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La perte du statut de refugié. Par Eric Tigoki, Avocat.
Parution : mardi 12 juillet 2022
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Difficile à obtenir, la perte du bénéfice du statut de réfugié peut cependant laisser subsister des éléments de protection internationale.

Le parcours du demandeur d’asile est semé d’embûches et confine parfois au saut d’obstacles, voire au « parcours du désespoir » [1]. Persécuté ou menacé de l’être dans son pays, il est contraint de prendre la fuite sans être certain de franchir l’autre rive ou d’arriver à bon port : nombreux sont en effet ceux qui périssent au milieu du gué [2].

Il lui faudra parfois attendre plusieurs mois, s’il veut par exemple se prévaloir de l’article 29 du Règlement Dublin III pour déposer sa demande dans le pays de son choix [3].

Encore lui faudra-t-il obtenir un rendez-vous en Préfecture [4], attendre et passer l’entretien à l’Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides (OFPRA) ; attendre et, le cas échéant, former un recours devant la Cour Nationale du Droit d’Asile (CNDA) et s’y présenter [5].

Il aura probablement été confronté au problème des conditions matérielles d’accueil, dont le bénéfice peut être accordé, refusé, retiré ou suspendu, notamment pour refus de l’orientation régionale, refus de coopérer avec les autorités, refus du lieu d’hébergement [6].

Force est à cet égard de souligner la longueur des délais d’instruction, en cas de recours contre les décisions portant privation (refus, retrait, suspension) des conditions matérielles d’accueil, qui mène à la situation où la juridiction administrative statue sur les conditions matérielles d’accueil bien longtemps après que les autorités compétentes l’aient fait sur l’octroi ou non du bénéfice de la protection internationale. C’est ce que souligne Jean-Michel Belorgey :

« Ainsi le parcours du demandeur d’asile s’est-il progressivement transformé en une épreuve dont ne peut sortir vainqueur qu’un petit nombre de lauréats. Pour qu’une personne en quête d’asile soit admise à concourir, il lui faut en effet tout d’abord prendre pied sur le territoire du pays où elle entend le solliciter. Et cela, qui n’a jamais été de soi, va de moins en moins de soi. Les dispositifs se sont multipliés en vue d’empêcher d’éventuels demandeurs d’asile d’accéder au territoire d’éventuels pays d’accueil, et même de quitter celui de leur pays d’origine. Au demandeur d’asile admis sur le territoire d’un pays d’accueil, il faut ensuite accréditer, et c’est là le cœur de l’épreuve, l’existence de persécutions ou de craintes de persécutions justifiant sa démarche. Or, pour qu’il ne soit pas, en vue de relever ce défi, abandonné à son seul talent, il conviendrait que les personnels administratifs ou juridictionnels impliqués dans le filtrage des demandes d’asile, appelés à trier entre le bon grain et l’ivraie, disposent d’une formation en géographie, en géopolitique, en anthropologie, en psychologie, en psychopathologie, et pas seulement en droit, ainsi que d’une formation éthique, à la mesure de la complexité, et souvent de l’étrangeté, pour qui vit dans une démocratie occidentale, des situations dont ils ont à traiter ; d’une indépendance suffisante aussi pour que leur intime conviction se forme librement, et que son éclosion ne soit pas entravée non seulement par des ignorances et des préjugés, mais encore par des directives, notamment par des objectifs statistiques. Nombreux sont hélas les personnels qui ne disposent ni de cette formation, ni de cette indépendance » [7].

Il arrive au final que la demande soit rejetée. Et le bénéfice de la protection internationale, lorsqu’il est accordé, n’est pas définitif : on peut le perdre.

Quels sont les cas de perte du statut de réfugié et ses implications ? Tels sont les deux points qui seront l’un après l’autre abordés.

I- Les cas de perte du statut de refugié.

Il est possible de perdre le statut de réfugié pour différentes raisons, liées à la caducité de la protection, à la fraude ou à l’indignité de l’étranger.

Bien qu’elle relève davantage de la privation ab initio que de la perte, il importe au préalable d’évoquer l’hypothèse du refus du statut.

A- Hypothèse du refus du statut.

1- Le refus peut être opposé à l’étranger, parce qu’il n’appartient à aucune des catégories susceptibles d’en bénéficier. Ce refus procède de l’idée que l’étranger demandeur du statut de réfugié, eu égard notamment à son récit et à ses déclarations, ne satisfait pas aux critères d’inclusion. Relativement à l’inclusion, la reconnaissance du statut de réfugié peut reposer sur différents fondements et viser les situations suivantes.

- l’étranger persécuté dans son pays, qui ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de ce pays. Il doit s’agir de persécutions fondées sur la race, la religion, la nationalité, l’appartenance à un certain groupe social ou sur les opinions politiques. C’est l’asile conventionnel, en référence à la convention de Genève du 28 juillet 1951 [8].

