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L’Union européenne face au piège de la dialectique droit au développement-urgences climatiques. Par Raymond Djolgou, Doctorant.
Parution : vendredi 25 mars 2022
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Le projet de fermeture du marché européen aux produits issus de la déforestation a remis sur table la dialectique droit au développement-urgences climatiques.
Comment l’Union européenne pourrait conjuguer les impératifs de l’urgence climatique avec le droit au développement de ses partenaires commerciaux tout en respectant les règles de l’OMC ?

Introduction.

Le développement est un concept ambivalent tant du point du vue de sa signification pour chaque société, chaque culture, que du point de vue de sa mise en œuvre dans les différents secteurs de promotion sociale. Cette confusion qui apparaît au grand jour lors des débats de haut niveau amène à s’interroger sur sa réelle signification. Pour de nombreux États, « le développement est un objectif, mais aussi une croyance » [1].

D’un point de vue philosophique, Aristote voit derrière la recherche du développement, une aspiration à la puissance [2]. C’est ainsi qu’il estime que « la richesse n’est évidemment pas le bien que nous cherchons : c’est seulement une chose utile, un moyen en vue d’une autre » [3], la puissance. La puissance d’une nation s’évalue à une époque donnée par rapport à celle des autres. Elle pourrait prendre une forme économique, militaire, politique, anthropologique, culturelle, etc. Dans le langage courant, « le développement d’un État s’entend comme son enrichissement à long terme et le rehaussement du niveau de vie de sa population » [4]. Toutes les nations aspirent à la richesse, au bien être individuel et collectif [5].

C’est ce premier sens du développement qui nous intéresse ici, même s’il faut relever des critères de plus en plus qualitatifs dans les récentes définitions [6].

En droit, le développement est classé parmi les droits de l’homme de troisième génération [7]. En tant que droit de l’homme, le droit au développement doit être distingué du droit du développement qui est l’ensemble des mécanismes par lesquels l’impératif du développement s’incarne dans le droit positif. Le droit du développement serait l’ensemble des mécanismes qui permettent de mettre en œuvre le droit au développement.

Quant aux changements climatiques, il faut entendre « des changements de climat qui sont attribués directement ou indirectement à une activité humaine altérant la composition de l’atmosphère mondiale et qui viennent s’ajouter à la variabilité naturelle du climat observée au cours de périodes comparables » [8]. Ces changements, mettant en péril l’existence même de certaines sociétés et cultures sont aujourd’hui plus que jamais des problématiques d’une urgence absolue.

Ce faisant, l’actualité ne cesse de nous présenter des catastrophes naturelles, en nous rappelant, sous diverses formes, la nécessité de protéger l’environnement entendu comme « l’espace où vivent les êtres humains et dont dépend la qualité de leur vie et de leur santé, y compris pour les générations à venir » [9]. D’ailleurs, le droit à l’environnement fait également partie des droits de l’homme dits de troisième génération, au même titre que le droit au développement.

Le 17 février 2022, la Commission européenne (CE) a présenté un projet de règlement [10] visant à fermer le marché européen aux produits issus de la déforestation, entendue comme l’« action de détruire des forêts » [11].

Ces produits sont entre autres le soja, le bois, le cacao, le café, l’huile de palme, le bœuf, ainsi que certains produits dérivés comme le cuir et l’ameublement. Ce projet de texte laisse entendre que ne seront plus commercialisés dans l’espace européen ni la matière première, ni les produits finis qui ont pour origine la déforestation d’une quelconque partie géographique du monde.

Avant tout commentaire, on se souviendra que lors des COPs et Sommets sur la terre, l’environnement et le développement durable, les plus grands pollueurs du monde ont chaque fois réitéré leur ferme volonté de réduire significativement leurs actions nocives. On remarque qu’aujourd’hui que ces éléments de langage demeurent un univers discursif qui manifeste une perpétuelle fuite en avant. N’y a-t-il pas alors lieu de s’interroger sur l’applicabilité de ce projet européen lorsqu’on sait qu’il se concocte dans la même cuisine ?

Selon M. Virginijus Sinkevičius, Commissaire à l’Environnement de l’Union européenne, cette décision vise à mettre fin à la déforestation. Il estime que « si l’Union européenne ne participe pas directement au phénomène dans ses frontières, elle y contribue largement à l’échelle mondiale en étant, après la Chine, le deuxième importateur mondial de déforestation par sa consommation de soja, de bœuf ou encore de cacao ». Il ajoute que

« si nous attendons de nos partenaires qu’ils adoptent des politiques […] environnementales plus ambitieuses, nous devrions cesser nous-mêmes d’exporter les sources de pollution et de soutenir la déforestation » [12].

Pour la mise en œuvre de cette décision, la France en fait l’une des priorités de son mandat à la présidence de l’Union européenne (UE). Concrètement, les opérateurs économiques seront soumis à un devoir de diligence. Techniquement, « ils devront collecter les coordonnées géographiques des terres dont sont issus les produits de base qu’ils mettent sur le marché, afin de s’assurer qu’ils ne proviennent pas de terres déboisées après décembre 2020 » [13]. Cela va permettre à la Commission européenne d’exercer un contrôle sur la valeur écologique des produits importés.

Une telle proposition de la Commission semblait tout à fait prévisible. Elle fait suite au règlement (UE) 2020/852 dit « taxonomie » du parlement européen et du conseil du 18 juin 2020 sur l’établissement d’un cadre visant à favoriser les investissements durables et modifiant le règlement (UE) 2019/2088). Cette série de textes entre dans le cadre plus large du Pacte vert pour l’Europe (European Green Deal) qui se veut une stratégie de croissance durable et inclusive pour l’Union européenne. Cette stratégie vise tous les secteurs de l’économie européenne.

