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La contestation des décisions prises par l’AG d’une copropriété. Eloïse Millet, Avocat.
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Parution : dimanche 26 avril 2020
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Comment contester une décisions prise par l’Assemblée Générale des copropriétaires ?
Qui peut agir en contestation ?
Quels sont les effets d’une action en contestation sur la délibération litigieuse ?
La loi n°65-557 du 10 juillet 1965 ouvre la possibilité pour les copropriétaires de contester une décision prise par l’assemblée générale de copropriétaires.
L’alinéa 2 de l’article 42 de cette même loi dispose :
« Les actions en contestation des décisions des assemblées générales doivent, à peine de déchéance, être introduites par les copropriétaires opposants ou défaillants dans un délai de deux mois à compter de la notification du procès-verbal d’assemblée. Cette notification est réalisée par le syndic dans le délai d’un mois à compter de la tenue de l’assemblée générale. »
Pour intenter une action contre une délibération prise en Assemblée générale, les décisions doivent être contestables et le demandeur doit avoir la qualité et l’intérêt à agir. Toutefois, même en présence d’une contestation, les délibérations sont d’application immédiate.
D’une part, seules sont contestables les décisions prise par l’assemblée générale. L’action en contestation ne peut être exercée que contre une véritable décision ayant fait l’objet d’une délibération en assemblée générale. Il doit donc s’agir une décision ayant fait l’objet d’un vote approuvant ou rejetant un projet de résolution (Civ 3ème, 01-16.010).
D’autre part, les décisions sont contestables sur le fondement de l’inobservation des règles de fonctionnement et d’organisation des assemblées, du règlement de coprorpiété, l’excès de pouvoir, la fraude. Ainsi, est contestable la violation des règles de convocation de l’assemblée, l’irrégularité dans la composition de l’assemblée générale, la violation des normes de décomptes des voies, la délibération guidée dans un but frauduleux ou par le biais d’un abus de majorité.
Par exemple, un copropriétaire peut se retrouver face à l’ajout de l’assemblée générale d’une résolution n’étant pas prévue par l’ordre du jour.
En effet, l’article 9 du décret n°67-223 du 17 mars 1967 précise que : « La convocation contient l’indication des lieu, date et heure de la réunion, ainsi que l’ordre du jour qui précise chacune des questions soumises à la délibération de l’assemblée. »
Cependant, l’article 13 du même décret ajoute que : « L’assemblée générale ne prend de décision valide que sur les questions inscrites à l’ordre du jour et dans la mesure où les notifications ont été faites conformément aux dispositions des articles 9 à 11-I.
Elle peut, en outre, examiner sans effet décisoire toutes questions non inscrites à l’ordre du jour. »
La Cour de la cassation a précisé qu’une décision qui a été votée conformément à l’ordre du jour ne peut être complétée par une autre qui n’y était pas inscrite [1]. S’il est possible de reformuler une résolution, il est en revanche impossible de la compléter ou de la dénaturer [2].
Par conséquent, un ajout à la résolution prévue ou l’ajout d’une nouvelle résolution non prévue par l’ordre du jour est frappée de nullité.
L’action en justice suppose que deux éléments soient réunis :
la qualité à agir (titre juridique conférant la prérogative d’agir en justice comme l’intérêt personnel)
et l’intérêt à agir (c’est-à-dire l’avantage que procurerait au demande la reconnaissance par le juge du bien-fondé de son action).
L’article 42 de la loi du 10 juillet 1965 précise que les actions ayant pour objet de contester les décisions d’assemblées générales doivent être introduite par « les copropriétaires opposants ou défaillants ».
La Cour de cassation est venue ajouter que la qualité de propriétaire s’apprécie au moment où a été adoptée la résolution dont l’annulation a été demandée [3].
Cependant, l’acquéreur d’un lot peut reprendre l’action en contestation intentée initialement par le cédant avant la vente du lot [4]. Ainsi, le propriétaire peut entamer une action en justice que l’acquéreur pourra continuer par la suite ou donner mandat au nouvel acquéreur d’agir en son nom et pour son nom. Cependant, des décisions prises postérieurement à la cession du lot ne pourraient être contestée par l’ancien propriétaire.
S’agissant de l’intérêt à agir, le copropriétaire doit avoir été opposant ou défaillant lors des délibérations, sans qu’il ne doive prouver qu’il a subi un préjudice [5]. Par conséquent, les copropriétaires ayant voté en faveur de la décision ne peuvent en solliciter l’annulation, quel que soit le motif invoqué, peu importe que le vote ait porté sur une question ne figurant pas à l’ordre du jour [6].
