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Fixation et révision des pensions alimentaires : de nouvelles attributions pour la CAF. Par Emilie Porcara, Avocat.
Parution : jeudi 7 octobre 2021
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Quand le justiciable est un sujet d’expérimentation.
Il n’aura échappé à aucun d’entre nous que l’Etat a pris la décision de réformer la justice et qu’un projet de loi en ce sens est en cours de débat auprès de nos instances nationales. Au regard de ce projet le but serait "un recentrage de la justice sur ses missions premières : trancher les conflits et protéger les droits et libertés des citoyens".

Il se cache en fait derrière cette belle formule une réalité toute autre : notre système judiciaire tend à se déjudiciariser en d’autres termes là l’éloigner le justiciable de la justice et de son accès au juge, lesquels tendent à être remplacés dans leurs fonctions par des agents administratifs ou des agents du service public.

Ce billet n’a pas pour finalité de lister et de développer l’intégralité des points abordés par cette loi mais de se pencher sur un volet qui touche une majorité de citoyens et de justiciables à savoir la contribution à l’entretien et à l’éducations des enfants communément appelé "pension alimentaire". Pour rappel, en 2015 en France l’on dénombre 230 000 mariages pour 123 000 divorces, autant de justiciables confrontés à cette problématique de la pension alimentaire.

A l’heure de la rédaction de ce billet la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants peut être fixée par accord commun entre les parents (soumis à l’homologation du juge aux affaires familiales afin de lui conférer force exécutoire) ou par décision de justice. Afin de déterminer le montant de cette contribution, il est pris en considération les ressources et charges de chacun des parents et les besoins de l’enfant. Il est évident mais néanmoins utile de le rappeler que toutes les décisions de justice relatives aux enfants sont toujours modifiables en raison d’un changement tant dans la vie des parents que dans celle des enfants.

La saisine du juge aux affaires familiales, juge impartial et compétent en la matière, l’assistance et le conseil d’un avocat, permettent de rendre des décisions justes et équitables prenant en considération au delà de l’aspect financier du contentieux l’aspect humain.

Pourtant le gouvernement entend réformer ce système qui fonctionne.

Ainsi va se mettre en place l’expérimentation "d’un nouveau système" pour une durée de trois ans et limitée à certains départements sans que l’on sache lesquels à ce jour.

De nouvelles compétences pour la CAF.

A croire que le Gouvernement considère que les Caisses d’Allocations Familiales ne sont pas suffisamment débordées avec le seul versement des prestations familiales et sociales, il a décidé de leur confier une nouvelle attribution : la modification de la fixation du montant des pensions alimentaires. La compétence serait également attribuée aux officiers publics et ministériels et ce dans le respect des garanties de compétence et d’impartialité.

Afin de leur simplifier la tâche, la mise en place d’un barème national est envisagé.

Qui dit national dit général est impersonnel ; en d’autres termes comment faire valoir la spécificité de chaque situation ?

A cette question une réponse tout aussi générale et impersonnelle. L’étude d’impact prévoit que le dispositif sera limité "aux cas les plus simples où il est possible de se référer à un barème". Comment définir "un cas simple" ? Comment définir "un cas éloignés de la moyenne" ? Le cas simple pour l’administration est aux yeux du justiciable concerné un cas complexe.

Le gouvernement pose un recours à un barème alors que la jurisprudence de la Cour de cassation est constante sur la question : les décisions fixant le montant de la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants en référence à un barème doivent être cassées.

Si les juridictions sont surchargées du contentieux relatif à l’autorité parentale et aux pensions alimentaires c’est uniquement en raison de l’accroissement des séparations.

Déjudiciariser un tel domaine ne va pas réduire les séparations mais au contraire interdire l’accès au juge à un plus grand nombre de justiciables.

Il est évident que l’intervention d’un avocat si elle n’est pas obligatoire va devenir de plus en plus nécessaire car si le justiciable seul est entendu et écouté par le juge cela est moins vrai en présence d’une administration.

Maître Emilie Porcara

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