Si cette proposition de la Commission semble une victoire des mouvements écologiques, y compris les ONGs et associations de protection de l’environnement, elle cache en réalité des soubassements qui peuvent se résumer en une question fondamentale de fond : c’est le problème du droit au développement à l’épreuve des changements climatiques. Il s’agit d’un problème historique et actuel. Interviewé en marge du Sommet Union européenne-Union africaine [14], le président ivoirien Alassane Dramane Ouattara, s’est insurgé contre cette décision, en accusant « les pays occidentaux - responsables de l’essentiel de la déforestation mondiale depuis la révolution industrielle - de donneurs de leçons d’écologie à l’Afrique » [15], tout en prévenant que son pays pourrait vendre son cacao sur d’autres marchés.

À entendre cette réaction de l’un des pays producteurs des produits potentiellement sous le coup de l’interdiction de circulation dans le marché européen, une question se pose : comment la lutte contre la déforestation par l’Union européenne doit-elle se conjuguer avec le droit au développement de ses partenaires commerciaux ? Cette question nous interroge sur la licéité de cette mesure européenne. Par licéité, nous entendons la conformité de la décision de l’Union européenne au droit international [16].

Nous nous focaliserons sur la licéité de la mesure sous l’angle du droit au développement (en tant que composante du droit international des droits de l’homme) d’une part, et sous l’angle du droit de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) d’autre part. Dans cette optique, la décision de fermeture du marché européen aux produits issus de la déforestation pourrait paraître aux yeux des pays producteurs de ces produits comme peu soucieuse de leur droit au développement (I), mais surtout non nécessaire à l’atteinte des objectifs poursuivis par l’Union (II).

I- Une décision potentiellement peu soucieuse du droit au développement des partenaires commerciaux de l’Union.

La décision européenne de fermer le marché aux produits issus de la déforestation ne semble pas prendre en compte le principe de responsabilités communes, mais différenciées des États en matière environnementale. Cette difficulté aurait pour origine la dialectique développement-environnement dans la relation entre l’Union européenne et ses partenaires commerciaux.

1- La dialectique développement-environnement dans la relation entre l’Union européenne et ses partenaires commerciaux.

Le législateur, aussi bien interne qu’international, aurait réussi le mariage théorique entre droit au développement et protection de l’environnement. Cependant, la pratique révèle une difficile cohabitation à l’intérieur d’un couple aux intérêts visiblement antagoniques, qui veut occuper une même chambre en ayant de rêves différents.

a. Le pseudo-mariage entre droit au développement et protection de l’environnement.

D’un point de vue théorique, le mariage entre droit au développement et protection de l’environnement est une véritable réussite. Il n’a pas été difficile pour le législateur interne ou international de conjuguer le droit au développement avec le droit à l’environnement dans un même instrument juridique. Bien au contraire, il l’a réussi d’une manière qu’on ne pourrait pas envisager un éventuel désaccord à l’intérieur de ce couple.

Cette union est d’abord historique [17] avant d’être reprise dans les instruments de protection des droits de l’homme de l’Union européenne et de l’Union africaine [18].

S’agissant des instruments juridiques auxquels sont parties l’Union européenne et ses partenaires commerciaux (exportateurs de produits forestiers), ils semblent conjuguer le droit au développement avec la protection de l’environnement. L’Accord de Paris sur le climat traduit cette réalité aussi bien dans son préambule que dans son dispositif. Aux termes de l’article 2 de cet Accord, « Le présent Accord, en contribuant à la mise en œuvre de la Convention [Convention-cadre de Nations Unies sur les changements climatiques], notamment de son objectif, vise à renforcer la riposte mondiale à la menace des changements climatiques, dans le contexte du développement durable et de la lutte contre la pauvreté […] » [19].

Outre l’Accord de Paris dont la vocation est essentiellement environnementale, nous avons des accords à dominance économique, en l’occurrence les Accords de partenariat économique (APE) entre l’Union européenne et ses partenaires commerciaux. Au titre de ces Accords, nous avons l’Accord entre l’Union européenne et l’Organisation des États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (OEACP).

Aux termes de l’article 1er alinéa 2 de cet Accord, « le partenariat est centré sur l’objectif de réduction et, à terme d’éradication de la pauvreté, en cohérence avec les objectifs du développement durable et d’une intégration progressive des pays ACP dans l’économie mondiale » [20]. Le troisième alinéa de ce texte prévoit expressément que l’Accord vise à « prendre en compte les composantes politiques, économiques, sociales, culturelles et environnementales du développement » [21].

À côté de ce méga-Accord interrégional (UE-OEACP), pullulent des Accords entre l’UE et des organisations sous-régionales africaines [22] ainsi que des Accords bilatéraux entre l’UE et chacun de ses partenaires commerciaux africains [23]. Tous ces instruments auraient pour dénominateur commun le pseudo-mariage entre droit au développement et protection de l’environnement. Ces différents textes montrent bien la parfaite conjugaison théorique du droit au développement avec la protection de l’environnement. Mais en réalité, ce mariage est loin encore des plus réussis.

b. L’antithèse irréductible entre droit au développement et protection de l’environnement en pratique.

La réaction des pays exportateurs de produits issus de la déforestation à la décision européenne a montré une fois de plus le fossé qu’il y a entre la théorie et la pratique.

Il y a lieu de relever que la Côte d’Ivoire fait partie des pays pauvres, que la réaction du président ivoirien reflète un commun sentiment que nourriraient tous ces pays pauvres. En effet, l’urgence de réduire la dépression climatique en général, lorsqu’elle est appliquée aux pays pauvres crée de facto un sentiment d’injustice chez ceux-ci laissant planer la loi du plus fort. L’Europe a-t-il oublié le processus qui créé le développement des pays dits développés ? Demanderait-on.