- L’étranger persécuté dans son pays en raison de son action en faveur de la liberté. Il peut s’agir de militants politiques ou de syndicalistes, de journalistes, d’artistes ou d’intellectuels menacés pour leur engagement en faveur de la démocratie dans leur pays. C’est l’asile constitutionnel [9].

- L’étranger qui a obtenu dans son pays la protection du Haut-commissariat des Nations unies, mais ne peut plus y rester [10].

2- Le refus peut ensuite être opposé à l’étranger visé par une clause d’exclusion. Relativement à l’exclusion, des termes de l’article L511-6 du CESEDA, il ressort que le statut de réfugié n’est pas accordé à une personne qui relève de l’une des clauses d’exclusion prévues aux sections D, E ou F de l’article 1er de la convention de Genève du 28 juillet 1951.

Sont tout d’abord visées, les personnes qui bénéficient d’une protection ou d’une assistance de la part d’un organisme ou d’une institution des Nations Unies autre que le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés [11].

Il en va de même de la personne considérée par les autorités compétentes du pays dans lequel elle a établi sa résidence comme ayant les droits et les obligations attachés à la possession de la nationalité de ce pays.

Il en va enfin de même des personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser qu’elles ont commis un acte particulièrement grave : un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l’humanité, au sens des instruments internationaux élaborés pour prévoir des dispositions relatives à ces crimes ; un crime grave de droit commun en dehors du pays d’accueil avant d’y être admises comme réfugiés ; d’agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies [12].

3- S’y ajoute le cas d’un refus consécutif à l’irrecevabilité de la demande. Un étranger peut voir sa demande rejetée pour irrecevabilité sans qu’il soit procédé à son examen au fond. Il en va ainsi lorsque le demandeur bénéficie de manière effective soit d’une protection au titre de l’asile dans un autre pays membre de l’Union européenne, soit du statut de réfugié dans un pays tiers où il est effectivement ré admissible. A ces deux premiers cas, qui renvoient aux règles gouvernant le transfert de protection depuis un Etat membre ou un pays tiers s’en ajoute un troisième : celui des demandes de réexamen qui, après un examen préliminaire mais sans entretien avec le demandeur, ne reposent pas sur des faits ou éléments nouveaux susceptibles d’augmenter de manière significative la probabilité de voir la demande prospérer [13].

Dans tous les cas, la décision est rendue à la suite d’une procédure qui permet de vérifier si les agissements invoqués sont établis et d’examiner s’ils peuvent être qualifiés de persécutions et d’atteintes graves [14].

B- La caducité de la protection.

Elle consacre le principe selon lequel il n’y a pas lieu d’accorder une protection internationale lorsqu’elle n’est plus nécessaire ou justifiée.

La convention de Genève prévoit plusieurs clauses de cessation, au regard desquelles il peut être mis fin au statut de réfugié après qu’il a été accordé. Les unes visent le comportement du réfugié, les autres, les changements survenus dans le pays d’origine ou de provenance.

Caducité liée au comportement du réfugié.

La convention cesse d’abord d’être applicable si un réfugié se réclame volontairement à nouveau de la protection de son pays d’origine. Cela passe par exemple par un acte dit d’allégeance, qui signifie que, par un voyage dans son pays d’origine ou même par des contacts administratifs avec les autorités consulaires installées en France, le réfugié établit ne plus craindre des persécutions.

Encore faut - il souligner que tout contact avec les autorités de l’Etat d’origine ne revient pas à se placer volontairement sous la protection de cet Etat. Trois critères devront être remplis. D’une part, l’absence de contrainte : la prise de contact avec les autorités de l’Etat d’origine devra avoir eu lieu sans contrainte extérieure, autrement dit, indépendamment de la situation du réfugié dans son pays d’accueil et sans intervention de la part des autorités du pays d’origine. D’autre part, l’intention de se placer sous la protection de l’Etat d’origine : le réfugié devra au moins s’être accommodé de la protection offerte par son pays d’origine.

Enfin, l’effectivité de la protection apportée par le pays d’origine : des éléments objectifs devront attester que le réfugié reconnu n’est plus en danger dans son pays d’origine. A noter que l’absence de nouvelles persécutions ne permet pas, en soi, de conclure à l’effectivité de la protection apportée par l’Etat d’origine.

Elle cesse également de l’être lorsque l’étranger recouvre volontairement sa nationalité ou en acquiert une nouvelle.

La convention cesse enfin d’être applicable lorsque l’étranger retourne volontairement s’établir dans le pays où il craignait d’être persécuté. Il arrive cependant qu’en dépit des menaces auxquelles il dit être exposé dans son pays d’origine, un étranger souhaite s’y rendre pour des motifs d’ordre humanitaire tels que le décès ou la maladie grave d’un proche. Il pourra, à titre exceptionnel et pour une courte durée, être autorisé à effectuer ce voyage sans s’exposer de la part de l’OFPRA à un risque de cessation de la protection obtenue. Cette autorisation prend la forme d’un sauf conduit préfectoral [15].

Caducité liée à un changement de circonstances.

