Village de la Justice www.village-justice.com

Vigilance quant à la déclaration d’appel via pièce jointe en PDF. Par Aurélien Maraux, Avocat.
Parution : jeudi 17 mars 2022
Adresse de l'article original :
https://www.village-justice.com/articles/commentaire-arret-janvier-2022-cour-cassation-pourvoi-516,42045.html
Reproduction interdite sans autorisation de l'auteur.

Par un arrêt du 13 janvier 2022 publié au Bulletin [1] la 2ème chambre civile de la Cour de cassation a approuvé la Cour d’appel qui après avoir « constaté que les chefs critiqués du jugement n’avaient pas été énoncés dans la déclaration d’appel formalisée par la banque, celle-ci s’étant bornée à y joindre un document intitulé "motif déclaration d’appel PDF", (…) en a exactement déduit que celui-ci ne valait pas déclaration d’appel, seul l’acte d’appel opérant la dévolution des chefs critiqués du jugement ».

Dès lors, la déclaration d’appel n’emporte dévolution à la Cour d’aucune disposition du jugement attaqué et celle-ci ne peut ainsi que le confirmer…

Par un arrêt du 13 janvier 2022 publié au Bulletin, la 2ème chambre civile de la Cour de cassation a jugé que :

« Selon l’article 901, 4°, du Code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, la déclaration d’appel est faite, à peine de nullité, par acte contenant notamment les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible. En application des articles 748-1 et 930-1 du même code, cet acte est accompli et transmis par voie électronique. En application de l’article 562 du Code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n°2017-891 du 6 mai 2017, seul l’acte d’appel emporte dévolution des chefs critiqués du jugement.

Il en résulte que les mentions prévues par l’article 901, 4°, du Code de procédure civile doivent figurer dans la déclaration d’appel, laquelle est un acte de procédure se suffisant à lui seul ».

La Haute Juridiction précisant :

Qu’ « en cas d’empêchement d’ordre technique, l’appelant peut compléter la déclaration d’appel par un document faisant corps avec elle et auquel elle doit renvoyer ».

Cependant, la Cour de cassation a ainsi approuvé la Cour d’appel qui après avoir « constaté que les chefs critiqués du jugement n’avaient pas été énoncés dans la déclaration d’appel formalisée par la banque, celle-ci s’étant bornée à y joindre un document intitulé "motif déclaration d’appel PDF", (…) en a exactement déduit que celui-ci ne valait pas déclaration d’appel, seul l’acte d’appel opérant la dévolution des chefs critiqués du jugement » alors que l’appelant ne justifiait d’aucun empêchement technique à préciser les chefs du jugement critiqués dans le formulaire de déclaration d’appel.

En des termes moins poussés, les magistrats viennent vider de toute substance la procédure d’appel intentée, lorsque l’appelant a simplement joint à sa déclaration d’appel un document PDF récapitulatif, évitant de remplir directement la case prévue à cet effet.

Dès lors, la déclaration d’appel n’emporte dévolution à la Cour d’aucune disposition du jugement attaqué et celle-ci ne peut ainsi que le confirmer…

Cet arrêt est d’une sévérité extrême, d’autant plus au regard de certaines considérations techniques qu’il convient d’évoquer.

En effet, il est aisé de constater qu’il est laissé à l’avocat un espace très restreint de 2 cm sur 18 cm, mesuré précisément à l’aide d’un double décimètre, pour rentrer l’ensemble des chefs du jugement critiqué sur le Réseau Privé Virtuel des Avocats (RPVA), obligation impérative au regard de l’article 901 du CPC, à peine de nullité.

Il est très difficile de taper proprement dans un espace si réduit et de se relire alors que la déclaration d’appel est un acte d’une telle importance chargeant l’avocat d’une lourde responsabilité.

Par souci de clarté et aux fins d’administration d’une bonne justice, l’ensemble de la profession utilisait un système simple et concis de pièce jointe dans laquelle figurait l’ensemble de la déclaration d’appel (via PDF), pour contourner une interface qu’elle a conçue elle-même, certainement lacunaire… Mais est-ce là le cœur de notre profession ?

Il sera remarqué que cette méthode permettait un parfait respect des dispositions légales applicables ainsi que de l’ensemble des principes directeurs du procès.

