocat en droit routier ne manquera pas de soulever tous les vices de procédure utiles devant le Tribunal pour obtenir votre relaxe.

Ainsi, par exemple, la loi prévoit que la seconde expertise soit confiée à un second expert biologiste afin que la personne puisse valablement bénéficier d’un réexamen de sa situation. A défaut, si le même expert se prononce sur le même prélèvement, cela constitue un vice de procédure.

Pourtant, il est fréquent de constater que le procureur réquisitionne le même expert pour se prononcer sur l’analyse du deuxième prélèvement pour faciliter les échanges avec le Tribunal. Dans ces conditions, la jurisprudence a annulé l’analyse du second prélèvement et a relaxé le prévenu au motif qu’il avait été privé de son droit à la contre-expertise.

Par ailleurs, la jurisprudence n’a eu de cesse de rappeler que l’automobiliste doit être informé du résultat du prélèvement salivaire ou sanguin effectué sur sa personne afin de pouvoir contester ces résultats.

De manière analogue, si l’automobiliste manifeste son souhait de pouvoir bénéficier de la contre-expertise et que l’expert après avoir effectué l’analyse détruit le second flacon. L’analyse de contrôle n’étant plus possible, la procédure sera déclarée nulle pour manquement aux droits de la défense. En effet, si le flacon a été détruit ou si l’analyse n’a pu être réalisée pour une toute autre raison, l’automobiliste devra être relaxé.

En sollicitant la contre-expertise, vous générez la création de potentiels vices de procédure que votre avocat devra contrôler et faire valoir devant le Tribunal. En effet, sans cette demande de contre-expertise, la cour de cassation a considéré que l’avocat ne pouvait soulever aucune irrégularité [1].

Demander la contre-expertise en matière de stupéfiant au volant pour s’assurer de la fiabilité de l’analyse.

En sollicitant la contre-expertise, l’automobiliste use de son droit à ce que le prélèvement sanguin ou salivaire soit examiné une seconde fois et par un autre expert biologiste.

Cette possibilité, offerte par la loi à l’automobiliste, lui permet d’une part de s’assurer de la fiabilité de la première expertise et d’autre part d’éviter le risque d’erreur.

En effet, il n’est pas rare qu’une personne qui a consommé des stupéfiants plusieurs semaines auparavant et dont l’analyse se révèle malgré tout positive, conteste la réalité de l’infraction.

De ce fait, la réalisation d’une seconde expertise lui permettra de confirmer ou d’infirmer les premiers résultats et d’éviter le risque d’erreur sur l’analyse du prélèvement sanguin ou salivaire.

De surcroit, il faut noter que les analyses réalisées par les experts biologistes donnent parfois des résultats complétement antagonistes. En effet et notamment lorsque le prélèvement est analysé plusieurs mois après la première analyse, les conclusions d’expertise sont parfois littéralement opposées.

Dans ces conditions, l’avocat en droit pénal routier pourra contester les résultats ainsi rendus en démontrant qu’il existe un doute sérieux quant à la réalité de l’infraction commise.

En effet, il faut bien comprendre que lors d’un contrôle routier, deux prélèvements seront réalisés. Or, si deux experts ne parviennent pas à rendre des résultats confirmant la présence de stupéfiants dans le sang ou dans la salive, il ne pourra y avoir une troisième analyse, faute de troisième prélèvement.

De ce fait, conformément à la loi, le doute devant profiter au prévenu, le procureur sera contraint d’abandonner les poursuites.

En dernier lieu, l’automobiliste peut être positif au premier prélèvement alors qu’il n’a pas consommé de stupéfiants. En effet, si la personne a pris, dans le cadre d’un traitement médical, des stupéfiants (morphine par exemple) elle devra impérativement demander à bénéficier de la contre-expertise qui devra être réalisée par une analyse sanguine afin de lever le doute et éviter injustement des poursuites.

II- Comment demander la contre-expertise en matière de stupéfiant au volant.

Comment demander la contre-expertise en matière de stupéfiants au volant lors d’un contrôle routier.