La protection internationale est toujours subsidiaire, puisqu’elle se substitue en principe à un Etat défaillant pour protéger ses ressortissants contre les persécutions qu’ils subissent ou peuvent subir. Il s’ensuit qu’elle a vocation à cesser lorsque le bénéficiaire retrouve la protection de son pays d’origine ou de résidence.

Il peut s’agir d’un changement de nature politique qui peut consister en un changement de régime politique dans le pays d’origine, une évolution politique comme la démocratisation d’un régime, l’accession d’un pays à l’indépendance, voire de certaines mesures générales telles qu’une amnistie générale ou la dépénalisation de certaines infractions comme l’homosexualité. Le changement de circonstances doit être suffisamment significatif et durable pour justifier une cessation de protection. Pour la Cour nationale du droit d’asile, cette condition est satisfaite

« si, au regard de la situation individuelle du réfugié, le pays d’origine a effectivement éliminé de manière non-provisoire les facteurs qui ont entrainé la reconnaissance initiale de sa qualité de réfugié par des mesures raisonnables pour empêcher la persécution et qu’il dispose notamment d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner toute violation grave des droits fondamentaux de l’homme qualifiable d’acte de persécution » [16].

C/ L’indignité.

La perte du statut de réfugié peut intervenir lorsque l’étranger s’en est rendu indigne. Cette indignité est liée à différentes situations. L’article L511 -7 du CESEDA [17] dispose que le statut de réfugié est refusé ou il y est mis fin dans les situations suivantes.

Tout d’abord, lorsqu’il y a des raisons sérieuses de considérer que la présence en France de la personne concernée constitue une menace grave pour la sûreté de l’Etat.

Ensuite, lorsque la personne concernée a été condamnée en dernier ressort soit pour un crime, soit pour un délit constituant un acte de terrorisme ou une apologie publique d’un acte de terrorisme ou puni de dix ans d’emprisonnement, et sa présence constitue une menace grave pour la société française. Il est à noter que la condition relative à la menace comporte deux exigences, l’une a trait à sa réalité (la présence de l’intéressé « constitue » une menace ; il ne s’agit pas seulement de possibilité ou de probabilité), l’autre à sa gravité (« une menace grave »). L’on ne saurait donc simplement déduire de l’existence des condamnations celle de la menace.

Il résulte d’une jurisprudence constante du Conseil d’Etat, notamment illustrée par l’arrêt n°440383, du 10 juin 2021, que la première condition posée au 2° de l’article L511-7 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est regardée comme étant remplie lorsque la condamnation en cause a été prononcée par un jugement, rendu par une juridiction statuant en premier ressort, devenu définitif.

En ce qui concerne la menace grave pour la société française, le recours à la notion de menace grave pour la société suppose l’existence, en dehors du trouble pour l’ordre social que constitue toute infraction à la loi, d’une menace réelle, actuelle et suffisamment grave, affectant un intérêt fondamental de cette société. La constatation de l’existence d’une telle menace doit être fondée sur une appréciation, par l’Office, puis, le cas échéant, par la Cour, du comportement personnel de l’intéressé, prenant en considération les éléments sur lesquels la condamnation pénale s’est fondée, tout particulièrement la nature et la gravité des crimes ou des agissements qui lui sont reprochés, le niveau de son implication individuelle dans ceux-ci, ainsi que l’existence éventuelle de motifs d’atténuation de sa responsabilité pénale relevés dans sa condamnation.

Cette appréciation globale doit ensuite déterminer, compte tenu du laps de temps qui s’est écoulé depuis la commission de ces crimes ou agissements, ainsi que du comportement ultérieur adopté par cette personne, si ce comportement manifeste la persistance, chez celle-ci, d’une attitude susceptible de porter gravement atteinte aux intérêts fondamentaux de la société [18].

D/ La fraude.

La perte du statut peut sanctionner l’étranger qui l’a frauduleusement obtenu. Tel est le cas lorsque des indices montrent qu’au moment de la décision initiale le requérant ne répondait pas aux critères d’inclusion de la convention de 1951 ou qu’une clause d’exclusion prévue par cette convention aurait dû lui être appliquée :

« il n’avait pas besoin de la protection internationale parce qu’il bénéficiait de la protection de la part d’un organisme ou d’une institution des Nations Unies autre que le HCR (article 1D de la convention de Genève) ou parce qu’il a été considéré par les autorités compétentes du pays dans lequel il avait établi sa résidence comme ayant des droits et obligations attachés à la possession de la nationalité de ce pays [19] ; il ne méritait pas la protection internationale parce qu’il y avait des raisons de penser qu’il avait commis des actes relevant de l’article 1F de la convention de Genève » [20].

Il a obtenu son statut en faisant de fausses déclarations ou en dissimulant des faits essentiels [21]. Il importe cependant, pour envisager une révocation du statut, que les faits erronés ou dissimulés aient été déterminants dans l’octroi du statut [22]. L’étranger, qui peut donc pour sa défense exciper de la négligence ou de son ignorance, devra avoir trompé délibérément les autorités. La fraude doit être intentionnelle.

II- Les implications.

Lorsque les conditions en sont remplies, l’OFPRA ou la CNDA et le Conseil d’Etat lorsque la décision d’octroi de la protection a été prise par eux, ont compétence pour priver son bénéficiaire, de leur propre initiative ou sur demande du ministère chargé de l’asile, de la protection internationale.

De façon ordinaire, lorsque l’OFPRA envisage de mettre fin au statut de réfugié en application des articles L511-7 ou L511-8 (ou au bénéfice de la protection subsidiaire en application de l’article L512-3), il informe par écrit la personne concernée de l’engagement de cette procédure ainsi que ses motifs [23]. Cette personne est mise à même de présenter par écrit ses observations sur les motifs de nature à faire obstacle à la fin du statut de réfugié (ou du bénéfice de la protection subsidiaire) [24]. La décision de l’OFPRA de mettre fin au statut de réfugié (ou au bénéfice de la protection subsidiaire) est notifiée par écrit à la personne concernée, par tout moyen garantissant la confidentialité et la réception personnelle de cette notification [25].

Elle est motivée en fait et en droit et précise les voies et délais de recours [26].

A -La perte des droits liés au statut de refugié.

Sans le statut, l’étranger se trouve privé de ce qu’il offre. Pour en prendre la mesure, il suffit de rappeler ce qui est associé au statut de réfugié.

1- La décision de reconnaître à un étranger la qualité de réfugié (ou de lui octroyer le bénéfice de la protection subsidiaire) a pour conséquence de le placer sous la protection de l’Etat d’accueil. Il revient à une institution du pays de protection de se substituer aux autorités du pays d’origine pour procurer aux réfugiés les documents nécessaires à l’accomplissement des actes de la vie quotidienne. En France, c’est à l’OFPRA qu’est dévolue cette mission. Il est habilité à délivrer aux réfugiés (et bénéficiaires de la protection subsidiaire ou du statut d’apatride), après enquête s’il y a lieu, les pièces nécessaires pour leur permettre soit d’exécuter les divers actes de la vie civile, soit de faire appliquer les dispositions de la législation interne ou des accords internationaux qui intéressent leur protection, notamment les pièces tenant lieu d’actes d’état civil.

Le directeur général de l’office authentifie les actes et documents qui lui sont soumis. Les actes et documents qu’il établit ont la valeur d’actes authentiques. Ces diverses pièces suppléent à l’absence d’actes et de documents délivrés dans le pays d’origine. Les pièces délivrées par l’office ne sont pas soumises à l’enregistrement ni au droit de timbre [27].

2- Par ailleurs, outre la protection contre le refoulement vers un pays où sa vie serait menacée pour les motifs énoncés notamment par la Convention de Genève, le statut confère plusieurs droits [28].

Droit au séjour.

L’étranger qui a obtenu le statut de réfugié (ou le bénéfice de la protection subsidiaire) se voit délivrer un titre de séjour dans les conditions et selon les modalités prévues au chapitre IV du livre IV du CESEDA. [29].

En vertu de l’article L424-1 du CESEDA, l’étranger auquel la qualité de réfugié a été reconnu en application du livre V se voit délivrer une carte de résident d’une durée de dix ans. Ce droit au séjour bénéficie au conjoint, au partenaire avec lequel il est lié par une union civile, âgé d’au moins dix-huit ans, aux enfants (dans l’année qui suit leur dix-huitième anniversaire), aux parents si l’étranger qui a obtenu le bénéfice de la protection est un mineur non marié [30].

Droit à la réunification familiale.

Le droit à la réunification familiale permet aux membres de la famille d’un réfugié ou du bénéficiaire de la protection subsidiaire de le rejoindre sur le territoire de l’Etat d’accueil, sans toutefois bénéficier eux-mêmes d’une protection internationale. Il suffit aux membres de la famille d’une personne protégée de saisir les autorités consulaires d’une demande de visa long séjour en fournissant les pièces d’état civil justifiant leur lien avec la personne protégée. Après leur arrivée en France sous couvert de ce visa, les membres de la famille obtiendront une carte de résident [31].

Il se distingue du principe de l’unité de famille d’après lequel le conjoint ou concubin d’une personne reconnue refugié, de même que son enfant mineur au moment de son entrée en France, doit se voir reconnaître cette qualité. Il ne bénéficie qu’aux réfugiés. Le Conseil d’Etat a jugé en 1994 que les principes généraux du droit applicables aux réfugiés imposent « en vue d’assurer pleinement au réfugié la protection prévue par la convention » que la même qualité soit reconnue à son conjoint de même nationalité à condition que l’union soit antérieure au départ du pays ainsi qu’à ses enfants mineurs de même nationalité [32]. Le principe de l’unité de famille peut également être invoqué au profit d’un ascendant mais dans des conditions plus restrictives, l’ascendant devant être dans une situation de dépendance à l’égard de la personne reconnue ultérieurement réfugié avant le départ de ce dernier du pays d’origine [33] [34].

Documents de voyage.

A moins que des raisons impérieuses de sécurité nationale ou d’ordre public s’y opposent, l’étranger titulaire d’un titre de séjour en cours de validité auquel la qualité de réfugié a été reconnue en application de l’article L511-1 du CESEDA et qui se trouve toujours sous la protection de l’Office de protection des réfugiés et apatrides peut se voir délivrer un document de voyage dénommé « Titre de voyage pour réfugié » l’autorisant à voyager hors du territoire français.

Ce titre permet à son titulaire de demander à se rendre dans tous les Etats à l’exclusion de celui ou de ceux vis-à-vis desquels ses craintes de persécutions ont été reconnus comme fondés en application du même article L511-1 [35].

Accès aux droits.

L’étranger qui a obtenu le statut de réfugié (ou le bénéfice de le protection subsidiaire) et a signé le contrat d’intégration républicaine bénéficie d’un accompagnement personnalisé pour l’accès à l’emploi et au logement.

A cet effet, l’autorité administrative conclut avec les collectivités territoriales et les autres personnes morales concernées ou participant à cet accompagnement une convention prévoyant les modalités d’organisation de celle-ci [36].

B- La conservation de la protection liée à la qualité de refugié.

Sans le statut de réfugié, l’étranger se trouve en principe privé des droits et protections qui lui sont associés. La réalité semble cependant plus nuancée. Ne serait-ce que parce qu’il peut par exemple se prévaloir de plusieurs autres dispositions et que le départ peut être fait entre le statut de réfugié et la qualité de réfugié [37].

De fait, dans sa décision du 19 juin 2020 [38], le Conseil d’Etat a rappelé que l’article L711-6 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) doit être interprété conformément aux objectifs de la directive 2011/95/UE du 13 décembre 2011 dont il assure la transposition et qui vise à assurer, dans le respect de la convention de Genève du 28 juillet 1951 et du protocole signé à New York le 31 janvier 1967, d’une part, que tous les États membres appliquent des critères communs pour l’identification des personnes nécessitant une protection internationale et, d’autre part, un niveau minimal d’avantages à ces personnes dans tous les États membres.

Il résulte des paragraphes 4 et 5 de l’article 14 de cette directive, tels qu’interprétés par l’arrêt C-391/16, C77/17 et C-78/17 du 14 mai 2019 de la Cour de justice de l’Union européenne, que

« la révocation du statut de réfugié ou le refus d’octroi de ce statut, que leurs dispositions prévoient, ne saurait avoir pour effet de priver de la qualité de réfugié le ressortissant d’un pays tiers ou l’apatride concerné qui remplit les conditions pour se voir reconnaître cette qualité au sens du A de l’article 1er de la convention de Genève ».

En outre, le paragraphe 6 de l’article 14 de cette même directive

« doit être interprété en ce sens que l’Etat membre qui fait usage des facultés prévues à l’article 14, paragraphes 4 et 5, de cette directive, doit accorder au réfugié relevant de l’une des hypothèses visées à ces dernières dispositions et se trouvant sur le territoire dudit Etat membre, à tout le moins, le bénéfice des droits et protections consacrés par la convention de Genève auxquels cet article 14, paragraphe 6, fait expressément référence, en particulier la protection contre le refoulement vers un pays où sa vie ou sa liberté serait menacée, ainsi que des droits prévus par ladite convention dont la jouissance n’exige pas une résidence régulière... » [39].

Ainsi, il lui est par exemple possible d’obtenir un droit au séjour sur d’autres fondements que celui du statut de réfugié. Par ailleurs, l’article L424-6 du CESEDA dispose que la carte de résident ne peut pas être retirée si l’étranger est en situation régulière depuis au moins cinq ans [40].

D’autre part, relativement à une mesure d’éloignement, il lui est possible de faire valoir l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme selon lequel « nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants », voire dans certains cas, l’article 33 de la Convention de Genève selon lequel aucun des Etats contractants n’expulsera, ou ne refoulera, « de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ».

Comme le rappellent Thibaut Fleury Graff et Alexis Marie, « l’éloignement d’une personne n’est en aucun cas la conséquence automatique et nécessaire de son exclusion de la qualité de réfugié ou de la protection subsidiaire ». D’abord, parce que l’étranger peut prétendre demeurer légalement sur le territoire étatique à un autre titre (pour des raisons privées ou familiales, en tant qu’étranger malade…, etc.).

Ensuite, parce que l’influence désormais « déterminante » des droits de l’homme joue ici un rôle fondamental. Les Etats ont l’obligation de ne pas expulser une personne vers un Etat où il y a un motif sérieux de croire qu’elle serait victime de torture, de traitements inhumains ou dégradants ou de disparition forcée. Le caractère absolu du principe de non refoulement tel qu’il est garanti par les instruments internationaux de protection des droits de l’homme « neutralise » ainsi les conséquences de l’exclusion du statut de réfugié.

