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Covid-19 : les assurances doivent-elles garantir la perte d’exploitation ? Par Corinne Amar, Avocat.
Parution : vendredi 5 juin 2020
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La fermeture administrative imposée par le décret n°2020-293 du 23 mars 2020 a causé des pertes financières très lourdes aux entreprises. Face à cette situation inédite, le gouvernement a concédé des aides appréciables, mais qui ne suffiront pas à pallier le coût total d’une telle crise.
Article vérifié par l’auteur en septembre 2023.

Selon la FFA, la plupart des contrats d’assurance ne permettent pas de garantir la perte d’exploitation (I), car la covid-19 est un événement excluant l’aléa et la mutualisation des risques (1), et qu’aucun dommage matériel n’est à déplorer (2).

Cependant, l’état de catastrophe naturelle sanitaire pourrait-il faire évoluer la situation ? (II) Il existe des failles qui permettraient la prise en compte de la perte d’exploitation, les contrats d’assurances sont complexes et peuvent être carencés, leur audit est donc impératif (III).

I. Pourquoi l’épidémie est-elle exclue des risques couverts par les assurances ?

1. L’absence d’aléa et de mutualisation des risques.

Les compagnies d’assurances déterminent le montant des primes à provisionner pour pouvoir indemniser les assurés sinistrés, ce qui leurs permet de trouver un « équilibre », entre le montant des cotisations perçues et le montant des indemnités à verser. C’est la mutualisation des risques.

Nous courons tous des risques, sans savoir quand et s’ils se matérialiseront. C’est l’aléa. Or, une pandémie telle que la Covid-19, est un risque qui touche l’ensemble des assurés sur l’ensemble du territoire, au même moment, il revêt donc un caractère global excluant la mutualisation et l’aléa.

2. L’absence de dommage matériel.

La garantie de perte d’exploitation, si elle a été souscrite, permet à l’entreprise de compenser une part importante de la perte de son chiffre d’affaire. Sa mise en jeu est toutefois soumise à l’obligation de souscrire antérieurement à la survenance du sinistre, une assurance de dommages matériels.

Cette garantie ne trouvera donc à s’appliquer que si l’arrêt de l’activité est dû à un dégât matériel survenu à la suite d’un événement garanti. Or, avec la Covid-19, la perte d’exploitation résulte d’une décision de confinement général et aucun dégât matériel n’est à déplorer.

II. L’état de catastrophe naturelle pourrait-il faire évoluer la situation ?

Lorsqu’une catastrophe naturelle est reconnue officiellement, les assureurs sont tenus par le Code des assurances à étendre la garantie contre les pertes d’exploitation aux effets de cette catastrophe. Or, la définition de ces effets ne vise que des dommages matériels directs.

Par conséquent, en l’absence de dégâts matériels, la perte d’exploitation liée à la fermeture de l’entreprise se retrouve encore une fois exclue.

La volonté de certains députés de voir cet état décrété, sera sans effet pour les entreprises et n’obligera donc pas les assureurs à garantir.

III. La perte d’exploitation a-t-elle alors une chance d’être tout de même garantie ?

Certaines assurances, comme la BPCE, AXA ou le groupe COVEA (MAAF, MMA, GMF) proposent une garantie perte d’exploitation dans le cas de fermeture imposée par une autorité administrative.

Or, son application n’est pas soumise à la présence d’un dégât matériel et rares sont les exclusions qui comportent le risque de pandémie. Si cette garantie a été souscrite, elle sera une piste à explorer, pour obtenir la prise en charge de la perte exploitation.

Attention, en cette période, les assureurs pourront vous soumettre des propositions à titre commercial. Il faudra les étudier au regard de plusieurs critères : perte financière, montant de la proposition, et surtout au regard de vos conditions contractuelles. C’est souvent au détour d’un sinistre que l’on apprend que les titres « contrat Premium ou pro » sont trompeurs.

Le contrat d’assurance est un contrat avant tout !

Il convient donc d’examiner :
- L’obligation pré contractuelle d’information. Elle est primordiale car elle influence l’assuré à contracter. Elle doit être claire et précise, et c’est à l’assureur/courtier de prouver qu’il s’est correctement acquitté de cette obligation. A défaut, et si cela cause un préjudice, alors il sera possible d’obtenir une réparation ;
- Les clauses d’exclusions de garantie. Elles doivent être formelles, limitées, et en caractères très apparents dans le contrat. A défaut, elles peuvent être déclarées inexistantes. Elles peuvent aussi être invalidées, si elles ont pour effet de vider le contrat de sa substance.

C’est donc grâce à une analyse méticuleuse de chaque terme de votre contrat, de ses conditions générales et particulières, avenants et annexes, que d’éventuelles failles pourront être révélées, ce qui permettra d’obtenir la mise en jeu de la garantie perte d’exploitation, ou tout autre indemnisation.

L’audit sera un moyen pour vous, pour le présent et pour l’avenir, de comprendre les avantages de vos contrats, ses limites, et les garanties optionnelles à négocier. Dans cette démarche, l’avocat est votre principal allié.

Article à paraître dans "Le Journal du Management Juridique et Réglementaire, la revue pour les services juridiques".

Maître Corinne Amar Cabinet Amar Avocats

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