Si les instruments juridiques ont habilement réussi à concilier le droit au développement à la protection de l’environnement, le mécanisme peine à fonctionner dans un contexte d’inégal niveau développement entre les pays exportateurs et les pays importateurs de ces produits.

Pendant que les premiers proclament et réclament leur droit au développement et ce, au prix de la déforestation, les seconds semblent avoir atteint un certain niveau économique au point de faire de la protection de l’environnement une priorité. Une sorte de décalage se dessine entre eux. Les pays en développement semblent encore dans l’ère de la croissance économique, tandis que les pays développés sont dans l’ère écologique. En réaction à la décision de l’Union européenne sur la commercialisation des produits de la déforestation, le président ivoirien s’est indigné en ces termes : « si les Européens ne veulent pas acheter le cacao ivoirien, d’autres le feront à leur place » [24]. Pour lui, il n’est pas question d’interdire ou de freiner la commercialisation de ces produits.

Il rappelle d’ailleurs que la croissance économique ne pourrait pas se passer de l’exploitation de la forêt et dénonce le fait que « des pays européens qui, jusqu’à, il y a trente ans, utilisaient le charbon, et ont pollué le monde entier » veuillent donner des leçons d’écologie à l’Afrique. Ce discours plus ou moins réactionnaire révèle le contraste entre pays importateurs et pays exportateurs de matières premières sur les politiques de développement touchant l’environnement.

Cependant, contrairement à ce qu’on pourrait penser, le problème ne se pose pas seulement aux pays en voie de développement. Il se pose également aux pays riches ayant une orientation politique productiviste comme les États-Unis de Trump. On se rappelle en 2017 le retrait de l’administration Trump de l’Accord de Paris sur le climat [25] quand il s’est agi de limiter le réchauffement climatique au détriment de la croissance économique [26].

Qualifiée de « climatosceptiste », l’administration Trump a fait de la sauvegarde des emplois américains une priorité quel que fût le prix. Nous pouvons remarquer qu’à la différence des pays exportateurs des produits forestiers, les États-Unis ont atteint un niveau significatif de croissance économique, sinon l’une des premières puissances économiques du monde. Pourquoi alors la même réaction face à l’urgence climatique ? L’objectif visé par l’administration américaine de l’époque n’était pas un droit au développement mais plutôt un droit au maintien et à la consolidation du développement. Le but était d’assurer et de maintenir la compétitivité de l’économie américaine vis-à-vis des puissances économiques concurrentes.

Dans la réaction ivoirienne à la décision de l’Union européenne de fermer son marché aux produits issus de la déforestation, on peut lire la réclamation d’un droit au développement. La réaction s’appuie sur l’histoire des pays occidentaux (développés) qui, à une époque de l’histoire, ont dû sacrifier l’environnement [27].

C’est le sens de l’affirmation « des pays européens qui, jusqu’à, il y a trente ans, utilisaient le charbon, et ont pollué le monde entier », sus évoquée. Cela nous amène à nous demander s’il existe un seuil de développement qu’il faudrait atteindre avant de faire des préoccupations environnementales une priorité. La première réponse serait affirmative si on se réfère à l’histoire de certains États européens. Mais elle serait négative si on regarde la réaction de certains États dit développés aux accords sur le climat. La réaction de l’administration Trump à l’Accord de Paris en est un exemple.

Comme solution, l’Union européenne pourrait utiliser la technique de l’équilibre des intérêts développée par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). La CEDH ne manque pas de rappeler aux États, qu’à côté de la marge d’appréciation qui leur est reconnue, ils doivent rechercher un équilibre entre les exigences du développement économique et la protection de l’environnement. La recherche de cet équilibre peut jouer soit en faveur du développement économique comme dans l’affaire Flamenbaum et autres c. France [28], soit en faveur de la protection de l’environnement comme dans l’affaire Valico S.R.L c. Italie [29].

Dans la première affaire, les requérants étaient des propriétaires de résidences situées à côté de la forêt Saint-Gatien classée en zone naturelle d’intérêt écologique, faunistique et floristique. Ils se plaignaient des nuisances sonores causées par la décision gouvernementale de prolonger la piste principale de l’aéroport de Deauville. Cette décision a entrainé la destruction de la forêt et par conséquent l’augmentation des coûts d’insonorisation. La Cour a relevé en particulier que « les juridictions internes avaient reconnu le caractère d’utilité publique du projet d’allongement de la piste et a admis que le gouvernement français justifiait en l’espèce d’un but légitime, à savoir le bien-être économique de la région.

Elle a conclu en l’espèce à la non-violation de l’article 8 de la Convention. Compte tenu en effet des mesures prises par les autorités françaises pour limiter l’impact des nuisances sonores pour les riverains, elle a jugé que celles-ci avaient ménagé un juste équilibre entre les intérêts en présence » [30].

Dans la seconde affaire, la société requérante s’était vue infliger une amende pour n’avoir pas respecté les dispositions protégeant le paysage et l’environnement dans la construction d’un immeuble. La Cour a observé que « la mesure litigieuse était prévue par la loi et poursuivait le but légitime de protéger le paysage et d’aménager le territoire d’une manière rationnelle et compatible avec le respect de l’environnement, ce qui correspond à l’intérêt général.

Jugeant qu’en l’espèce, les autorités italiennes avaient ménagé un juste équilibre entre l’intérêt général, d’une part, et le respect du droit de propriété de la société requérante, de l’autre, et que dès lors l’ingérence n’avait pas imposé à l’intéressée une charge excessive de nature à rendre la mesure dénoncée disproportionnée par rapport au but légitime qu’elle poursuivait, la Cour a déclaré irrecevable (manifestement mal fondé) le grief tiré de l’article 1 du Protocole n° 1 » [31].

Cette technique de la CEDH nous inspire dans l’analyse de la décision de l’UE de fermer ses frontières aux produits issus de la déforestation. L’équilibre entre droit au développement et protection de l’environnement ne semble pas avoir été recherché par l’Union européenne. La décision paraît forte. Elle ne serait pas proportionnée à l’objectif poursuivi en ce qu’elle ne prend suffisamment pas en compte le principe de responsabilités communes, mais différenciées des États en matière environnementale.

2- L’application du principe de responsabilités communes, mais différenciées des États en matière environnementale.

Dans son projet de fermeture du marché européen aux produits issus de la déforestation, l’Union européenne ne semble pas avoir pris en compte le sacro-saint principe de responsabilités communes, mais différenciées des États en matière environnementale. Pourtant, au regard de l’efficacité des règles qu’il pose, ce principe pourrait être une piste de sortie de crise pour l’Union et ses partenaires commerciaux.

a - L’étendue du principe de responsabilités communes, mais différenciées des États en matière environnementale.

En droit international de l’environnement, le principe de responsabilités communes, mais différenciées des États en matière environnementale est fondé sur l’idée d’une justice distributive entre pays développés et pays en développement en matière environnementale.

D’un point de vue historique, ce principe serait né en 1964, lors de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) sur l’initiative des pays en développement qui ont souhaité que « des règles nouvelles soient adoptées pour faciliter leur commerce et le financement de leur développement »  [32]. Dix années plus tard, le principe a réapparu à la faveur de l’instauration, dans le cadre des Nations Unies, d’un Nouvel ordre économique international (NOEI) visant « un système économique et social qui corrigera les inégalités et permettra d’éliminer le fossé croissant entre les pays en voie de développement et les pays développés » [33].

Dans la Déclaration de Stockholm du 16 juin 1972, on peut lire la consécration implicite d’un principe de responsabilités communes, mais différenciées. En effet, la déclaration prend en compte la situation et les besoins particuliers des pays en voie de développement et le coût que peut entrainer l’intégration des mesures environnementales dans leur processus de développement [34].

Mais il a fallu attendre la Déclaration de Rio du 14 juin 1992 pour voire une consécration explicite du principe de responsabilités communes, mais différenciées des États en matière environnementale [35].

D’un point de vue juridique, il faut remarquer, dans la formulation du principe, une responsabilité à deux niveaux. Le premier niveau tient à la nature commune des responsabilités. En matière environnementale, la responsabilité des États est avant tout commune. Par « commune », il faut entendre une obligation pour les États de coopérer en vue de conserver, protéger, et rétablir la santé de l’environnement dans toutes ses formes. L’emploi au pluriel du vocable « responsabilités » n’enlève rien à sa nature commune.

Aucun État ne devrait être indifférent face au dommage environnemental subi par un autre État, encore moins en tirer profit. C’est peut-être en cela qu’il faut comprendre la décision de l’Union européenne de fermer son marché aux produits issus de la déforestation car, à en croire le Commissaire à l’Environnement de l’Union européenne, si l’Europe attend de ses partenaires qu’ils adoptent des politiques environnementales plus ambitieuses, elle devra cesser elle-même d’exporter les sources de pollution et de soutenir la déforestation [36].

Le second niveau du principe prône des responsabilités différenciées. Comme une discrimination positive, la différenciation des responsabilités tient compte des moyens dont disposent les pays en voie de développement, leur part de responsabilité dans la déforestation ou la pollution mondiale et leurs besoins de développement. Les pays industrialisés et les pays en développement ne participent pas à la même hauteur au dommage environnemental. L’avènement des marchés carbones [37] traduit davantage cette différenciation de responsabilités. Le principe voudrait donc rétablir in concreto un certain équilibre en matière de responsabilité environnementale. L’Union européenne pourrait donc s’en inspirer afin de revenir à une solution avantageuse pour elle-même, ses partenaires commerciaux et l’environnement.

b- L’application du principe à la relation Union européenne-partenaires commerciaux.

Dans un monde de plus en plus enclin à une compétitivité économique prenant parfois la forme d’une guerre économique, il ne serait pas judicieux pour l’Union européenne de fermer simplement et purement son marché à certains produits pour le simple fait qu’ils proviennent de la déforestation. Même si la décision peut paraître satisfaisante d’un point de vue éthique ou symbolique (« l’exemplarité européenne en matière écologique »), il existe des solutions alternatives moins attentatoires au fonctionnement du marché et surtout au droit au développement des pays partenaires. Ces solutions ont pour base commune le principe de responsabilités communes, mais différenciées des États en matière environnementale.

La première implication du principe de responsabilités communes, mais différenciées des États voudrait que l’Union européenne prenne en compte les réalités de certains États qui, dictée par la nécessité d’assurer la survie des populations à la base, exportent plus qu’ils ne transforment [38].

Aux yeux de ces pays en proie à la pauvreté ambiante, cette triste réalité ne semble pas frémir l’arsenal juridique européen qui non seulement ne co-énonce pas avec eux, mais leur fait une dictée d’écologie. L’appareillage juridique européen gagnerait, dans ce sens, en pragmatisme en faisant émerger ses propositions de solutions avec ses partenaires commerciaux plutôt que de déployer un discours vertical suscitant des frictions chez des partenaires historiques qui se sentent vomis dès lors que l’Europe se sent en mesure de se passer d’eux.

Le principe voudrait que soit prise en compte leur part de responsabilité dans la pollution mondiale [39], mais surtout leur développement économique encore dépendant de la forêt. Et c’est cette forêt qu’il faudrait soigner, en recherchant les moyens nécessaires à son recyclage.

Sans nous attarder sur le processus technique de recyclage des forêts exploitées, nous postulons que les moyens peuvent être aussi bien financiers que techniques. Un suivi local rigoureux s’avère nécessaire. Par ailleurs, comme nous le précisions, il ne va ni de l’intérêt de l’Union européenne, ni de celui de ses partenaires commerciaux, de fermer son marché aux produits issus de la déforestation. Un test de proportionnalité doit être opéré au regard du droit de l’OMC.

II- Une mesure potentiellement injustifiée au regard du droit de l’OMC.

Nous le savons, la libre circulation des marchandises, c’est-à-dire l’interdiction des restrictions quantitatives est l’un des principes fondamentaux de l’OMC [40]. Toutefois, le législateur OMC a pris le soin de prévoir des dérogations à ce principe et ce, à travers des exceptions environnementales. Il convient donc de vérifier si la décision de l’Union européenne, objet de notre analyse, entre dans le champ d’application des exceptions environnementales, avant de nous interroger sur la nécessité d’une telle mesure par rapport à l’objectif poursuivi.

1- Une mesure a priori conforme aux exceptions environnementales du GATT.

Les exceptions environnementales aux principes de l’OMC sont consacrées par l’article XX de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) en ces termes : « Sous réserve que ces mesures ne soient pas appliquées de façon à constituer soit un moyen de discrimination arbitraire ou injustifiable entre les pays où les mêmes conditions existent, soit une restriction déguisée au commerce international, rien dans le présent Accord ne sera interprété comme empêchant l’adoption ou l’application par toute partie contractante des mesures : b) nécessaires à la protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou à la préservation des végétaux ; g) se rapportant à la conservation des ressources naturelles épuisables, si de telles mesures sont appliquées conjointement avec des restrictions à la production ou à la consommation nationales » [41]. Cette disposition contient deux volets.

Le premier volet a trait à la finalité de la mesure litigieuse (art. XX b). Ainsi, la lettre b) prévoit que pour entrer dans le champ d’application des exceptions environnementales, « la mesure doit avoir pour finalité la protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou la préservation des végétaux ».

La décision de l’UE de fermer son marché aux produits issus de la déforestation obéit-elle à cette finalité ? Pour répondre à cette question, la jurisprudence de l’Organe de règlement des différends (l’ORD) de l’OMC nous invite à nous focaliser sur la finalité de la mesure litigieuse. Ainsi, dans l’affaire Essence, qui a opposé le Brésil et le Venezuela aux États-Unis [42], le Groupe spécial a précisé que « la partie invoquant l’article XX b) doit démontrer que la politique dans laquelle s’inscrivent les mesures pour lesquelles l’article XX est invoqué entre dans la catégorie des politiques destinées à protéger la santé et la vie des personnes et que les mesures incompatibles pour lesquelles l’exception est invoquée sont nécessaires pour atteindre l’objectif de ladite politique » [43].

L’interprétation de la finalité de la mesure est avant tout factuelle. À partir du moment où la mesure s’inscrit dans une logique de « protection » de la santé des personnes et des animaux ou de « préservation » des végétaux, le Groupe spécial conclut en l’existence d’un risque, et que par conséquent elle entre dans le champ d’application de l’article XX b) [44]. En l’espèce, la décision de l’Union européenne semble viser cette triple protection. Elle vise en premier lieu la préservation des végétaux dans les pays exportateurs de produits forestiers, et partant, la protection de la vie des personnes et des animaux. Cette solution est confortée par une seconde décision de l’ORD dans laquelle il affirme qu’il n’est pas nécessaire de prouver l’existence d’une certitude scientifique quant aux risques futurs avant de prendre une mesure environnementale [45]. C’est l’application du principe de précaution en matière environnementale [46].

Toutefois, le Rapport du Groupe spécial dans l’affaire Thon I nous permet de relativiser la conformité de la décision européenne aux exceptions environnementales du GATT. Le litige oppose les États-Unis au Mexique au sujet des importations de thon. Les États-Unis dénoncent non pas la qualité du produit, mais le procédé « non-écologique » de la pêche du thon. Ils refusent d’importer le thon mexicain au motif que les techniques utilisées entrainent la mort accidentelle de dauphins, une espèce protégée par la loi américaine [47].

Sur le fondement de l’article XI du GATT, le Mexique estime que contrairement à ce que les États-Unis soutiennent, la règlementation américaine ne vise pas la protection des mammifères marins menacés de disparition, mais constitue une simple restriction quantitative à l’importation. Quant aux États-Unis, ils se fondent sur l’absence de discrimination (art. III.4 du GATT).

Ils soutiennent que l’article III 4) du GATT relatif aux discriminations règlementaires entre des produits similaires n’est pas applicable en l’espèce, le thon importé n’étant pas similaire au thon américain. Ils estiment que le thon importé n’est pas écologique, puisque pêché suivant une technique portant atteinte à une espèce menacée, contrairement au thon américain. Cette affaire pose une question intéressante : les règles commerciales permettent-elles de prendre des mesures visant la méthode de production des produits et non la qualité des produits eux-mêmes ?

En réponse à cette question, le Groupe spécial a estimé que l’article III du GATT vise la similarité des produits et non la similarité des processus de production. Ce faisant, ces derniers n’entrent pas dans les critères d’appréciation de la similarité. Tout en refusant aux États-Unis la possibilité d’invoquer les exceptions environnementales de l’article XX b) et g) du GATT, le Groupe spécial conclut qu’« un État ne peut restreindre le commerce de marchandises résultant d’un processus de fabrication ou de production non écologique » [48].

Cette affaire correspond davantage à la situation de l’Union européenne et ses partenaires commerciaux dans laquelle la mesure porte non pas sur la qualité des produits exportés (cacao, soja, huile de palme, etc.), mais sur la façon de les obtenir, en l’occurrence la déforestation. Même si le Rapport du Groupe spécial dans l’affaire Thon I n’a pas été finalement adopté, il nous permet de conclure qu’il n’est pas exclu d’écarter la décision de l’Union européenne des exceptions environnementales du GATT.

Le second volet de la disposition a trait au caractère épuisable des ressources naturelles (art. XX g). Ainsi, au sens de la lettre g), la mesure doit se rapporter à « la conservation des ressources naturelles épuisables, si de telles mesures sont appliquées conjointement avec des restrictions à la production ou à la consommation nationales ». Pour interpréter le concept de « ressources naturelles épuisables », l’organe d’appel dans l’affaire Crevettes a considéré que « l’article XX g) ne se limite pas à la conservation des ressources naturelles minérales ou non vivantes. Les espèces vivantes, malgré leur caractère, en principe renouvelable peuvent se raréfier, s’épuiser ou disparaitre, bien souvent à cause des activités humaines et entrer dans le champ d’application de cette disposition » [49]. Il s’agit là d’une interprétation évolutive de la notion de « ressources naturelles ». Appliquée à la décision de l’Union européenne de fermer ses frontières aux produits issus de la déforestation, cette interprétation évolutive nous permet de considérer que la forêt constitue une ressource naturelle épuisable.

Outre le caractère épuisable des ressources, la lettre g) parle de « mesures appliquées conjointement avec des restrictions à la production ou à la consommation nationales ». Cette disposition a été interprétée par l’ORD dans une affaire dite Thon II, en ces termes : « si aucune restriction n’est imposée sur les produits similaires d’origine nationale et que toutes les limitations frappent les produits importés uniquement, on ne peut admettre que la mesure est destinée principalement ou même de manière substantielle à la réalisation d’objectifs de conservation.

Il s’agira notamment d’une discrimination manifeste à protéger les produits d’origine locale ». [50]. En l’espèce, la mesure européenne ne semble pas épargner des produits similaires d’origine nationale. D’ailleurs, certains produits interdits comme le cacao ne sont même pas produits à l’intérieur de l’Union. On ne peut donc pas considérer que la mesure européenne est discriminatoire. Pour toutes ces raisons, il convient de conclure que le projet de fermeture du marché européen aux produits issus de la déforestation entre dans le champ d’application des exceptions environnementales du GATT. Toutefois, cette mesure ne semble pas justifiée par rapport à l’objectif poursuivi.

2- Une mesure non nécessaire à l’atteinte des objectifs poursuivis par l’UE.

Une chose est pour une mesure restrictive d’être conforme aux exceptions environnementales du GATT, une autre est pour elle d’être nécessaire à l’objectif poursuivi. L’Organe d’appel dans l’affaire Amiante le précise en ces termes : « l’objectif poursuivi par la mesure est la protection de la vie et de la santé des personnes au moyen de la suppression ou de la réduction des risques pour la santé bien connus et extrêmement graves que présentent les fibres d’amiante. La valeur poursuivie est à la fois vitale et importante au plus haut point. Il ne reste donc plus qu’à savoir s’il existe une autre mesure qui permettrait d’atteindre le même objectif et qui a moins d’effets de restriction des échanges qu’une interdiction » [51].

La nécessité d’une mesure s’apprécie par rapport à l’objectif qu’elle poursuit. Elle doit être appropriée à l’objectif poursuivi sans aller au-delà. Cela signifie que lorsqu’on a le choix entre plusieurs mesures qui permettent toutes d’atteindre un objectif déterminé, c’est la mesure la moins attentatoire aux libertés qu’il faudrait appliquer.

Pour les familiers du droit européen, le test de proportionnalité n’est pas nouveau. La Cour de justice de l’Union européenne ne cesse d’utiliser ce test lorsqu’une règlementation d’un État membre porte atteinte aux grandes libertés défendues par l’Union (libre circulation des marchandises, liberté d’établissement, etc.) [52].

Le droit de l’OMC suit la même logique. Le principe étant l’élimination des entraves à la liberté de commerce, toute mesure restrictive devra obéir au test de proportionnalité ou de nécessité. L’ORD a toujours abordé la notion de « nécessité » par rapport à l’existence d’autre mesures compatibles ou moins incompatibles avec le GATT et permettant d’atteindre le même objectif. Dans l’affaire dite Mesures douanières et fiscales visant les cigarettes en provenance des Philippines, le Groupe spécial de l’ORD a jugé que « les restrictions à l’importation imposées par la Thaïlande ne pouvaient être considérées comme nécessaires au sens de l’article XX b) que s’il n’y avait pas d’autres mesures compatibles ou moins incompatibles, avec l’Accord général, qu’elle pouvait raisonnablement être censée employer pour atteindre les objectifs de sa politique de santé » [53].

Deux conditions se dégagent dans l’appréciation de la nécessité : l’existence d’autres mesures compatibles ou moins incompatibles avec le GATT d’une part, et qui permettent d’atteindre le même objectif de protection d’autre part [54]. Il convient alors de se demander si la fermeture du marché européen aux produits issus de la déforestation obéit à ces deux conditions. Puisqu’en substance, il existe une solution alternative permettant d’atteindre le même objectif, aucune des conditions de la nécessité ne semble remplie. L’Union européenne pourrait explorer le processus de restauration des forêts en vue d’une exploitation durable. Une augmentation du prix des produits issus de la déforestation permettrait de financer le coût de la restauration des forêts. Cette solution permettrait d’atteindre l’objectif que l’Union européenne s’est fixée, la lutte contre la déforestation.

Toutefois, telle que présentée, cette solution (augmentation des prix des produits concernés) peut paraitre administrativement peu raisonnable voire indisponible au sein du Conseil européen à cause de la pression parfois manifeste des lobbys des entreprises concernées [55].

Cependant, comme précise l’ORD dans l’affaire Amiante, « qu’une mesure soit administrativement moins difficile à mettre en œuvre qu’une autre ne signifie pas que cette autre mesure n’est pas raisonnablement disponible. Nous estimons que l’existence d’une mesure raisonnablement disponible doit être appréciée au regard de la réalité économique et administrative du Membre concerné mais aussi en tenant compte du fait qu’un État doit se donner les moyens de ses politiques » [56]. Ce faisant, l’Union européenne est en mesure de mettre en œuvre cette solution qui favoriserait la restauration des forêts exploitées et la poursuite du développement économique. Cela entre dans la promotion des investissements durables que l’Union européenne s’est donnée pour mission.

Conclusion.

Les changements climatiques font aujourd’hui partie des risques globaux au même titre que les risques sanitaires. On l’a d’ailleurs vu avec la pandémie de la Covid-19.

Ce serait une erreur pour les pays en développement de penser qu’il faut d’abord atteindre un certain niveau de croissance économique avant de faire leurs les urgences climatiques. La cause environnementale est loin du luxe. Ce serait mal copier l’histoire des pays développés qui, à une certaine époque ont dû sacrifier l’environnement au nom de la révolution industrielle. D’ailleurs, aujourd’hui, les séries de condamnations de certains États développés pour inaction face aux changements climatiques peuvent en dire davantage. Au titre de ces condamnations, nous pouvons citer l’affaire Urgenda dans laquelle la Cour suprême des Pays-Bas a condamné l’État néerlandais à réduire les émissions de CO2 d’au moins 25% par rapport aux niveaux de référence de 1990 [57].

Cette décision a inspiré les juridictions administratives françaises qui, dans « l’affaire du siècle » ont, pour la première fois, « enjoint à l’État français de réparer les conséquences de sa carence en matière de lutte contre le changement climatique » [58], en ordonnant que « le dépassement du plafond des émissions de gaz à effet de serre fixé par premier budget carbone (2015-2018) soit compensé au 31 décembre 2022, au plus tard » [59].

Après ces ultimatums formulés par les juridictions nationales, ce fut le tour de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) de demander à 33 États européens des comptes sur leurs agissements en faveur du climat [60]. Et le contentieux climatique ne fait que commencer...

Quant à l’Union européenne, elle doit faire preuve de réalisme dans sa décision relative aux produits de la déforestation. Un test de proportionnalité de la décision montre que non seulement elle n’est pas avantageuse pour l’Union européenne, mais qu’elle ne garantit pas l’atteinte des objectifs environnementaux souhaités. Il serait alors souhaitable de revenir à des solutions réparatrices et préventives des dommages environnementaux dans les rapports commerciaux. En effet, même si la décision de fermeture entre en vigueur, elle ne freinerait nécessairement pas le processus de déforestation.

Les partenaires commerciaux de l’Union se tourneront simplement vers d’autres puissances économiques concurrentes. C’est d’ailleurs ce que soutient la présidence ivoirienne à propos du cacao. L’Union perdrait alors sa place de deuxième puissance destinataire de matières premières forestières, ce qui affaiblirait sa compétitivité au niveau mondial. Pour toutes ces raisons, il serait avantageux de « soigner la plaie au lieu de fuir le malade » non seulement pour la survie des entreprises européennes concernées, mais aussi pour la réparation des dommages causés à l’environnement.

Raymond Djolgou Doctorant contractuel en droit international des investissements avec mission d'enseignement Université Paris Cité

[1Sur le développement comme une religion de la modernité, voir : (G.) RIST, The History of Development. From Western Origins to Global Faith, New Delhi, Academic Foundation, 3è, 2009, p. 21.et s, cité par (N.) Monebhurrun, La fonction du développement dans le droit international des investissements, Thèse de doctorat, Université Paris 1-Panthéon Sorbonne, 2013, p. 1.

[2Aristote, Éthique à Nicomaque Paris, Librairie philosophique J. Vrin, 1990, pp. 44-45.

[3Ibid.

[4(N.) Monebhurrun, op. cit. p. 1

[5Les plus riches cherchent à faire fructifier leurs richesses tandis que les plus pauvres cherchent à se hisser au rang des plus riches.

[6Les critères qualitatifs sont entre autres les indices de développement humain et plus généralement le concept très répandu de « développement durable ».

[7Voir Art. 1er du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. À noter que cette catégorisation des droits de l’homme en générations reste purement doctrinale.

[8Art. 1, § 2 de la Convention-cadre des Nations Unies sur les Changements climatiques.

[9CIJ, AC. 8 juillet 1998, Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, § 29.

[11Larousse, Petit Larousse en couleur, Paris, Librairie Larousse, 1980, p. 271.

[12Ibid.

[13Ibid.

[14Le sixième Sommet entre l’Union européenne (UE) et l’Union africaine (UA) s’est tenu à Bruxelles les 17 et 18 février derniers

[16(J.) SALMON (dir.), Dictionnaire de droit international public, Bruxelles, Bruylant, 2001, p. 663

[17Dès 1236, la Charte de Kurukan Fuga, considérée comme la première constitution au monde prévoyait déjà à son article 6 le droit au développement (« droit à la prospérité ») et à ses articles 40, 41 et 42, la protection de l’environnement désigné par le vocable « brousse ». V.https://www.humiliationstudies.org/documents/KaboreLaCharteDeKurukafuga.pdf

[18Voir l’art. 37 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne qui concilie droit au développement et protection de l’environnement ainsi que les articles 22 et 24 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) qui traitent respectivement du droit au développement et du droit à un environnement satisfaisant, propice et global.

[19Art. 2, al.1 de l’Accord de Paris sur le climat, signé le 12 décembre 2015.

[20Art.1 al. 2 de l’Accord de partenariat entre les membres du groupe des États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, d’une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d’autre part, signé à Cotonou le 23 juin 2000.