La protection contre le refoulement qu’offrent ces instruments ne vaut pas titre de séjour. Une personne exclue de toute protection internationale mais non éloignable au titre du droit international des droits de l’homme ne pourra donc pas bénéficier sur le territoire de l’Etat membre sur lequel elle se trouve d’un titre de séjour pérenne. Elle se trouve ainsi dans une « zone grise du droit, à la fois sans titre sur le territoire étatique, mais ne pouvant être éloigné de celui-ci, en une forme d’asile territorial réduit à sa plus simple expression » [41].

Il n’est pas anodin d’être privé du bénéfice du statut de réfugié. Les conséquences doivent cependant être relativisées, dans la mesure où l’étranger concerné peut, dans certaines hypothèses, conserver celui de la protection internationale.

Eric Tigoki Avocat au barreau de Paris - G794

[1Catherine Teitgen - Colly « Le droit d’asile », Paris, PUF, Que sais - je ? 1ère édition, N°4116, p.120.

[2Comme le rappelle Catherine Teitgen - Colly, « Ce sont aujourd’hui des cohortes d’hommes, de femmes et d’enfants qui se pressent partout dans le monde à la recherche d’un lieu d’asile sur les routes surpeuplées de l’exil, animés de la même détresse et meurtris par la même violence, affrontant les dangers souvent ignorés de l’exploitation, de la traite, voire de la mise en esclavage dans des pays de transit, ou d’embarcations de fortune les exposant à la mort, ou encore de la dérive de port en port de navires venus les recueillir dont les noms, Aquarius, Lifeline, font resonner dans les mémoires d’autres tragédies humaines- celles du Saint Louis ou de l’Exodus - que l’on pourrait penser appartenir définitivement à l’histoire » « Le droit d’asile », Paris, PUF, Que sais - je ? 1ère édition, N°4116, p.5.

[3Considéré en fuite pour s’être soustrait à la procédure de transfert, l’étranger pourra déposer sa demande en France après un délai de 18 mois. En effet, aux termes de l’article 29 du règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : « 1. Le transfert du demandeur (….) de l’Etat membre requérant vers l’Etat membre responsable s’effectue conformément au droit national de l’Etat membre requérant, après concertation entre les Etats membres concernés, dès qu’il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l’acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive suer le recours ou la décision lorsque l’effet suspensif est accordé conformément à l’article 27 (…) 2. Si le transfert n’est pas exécuté dans le délai de six mois, l’Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l’Etat membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s’il n’a pas pu être procédé au transfert en raison d’un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite ».

[4Il n’est en effet pas possible de se présenter spontanément auprès des services de la préfecture pour engager ces démarches. Avant toute démarche, le candidat à l’asile doit se rapprocher d’une structure de premier accueil pour demandeurs d’asile (SPADA). La SPADA est prise en charge par des structures associatives qui agissent dans le cadre de marchés publics pour procéder aux formalités de pré enregistrement et accompagner le demandeur dans ses démarches. A cette occasion, l’intéressé renseigne un formulaire électronique. Il est alors formellement enregistré par l’administration. Les associations doivent récolter les informations relatives à l’identité et à la situation familiale du demandeur d’asile, délivrer les quatre photos d’identité qui seront demandées en Préfecture ainsi que la notice d’information élaborée par l’OFII. Elle fixe la date de convocation au guichet unique des demandeurs d’asile (GUDA) à laquelle il faut se rendre afin d’enregistrer sa demande. Celui - ci doit être effectué par la préfecture au plus tard trois jours ouvrés à partir de la présentation à la plateforme d’accueil - ou dix jours lorsqu’un nombre élevé d’étrangers demandent l’asile simultanément (art. L521- 4 du CESEDA). Les services de la préfecture délivrent, une fois la demande enregistrée, l’attestation de demande d’asile, le formulaire de demande d’asile à remettre à l’OFPRA (sauf pour ceux qui relèvent de la procédure dite Dublin), le Guide du demandeurs d’asile ; l’étranger est également informé de la possibilité de prétendre à une admission au séjour à un autre titre que l’asile ; dans le cadre de la création des espaces personnels numériques, une clé de connexion confidentielle est remise à l’étranger. Ce dispositif permet à l’OFPRA de notifier la convocation à l’entretien, sa décision mais aussi d’autres courriers et documents relatifs à l’instruction de la demande d’asile.

[5Hors l’hypothèse d’un rejet du recours par ordonnance, qui exclut la tenue d’une audience. Aux termes de l’article L532 -8 du CESEDA, « le président et les présidents de section, de chambre ou de formation de jugement peuvent, par ordonnance, régler les affaires dont la nature ne justifie pas l’intervention de l’une des formations prévues aux articles L532-6 et L532-7/Les modalités d’application du présent article, notamment les conditions dans lesquelles le président et les présidents de section, de chambre ou de formation de jugement peuvent, après instruction, statuer par ordonnance sur les demandes qui ne présentent aucun élément sérieux susceptible de remettre en cause la décision d’irrecevabilité ou d rejet de l’office français de protection des réfugiés et apatrides, sont fixées par décret en Conseil d’Etat ».

