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La prescription de la garantie des vices cachés. Par Arnaud Lucien, Avocat.
Parution : mardi 11 janvier 2022
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Arrêt de la troisième Chambre civile de la Cour de cassation en date du 8 décembre 2021.
Après avoir considéré que la garantie des vices cachés outre le délai de forclusion de deux années applicables à compter de la découverte du vice devait être engagée dans un délai quinquennal à compter de la vente, la 3e chambre civile par un arrêt publié au bulletin vient de porter ce délai de prescription à 20 ans à compter de la vente [1].

La troisième chambre civile fait preuve de pédagogie en ce qu’elle rappelle l’évolution chronologique de la jurisprudence et de la loi suite à la réforme du droit de la prescription.

La troisième chambre civile cite ainsi expressément les arrêts de jurisprudence auxquels elle se réfère ce qui est commun en droit anglo-saxon ; les décisions de common law faisant état des précédents et même de l’argumentation des différents magistrats et de leurs éventuelles opinions dissidentes.

Par les motifs ici repris in extenso, la haute juridiction expose son raisonnement :

« 8. Il est de jurisprudence constante qu’avant la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, la garantie légale des vices cachés, qui ouvre droit à une action devant être exercée dans les deux ans de la découverte du vice, devait également être mise en œuvre à l’intérieur du délai de prescription extinctive de droit commun.
9. L’article 2224 du Code civil, qui a réduit ce délai à cinq ans, en a également fixé le point de départ au jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer, ce qui annihile toute possibilité d’encadrement de l’action en garantie des vices cachés, le point de départ de la prescription extinctive du droit à garantie se confondant avec le point de départ du délai pour agir prévu par l’article 1648 du même code, à savoir la découverte du vice.
10. En conséquence, l’encadrement dans le temps de l’action en garantie des vices cachés ne peut être assuré, comme en principe pour toute action personnelle ou mobilière, que par l’article 2232 du Code civil qui édicte un délai butoir de vingt ans à compter de la naissance du droit.
11. Le droit à la garantie des vices cachés découlant de la vente, l’action en garantie des vices cachés doit donc être exercée dans les deux ans de la découverte du vice, sans pouvoir dépasser un délai de vingt ans à compter du jour de la vente (3e Civ., 1er octobre 2020, pourvoi n° 19-16.986, en cours de publication)
 ».

Pour mémoire, l’article 2232 dispose : « Le report du point de départ, la suspension ou l’interruption de la prescription ne peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription extinctive au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit ».

Une prescription de vingt ans se substitue donc à la prescription quinquennale.

Il s’agit ici d’une application bienveillante du droit de la prescription protectrice de l’acquéreur notamment immobilier qui découvre souvent tardivement l’existence de vices cachés bien après les cinq années de la cession.

Il en résulte en revanche une insécurité juridique s’agissant du vendeur qui dans un contexte de remise en cause des clauses d’exonération de la garantie des vices cachés ne pourra avoir de certitudes que la vente ne sera pas remise en cause avec l’ensemble des conséquences relatives aux restitutions éventuelles susceptibles d’intervenir.

Dès lors la cession reste susceptible d’être annulée sur le fondement de la garantie des vices cachés vingt ans après l’acte.

Maître Arnaud Lucien, Avocat au Barreau de Toulon [->contact@adl-avocat.fr] https://barreautoulon.fr/avocat/lucien-arnaud/

[1Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 8 décembre 2021, 20-21.439, Publié au bulletin.