[21Idem, alinéa 3.

[22Nous avons en guise d’exemple l’Accord de Partenariat économique entre l’UE et les États d’Afrique de l’Ouest du 10 juillet 2014 (https://trade.ec.europa.eu/doclib/docs/2015/october/tradoc_153867.pdf).

[23C’est l’exemple de l’Accord de partenariat économique entre la Côte d’Ivoire et l’UE du 7 octobre 2016 (https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=LEGISSUM:4477357).

[25L’Accord de Paris sur les changements climatiques a été adopté par 196 Parties lors de la COP 21 à Paris, le 12 décembre 2015 et est entré en vigueur le 4 novembre 2016 https://unfccc.int/fr/processus-et-reunions/l-accord-de-paris/l-accord-de-paris

[27Nous faisons référence à la Révolution industrielle du XXVIIIe siècle qui faisait de la croissance économique son cheval de bataille.

[28CEDH, Affaire Flamenbaum et autres c. France, 2012, 001-115143.

[29CEDH, Affaire Valico S.R.L c. Italie, 21 mars 2006, 70074/01.

[30CEDH, Flamenbaum et autres c. France, requête no 3675/04 et 23264/04, 2012. V. aussi Environnement et Convention européenne des droits de l’homme, Fiche thématique de la Cour, p. 22.

[31CEDH, Valico S.r.l. c. Italie (déc.) - 70074/01 Décision 21.3.2006 [Section IV]. V. aussi Environnement et Convention européenne des droits de l’homme, Fiche thématique de la Cour, p. 31.

[32(L.) Rajamani, Differential treatment in international environmental law (Vol. 175), Oxford, Oxford University Press, 2006, p. 33-34.

[33Résolution 3201 (1974) de l’Assemblée générale des Nations Unies.

[34V. dans ce sens les principes 9,10,11,12, 14 et 23 de la Déclaration de Stockholm du 16 juin 1972.

[35Principe 7 de la Déclaration de Rio du 14 juin 1992.

[39Les pays africains par exemple contribueraient à hauteur de 5 à 20% à la pollution atmosphérique mondiale (https://www.notre-planete.info/actualites/3974-pollution-air-GES-Afrique).

[40V. Les articles I, III et XI de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT).

[41Art. XX, lettres b et g du GATT.

[42Dans cette affaire, le Brésil et le Venezuela invoquaient le caractère discriminatoire d’une loi
américaine (La loi sur l’Air de 1963 modifiée en 1990-Clean Air Act) qui autorisait seulement la vente d’une essence présentant un certain degré de propreté dans les régions les plus polluées. Dans les autres régions, l’essence vendue devait être aussi propre qu’elle l’était en 1990

[43Essence, Rapport du Groupe spécial, § 6.20.

[44Ibid.

[45Amiante, Rapport du Groupe spécial, § 8.169. Le litige opposait le Canada à la Communauté européenne à propos d’un décret français de 1996 relatif à l’interdiction de l’amiante. Pour le Canada, ce décret constitue un obstacle technique au commerce et au GATT de 1994.

[46Principe n°15 de la Déclaration de Rio du 30 juin 1992.

[47(S.) Maljean-Dubois (dir.), Droit de l’Organisation mondiale du commerce et protection de l’environnement, Bruxelles, Bruylant, 2003, p. 33.

[48États-Unis - Restrictions à l’importation du thon, affaire dite Thon I, Rapport DS21/R non adopté, distribué le 3 septembre 1991, plainte déposée par le Mexique. Non publié.

[49Crevettes, Rapport de l’Organe d’appel, § 128 ; Aussi (S.) Maljean-Dubois (dir.), op. cit. p. 43.

[50États-Unis - Restrictions à l’importation du thon, affaire dite Thon II, Rapport DS29/R.

[51Amiante, Rapport de l’Organe d’appel, §168.

[52Développé par la jurisprudence de la Cour (Arrêt du 21 février 1973, Continental Can, C- 6/72 ; Arrêt du 20 février 1979, Cassis de Dijon, C- 120/78 ; Arrêt du 10 janvier 1985, Leclerc, C- 229/83 ; Arrêt du 9 mars 1999, Centros, C-212/97 ; etc.), le principe de proportionnalité figure aujourd’hui à l’article 5-4 du Traité sur l’Union européenne en ces termes : « En vertu du principe de proportionnalité, le contenu et la forme de l’action de l’Union n’excèdent pas ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs des traités ».

[53Thaïlande - Restriction à l’importation et taxes intérieures touchant les cigarettes, Rapport du
Groupe spécial du 7 novembre 1990, DS10/R.

[54V. dans le même sens voir affaire Amiante, Rapport du Groupe spécial, § 8.172.

[55Il faut noter qu’à la veille de la décision de l’UE de fermer son marché aux produits issus de la déforestation, nous avons assisté à une baisse du prix du cacao. À ce stade, il ne serait donc pas aisé de proposer l’augmentation des prix, le lobbying des entreprises concernées pouvant constituer un poids significatif dans le processus décisionnel.

[56Amiante - Rapport du Groupe spécial, § 8.207.

[57Suprem Court, La Haye, 20 déc. 2019, aff. n°19/00135. La Cour se fonde principalement sur la violation par les Pays-Bas de ses obligations relatives à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, le Protocole de Kyoto, l’amendement de Doya et les décisions de la COP (Accord de Paris en l’occurrence) afin de déterminer avec précision les objectifs de réduction auxquels s’est fixé l’État néerlandais.

[58TA de Paris, n°1904967, 1904968, 1904972, 1904976/4-1 du 14 janvier 2021.

[59CE, n°394254 du 12 juillet 2017 et CE, n°428409 du 10 juillet 2020.

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