Ce système explicité visait surtout à faciliter la tâche des magistrats et des greffiers dans le cadre de la procédure d’appel, dont fait l’objet le présent article.

Surtout, ce procédé n’entraînait aucun grief, bien au contraire, comme il vient de l’être expliqué.

Malgré les arguments sus évoqués, il est aujourd’hui très sévèrement sanctionné.

Certes, il ne s’agit que d’une remise des pendules à l’heure des magistrats face à une légère liberté procédurale que s’étaient octroyés les avocats par volonté de praticité.

Mais, à mon sens, et avec du recul, cet arrêt appelle des questions plus profondes : la Justice n’a-t-elle pas pour objectif fondamental de tendre à ce que le citoyen soit entendu et protégé ? Subséquemment, est-ce là, le fond et le sens de cet arrêt ?

Il semble malheureusement s’inscrire dans une lignée toute autre et quelque peu inquiétante …

Qui pâtit d’un tel arrêt ?

D’une part, l’avocat, qui voit sa responsabilité mise à l’épreuve de manière exponentielle.

D’autre part, le citoyen français, qu’on vient lourdement sanctionner alors que la procédure d’appel est l’unique recours permettant la révision d’un jugement de première instance, garante du corps Judiciaire.

Il s’agit là d’un bel exemple de la fracture grandissante entre les magistrats et les avocats : les premiers cherchant sans cesse à se décharger de toute forme d’implication au détriment des seconds …

Ne faudrait-il pas agir et « protéger » quelque peu la profession d’avocat, rouage essentielle de la Démocratie où chaque Homme a le droit d’être défendu, et dont les statistiques montrent que ses membres sont de plus en plus à la quitter prématurément ?

La volonté du Garde des sceaux n’était-elle pas de réduire le fossé évoqué et dont il a fait état à de nombreuses reprises par le passé ?

Au regard d’un tel arrêt, il est légitime de s’interroger au sujet de la conception actuelle de la Justice et, surtout, de se demander vers où elle tend ?

L’arrêt rendu en date du 13 janvier 2022 permet peut-être d’y répondre, et pour ma part, de m’en alerter…

N.B.

En réaction à cet arrêt, le décret n° 2022-245 du 25 février 2022 est venu apporter des précisions quant aux modalités d’ajout d’une annexe à la déclaration d’appel faite par voie électronique.

Ainsi, la mention « comportant le cas échéant une annexe, » a été ajoutée à l’article 901 du Code de procédure civile, de sorte qu’il prévoit désormais :

« La déclaration d’appel est faite par acte, comportant le cas échéant une annexe, contenant, outre les mentions prescrites par les 2° et 3° de l’article 54 et par le cinquième alinéa de l’article 57, et à peine de nullité (…) ».

En outre, l’arrêté du 25 février 2022 modifie les articles 3 et 4 de l’arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d’appel :

Aux termes de l’article 3, il est dès lors nécessaire de faire figurer dans la déclaration d’appel remise par voie électronique, les mentions des alinéas 1 à 4 de l’article 901 du Code de procédure civile. En cas de contradiction, ces mentions prévalent sur celles de l’annexe jointe à la déclaration d’appel.

L’article 4, quant à lui, impose que, lorsqu’un document doit être joint, la déclaration d’appel renvoie expressément à l’annexe, au format PDF, qui l’accompagne.

Cependant, les textes précités ne précisent nullement dans quelles conditions une annexe doit ou peut être jointe à la déclaration d’appel.

Ainsi, ils ne répondent pas à l’ensemble des interrogations soulevées précédemment et, notamment, la plus importante relative au critère dégagé par la jurisprudence de « l’empêchement d’ordre technique » liée à la limitation à 4 080 caractères permettant de compléter la déclaration d’appel.

A mon sens, un doute essentiel persiste pouvant avoir des conséquences procédurales lourdes.

Prudence est mère de sureté…

Aurélien Maraux, Avocat. Barreau de Marseille [->aurelien.maraux@gmail.com]

[1Commentaire de l’arrêt du 13 janvier 2022 de la Cour de cassation - Pourvoi n° 20-17.516.

Cet article est protégé par les droits d'auteur pour toute réutilisation ou diffusion, plus d'infos dans nos mentions légales ( https://www.village-justice.com/articles/Mentions-legales,16300.html#droits ).

Comentaires: