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Le racisme : une circonstance aggravante des crimes et délits. Par Avi Bitton, Avocat et Morgane Jacquet, Juriste.
Parution : vendredi 22 avril 2022
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La motivation raciste est une circonstance aggravant de tous les crimes (meurtre, viol, ...) et délits (violences, vol, ...).
Elle entraine une aggravation des peines de prison encourues.

La loi du 27 janvier 2017 a prévu une aggravation généralisée de tous les crimes et délits, avec une échelle générale d’aggravation des peines privative de liberté, lorsque le caractère raciste de l’infraction est établi.

Désormais, l’article 132-76 du Code pénal dispose que :

« lorsqu’un crime ou un délit est précédé, accompagné ou suivi de propos, écrits, images, objets ou actes de toute nature qui soit portent atteinte à l’honneur ou à la considération de la victime ou d’un groupe de personnes dont fait partie la victime à raison de son appartenance ou de sa non appartenance, vraie ou supposée, à une prétendue race, une ethnie, une nation ou une religion déterminée, soit établissent que les faits ont été commis contre la victime pour l’une de ces raisons, le maximum de la peine privative de liberté encourue est relevé ».

1. Le champ d’application de la circonstance aggravante.

A) Les conditions d’application.

Plusieurs conditions doivent être réunies pour que la circonstance aggravante tenant au caractère raciste d’une infraction soit retenue.

D’une part, il doit s’agir d’un crime ou d’un délit, ce qui exclut l’aggravation des contraventions, sauf texte particulier.

D’autre part, le caractère raciste doit ressortir de façon objective par des éléments extérieurs, c’est-à-dire des « propos écrits, des images, ou actes de tout nature ».

La Cour de cassation a pu par exemple confirmer la caractérisation de la circonstance aggravante tenant au caractère raciste dans l’hypothèse où des propos racistes avaient été tenus avant et après des violences volontaires ayant entraîné une incapacité de travail supérieure à 8 jours [1]. La Cour de cassation a en effet censuré l’abandon de la circonstance aggravante par la chambre de l’instruction alors même qu’elle avait « constaté l’existence de propos racistes tenus par les personnes mises en examen avant et pendant les violences » : la chambre de l’instruction avait relevé des témoignages attestant avoir vu la victime se faire « frapper dans la ruelle alors qu’il était à terre et avoir entendu proférer les termes tiens sale nègre ».

Enfin, la circonstance aggravante tenant au caractère raciste de l’infraction est une circonstance aggravante dite réelle, ce qui signifie qu’elle est liée aux faits constitutifs de l’infraction et non pas à l’auteur de celle-ci. C’est pourquoi la Cour de cassation a pu retenir la caractérisation de cette circonstance aggravante pour l’auteur principal, dès lors que le co-auteur avait proféré des insultes racistes [2].

B) L’exclusion de la circonstance aggravante.

La circonstance aggravante tenant au caractère raciste de l’infraction n’est pas applicable à l’infraction de violences ayant entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à 8 jours ou n’ayant entraîné aucune incapacité de travail.

En effet, l’article 222-13 du Code pénal prévoit déjà une aggravation lorsque les violences sont commises à raison de l’appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, de la victime à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée [3].

Cet article permet ainsi d’appliquer la circonstance aggravante tenant au caractère raciste à des violences qui sont de nature contraventionnelle [4].

À titre d’exemple, la Cour d’appel de Douai, le 13 juin 2007 (n° 06/03288) a condamné un prévenu pour violences volontaires n’ayant pas entraîné d’incapacité totale de travail avec la circonstance que les faits ont été commis à raison de l’appartenance vraie ou supposée de la victime à une ethnie ou une nation déterminée. La cour d’appel a en effet relevé que le prévenu avait reconnu les « faits motivés par les origines maghrébines apparentes » de la victime.

L’article 132-76 du Code pénal n’est pas non plus applicable aux discriminations [5], ni aux infractions de provocations, diffamations et injures discriminatoires prévues par la loi du 29 juillet 1881 [6].

2. Échelle d’aggravation des peines privatives de liberté.

L’article 132-76 du Code pénal apporte des distinctions selon la peine encourue et précise l’aggravation des peines privative de liberté.

Ainsi, le maximum de la peine privative de liberté encourue est porté :
- à la réclusion criminelle à perpétuité lorsque l’infraction est punie de trente ans de réclusion criminelle ;
- à trente ans de réclusion criminelle lorsque l’infraction est punie de vingt ans de réclusion criminelle ;
- à vingt ans de réclusion criminelle lorsque l’infraction est punie de quinze ans de réclusion criminelle ;
- à quinze ans de réclusion criminelle lorsque l’infraction est punie de dix ans d’emprisonnement ;
- à dix ans d’emprisonnement lorsque l’infraction est punie de sept ans d’emprisonnement ;
- à sept ans d’emprisonnement lorsque l’infraction est punie de cinq ans d’emprisonnement ;
- au double lorsque l’infraction est punie de trois ans d’emprisonnement au plus.

La Cour de cassation a par exemple confirmé la condamnation à

« 4 ans d’emprisonnement dont un avec sursis et mise à l’épreuve pour des violences volontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail supérieure à 8 jours avec les circonstances aggravantes, non seulement que les faits ont été commis à l’aide d’une arme par destination et en réunion, mais aussi qu’ils auraient été commis en raison de l’appartenance ou de la non appartenance, vraie ou supposée de la victime, à un ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée » [7].

Avi Bitton, Avocat, et Morgane Jacquet, Juriste Courriel: [->avocat@avibitton.com] Site: [->https://www.avibitton.com]

[1Crim., 25 juin 2013, n°12-84.790.

[2Crim., 16 décembre 2014, n° 14-80.854.

[3Article 222-13 du Code pénal.

[4Article R625-1 du Code pénal.

[5Articles 225-1 et 432-7 du Code pénal.

[6Articles 24, 32 et 33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

[7Crim., 16 décembre 2014, n° 14-80.854.