[6La directive du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale vise à harmoniser les conditions matérielles d’accueil des demandeurs d’asile en leur garantissant un niveau de vie digne et des conditions de vie comparables dans l’ensemble des Etats membres de l’Union européenne. Des droits sont accordés au demandeur d’asile, dont le bénéfice est subordonné au respect d’un ensemble d’obligations.

[7« Le droit d’asile » Paris. LGDJ Lextenso. Coll. Systèmes. Pratique. 2ème édition, Juin 2016.p.17.

[8Complétée par le Protocole signé à New York le 31 janvier 1967, encore dit de Bellagio. De fait, la convention de Genève comportait des limites d’ordre temporel et géographique. La portée de la convention était limitée aux personnes devenues des réfugiés par suite d’évènements survenus avant le 1er janvier 1951.Et elle avait permis aux Etats, lors de leur adhésion, d’introduire une déclaration selon laquelle les mots « évènements survenus avant le 1er janvier 1951 » devaient être compris dans le sens d’évènements survenus en Europe avant cette date. Par la suite, avec l’apparition de nouveaux groupes de réfugiés, il s’est avéré de plus en plus nécessaire d’étendre les dispositions de la convention à ces nouveaux réfugiés. C’est la raison pour laquelle un Protocole relatif au statut des réfugiés a été élaboré et présenté à l’Assemblée Générale des Nations unies en 1966.

Par sa résolution 2198 (XXI) du 16 décembre 1966, l’Assemblée a pris acte de ce Protocole et a demandé au Secrétaire Général d’en communiquer le texte aux Etats pour leur permettre d’y adhérer. Le texte authentique du Protocole a été signé par le Président de l’Assemblée Générale et le Secrétaire Général de l’Organisation des Nations Unies à New York, le 31 janvier 1967, avec le dépôt du sixième instrument d’adhésion.

En adhérant au Protocole, les Etats s’engagent à appliquer les dispositions de fond de la convention de 1951 à tous les réfugiés auxquels s’étend la définition du terme « refugié », mais sans limitation de date. « Bien qu’il soit ainsi relié à la convention, le Protocole n’en garde pas moins un caractère propre. Tous les Etats peuvent y adhérer, même ceux qui ne sont pas parties à la convention » UNHCR, « Convention et Protocole relatifs au statut des réfugiés ». Note introductive du Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés. P.6.

[9Le 4ème alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 proclame : « Tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d’asile sur le territoire de la République » /Et aux termes de l’article 53-1 de la Constitution du 4 octobre 1958 : « La République peut conclure avec les Etats européens qui sont liés par des engagements identiques aux siens en matière d’asile et de protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales des accords déterminant leurs compétences respectives pour l’examen pour l’examen des demandes d’asile qui leur sont présentées/Toutefois, même si la demande n’entre pas dans leur compétence en vertu de ces accords, les autorités de la République ont toujours le droit de donner asile à tout étranger persécuté en raison de son action en faveur de la liberté ou qui sollicite la protection de la France pour un autre motif » (Loi constitutionnelle n°93-1256 du 25 novembre 1993) voir V. Tchen « Droit des étrangers », Paris, Lexis Nexis,2020 pp 1286 -1288 ; voir également, pour le commentaire de ces dispositions, G. Carcassonne et M. Guillaume, La Constitution (introduite et commentée par) Paris, Seuil, Essais,15ème édition, 2019, p.275.

[10Le placement sous mandat du HCR est prévu par son statut de 1950 selon des critères identiques à ceux posés par la convention de Genève, à l’exception du motif d’appartenance à un certain groupe social.

[11L’article 1D vise surtout les personnes déjà placées sous la protection de l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche Orient. (United Nations Relief and Works Agency for Palestine, UNRWA.) Il s’agit de toute personne résidant dans un camp de refugié géré par l’UNRWA dans l’un des pays du Proche Orient où cette agence opère - soit environ cinq millions de personnes. Voir Thibaut Fleury Graff et Alexis Marie « Droit de l’asile » Paris, PUF, Droit Fondamental, 2021,2ème édition, p.313.

[12Article 1F de la convention de Genève.

[13Aux termes de l’article L531-2 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « L’office français de protection des réfugiés et apatrides peut prendre une décision d’irrecevabilité écrite et motivée, sans vérifier si les conditions d’octroi de l’asile sont réunies, dans les cas suivants :
1° Lorsque le demandeur bénéficie d’une protection effective au titre de l’asile dans un Etat membre de l’Union européenne ;
2° Lorsque le demandeur bénéficie du statut de réfugié et d’une protection effective dans un Etat tiers et y est effectivement ré admissible ;
3° En cas de demande de réexamen lorsque, à l’issue d’un examen préliminaire effectué selon la procédure définie à l’article L531-42, il apparaît que cette demande ne répond pas aux conditions prévues au même article
 ».