Lors d’une interpellation, les forces de police vont réaliser dans un premier temps un dépistage salivaire. Si le test salivaire est positif et uniquement dans ce cas, les forces de police vont poursuivre leur investigation afin d’établir la consommation de stupéfiant.

Les opérations de vérifications visant à établir la preuve de la consommation de stupéfiants sont constituées par :
- Analyse biologique du prélèvement salivaire ou sanguin.
- Examen clinique en cas de prélèvement sanguin.

Cependant, les forces de police ont pris l’habitude de faire renoncer par anticipation les automobilistes à leur droit à la contre-expertise. En effet, avant même que la personne ait pu prendre connaissance des résultats des prélèvements, les policiers vous font renoncer au droit à la contre-expertise.

Ce droit essentiel se matérialise sous la forme d’un procès-verbal qui comporte un tableau dans lequel vous devez cocher la case « je me réserve le droit de bénéficier de la contre-expertise »

Il faut savoir que si vous cochez la case « je ne me réserve pas le droit » vous ne pourrez plus revenir en arrière. En effet, le refus de la contre-expertise vous prive définitivement de ce droit et l’avocat en droit pénal routier ne sera plus en mesure de contester, dans votre intérêt, la régularité de la procédure.

Bien évidemment, les policiers vont tenter de vous en dissuader et pourront vous indiquer que si vous demandez à réaliser une expertise de contrôle, vous serez maintenu en garde à vue et que la décision prise par les magistrats sera plus sévère. Ils pourront également vous indiquer que la contre-expertise sera entièrement à votre charge et qu’elle coute plus de 1.000 euros. Toutes ces allégations sont pourtant éminemment fausses.

Il est crucial pour la suite de la procédure de se réserver ce droit de pouvoir solliciter cette contre-expertise en cochant la case « je me réserve le droit de solliciter … »

Une fois que vous aurez reçu notification du premier prélèvement, vous disposerez d’un délai de 5 jours pour solliciter la contre-expertise qui devra être adressée au procureur de la république, si bien évidemment vous n’avez pas au préalable coché la case « je renonce à mon droit de ... »

III - Comment demander la contre-expertise en matière de stupéfiant au volant après la survenance d’un accident de la route.

Lors de la survenance d’un accident mortel de la circulation ou un accident ayant occasionné des dommages corporels, les forces de police vont systématiquement réaliser un dépistage des produits stupéfiants et conduiront le conducteur dans un centre hospitalier aux fins de réaliser un prélèvement sanguin.

Si l’enquête demeure sous la responsabilité du procureur, vous devrez dans le délai de 5 jours à compter de la notification des résultats des premiers prélèvements demander à bénéficier de la contre-expertise soit lors de l’audition par les forces de l’ordre soit par lettre recommandée avec accusé de réception au procureur en veillant à respecter le délai légal de 5 jours.

Si l’enquête a été confiée à un juge d’instruction, les résultats de la première analyse vous seront également notifiés et vous disposerez alors de 5 jours pour demander le bénéfice de la contre-expertise non plus au procureur mais au magistrat instructeur (cas de poursuites pour homicide involontaire) .

Vous devez néanmoins savoir que demander la contre-expertise ce n’est pas contester sa responsabilité mais uniquement bénéficier des garanties procédurales offertes par la loi. En effet, bien souvent un sentiment de culpabilité peut ronger les automobilistes, lesquels vont renoncer à la contre-expertise.

Or, la contre-expertise est un enjeu essentiel d’autant qu’en présence d’un accident de la route, la conduite sous stupéfiant est une circonstance aggravante qui aggrave considérablement les peines encourues.

Vous l’aurez compris, ne renoncez jamais au droit de pouvoir bénéficier de la contre-expertise en matière de stupéfiants ou de drogues au volant car comme le prévoit la loi c’est une garantie essentielle des droits de la défense.

Michel Benezra, avocat associé BENEZRA AVOCATS Droit Pénal Routier & Dommages Corporels https://www.benezra.fr

[1Crim 5 avril 2011