De plus, un juge ne peut prendre en considération la seule affirmation du demandeur pour retenir sa qualité d’opposant et la fausseté du vote litigieux, laquelle ne peut résulter du seul fait que le vote ne concorde pas avec ses intérêts [7].
La seule exception admise par la jurisprudence concerne la demande en nullité d’un copropriétaire qui a voté en faveur de la résolution et qui invoque un dol dont il aurait été victime.
La solution est différente lorsque le copropriétaire se fait représenter à l’assemblée générale par un mandataire. En effet, le mandataire n’a pas reçu de pouvoir pour se prononcer sur une décision non inscrite à l’ordre du jour. Ainsi, la jurisprudence a décidé que lorsque le mandataire vote sur une question n’ayant pas été portée à l’ordre du jour, son mandant peut contester la décision, le mandataire n’ayant en effet pas reçu pouvoir de se prononcer sur la question votée dans ces circonstances [8]. Le mandant n’ayant ainsi pas voté la résolution, il est considéré comme un copropriétaire défaillant.
Le délai pour agir est de deux mois à compter de la notification de la délibération de l’assemblée générale faite aux propriétaires. L’absence totale de notification fait tout de même courir un délai de cinq ans
L’introduction d’une action en nullité des délibérations de l’assemblée n’a aucun effet suspensif. Celles-ci s’appliquent aux membres du syndicat tant que leur nullité n’a pas été prononcée en justice [9]. Si l’action en nullité n’est pas reconnue fondée, le juge pourra condamner le copropriétaire demandeur à verser des dommages-intérêts soit au syndicat, soit au syndic.
En revanche, si l’annulation est prononcée, elle entraîne en principe la disparition de la délibération. Il sera également possible de demander des dommages et intérêts si la résolution contestée a causé un préjudice au demandeur.
L’annulation d’une résolution contestée n’empêche pas à l’assemblée générale d’en prendre une identique en respectant les règles de convocation de l’assemblée ou l’ordre du jour.
Eloïse MILLET Avocate Barreau de NANTES[1] Civ 3ème, 7 novembre 2007, 06-18.882 ; Civ 3ème, 29 novembre 2018, 17-22.138.
[2] Civ 3ème, 16 septembre 2015, 14-14.518.
[3] Civ 3ème, 3 mai 1990, 88-20.286.
[4] CA Paris, 19e ch. B, 12 oct. 1995, Synd. copr., 12 rue de l’Arrivée, à Paris, D. 1996, somm., p. 91, obs. Ch. Atias, RD imm. 1996, p. 272.
[5] Civ 3ème, 7 octobre 2009, 08-17.798.
[6] Civ 3ème, 7 novembre 2007, 06-17.361.
[7] CA Aix en Provence, 4 mars 2005, 02/00540.
[8] Civ 3ème, 8 septembre 2016, 15-23.422.
[9] Civ 3ème, 3 octobre 1991, 89-20.904.
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chère Maître
Élue au conseil syndical lors de l’AG du 29 /08 je me suis aperçue que cette résolution avait pour but de verser à une entreprise des sommes pour un suivi de travaux ...
Cette entreprise n’a pas de n* de siren et de RCP
L’architecte d’intérieur ( entreprise) travaillerait sous couvert d’une SARL à associé unique ( son épouse) dont il n’est ni l’associé conjoint ni le conjoint collaborateur de ce fait il devrait pouvoir nous présenter une déclaration d’embauche provenant de la SARL ?
merci pour votre reponse
Bonjour Maître,
Vous précisez que les contestations ouvertes par le délai de deux mois de la notification du procès-verbal d’assemblée générale (art. 42 L. 10.07.1965) ne peuvent concerner que les résolutions prises par une assemblée délibérante au sens du nouvel article 17-1 A de cette même loi.
Qu’en est-il des décisions prises au moyen d’un seul vote par correspondance, sur le fondement des articles 25 ou 26 qui prévoient, sous conditions, le possibilité de tenir un deuxième tour ?
En effet, un tel vote ne permet en principe qu’un seul tour : le premier.
En cas d’irrégularité manifeste, la contestation d’un tel vote par correspondance échappe-t-elle au délai de l’art. 42 qui ne concerne a priori que la contestation possible de telle ou telle résolution, et non les fondements juridiques du vote lui-même ?