[14La difficulté de l’exercice est résumée par Martine Denis-Linton : « Les éléments susceptibles d’être produits à l’appui d’une demande d’asile sont divers : déclarations, témoignages, courriers d’avocat, d’amis de proches, certificats médicaux faisant état de cicatrices ou de séquelles, documents émanant des services de police et de justice évoquant par exemple des recherches ou des condamnations. Ils peuvent être discutés au cours de l’entretien individuel mené à l’Office et, par la suite, ils sont évalués lors de l’instruction du dossier par le rapporteur et peuvent donner lieu à un questionnement. / L’Office et la Cour sont confrontés à la production de faux documents et de récits stéréotypés qui discrédite souvent la demande. Il leur appartient de déceler la réalité des risques encourus à travers un dossier qui peut être formellement peu documenté et, à l’inverse, d’écarter des pièces en nombre et de bonne facture mais dont le contenu se révèle sans cohérence avec les déclarations faites devant l’Officier de protection ou devant le juge » « Le droit d’asile », Paris, Dalloz, coll. A savoir, 2017, pp128-129.

[15La demande de sauf conduit doit être présentée par le protégé auprès des services de la préfecture de son lieu de résidence, accompagnée de toutes les pièces permettant de la justifier. Le motif présenté par le demandeur doit être humanitaire. Tout autre motif, notamment touristique, commercial ou professionnel n’est pas recevable. C’est au Préfet qu’il revient d’apprécier s’il y a lieu ou non de délivrer le sauf conduit, en fonction d’une part du motif invoqué mais également du niveau de risques encourus en cas de retour dans le pays d’origine.
Rien n’oblige le Préfet à délivrer le sauf conduit qui demeure une tolérance et non un droit. Le sauf conduit est délivré pour une durée maximale de trois mois. Un visa préfectoral de retour y est apposé. La délivrance du sauf conduit est assujettie, conformément à l’article 953 du Code général des impôts, à une taxe de 15 euros. Sa remise est effectuée en échange du titre de séjour et du titre de voyage. Voir L’étude réalisée par le Point de contact français du Réseau européen des migrations (REM) « Les bénéficiaires de la protection internationale qui voyagent dans leur pays d’origine et contactent les autorités de ces pays : défis, politiques et pratiques en France », site Internet, Janvier 2019.

[16CNDA, 25 mai 2018,M.L.,n°17047809 - C+ ; Jean-Michel Belorgey évoque, pour montrer combien il est délicat d’apprécier un tel changement, le livre de François Sureau, « Le chemin des morts » (Paris, Gallimard, 2011). François Sureau se souvient d’un dossier qu’il avait été appelé à traiter au moment du retour de l’Espagne à la démocratie. Celui-ci concernait un militant basque à qui l’OFPRA venait de notifier la cessation de sa protection. François Sureau fait état des observations de l’intéressé, des réponses aux questions à lui posées par la formation de jugement, des prises de position de celle-ci, du verdict et de ses conséquences : « Il a commencé par remercier la France de l’avoir accueilli(…),il s’est réjoui de la chute du franquisme (…), il nous a dit que les polices parallèles étaient toujours actives et qu’il serait très probablement exécuté s’il rentrait en Espagne (….) qu’il ne souhaitait pas, s’il venait à être assassiné, que quiconque se sente responsable de sa mort.(…) » Le recours fut rejeté ; à peine le militant basque avait - il mis les pieds sur le territoire espagnol qu’il fut exécuté.

[17Pris pour la transposition des dispositions précitées du 4 de l’article 14 de la directive du 13 décembre 2011, selon lesquelles « (…) Les États membres peuvent révoquer le statut octroyé à un réfugié par une autorité gouvernementale, administrative, judiciaire ou quasi judiciaire, y mettre fin ou refuser de le renouveler, / a) lorsqu’il existe des motifs raisonnables de le considérer comme une menace pour la sécurité de l’État membre dans lequel il se trouve ; / b) lorsque, ayant été condamné en dernier ressort pour un crime particulièrement grave, il constitue une menace pour la société de cet État membre. / 5. Dans les situations décrites au paragraphe 4, les États membres peuvent décider de ne pas octroyer le statut de réfugié, lorsqu’une telle décision n’a pas encore été prise. / 6. Les personnes auxquelles les paragraphes 4 et 5 s’appliquent ont le droit de jouir des droits prévus aux articles 3, 4, 16, 22, 31, 32 et 33 de la convention de Genève ou de droits analogues, pour autant qu’elles se trouvent dans l’État membre ».

[18CNDA,1er avril 2021, n°20040690 ; CNDA,6 avril 2021, n°19029414 ; CNDA,13 avril 2021, n°19039980.

[19Art.1 E de la convention de Genève.

[20UNHCR section du conseil juridique et de la protection. Département de la protection internationale. : « Note sur l’annulation du statut de réfugié » Genève, 22 novembre 2004.p.6.

[21Autrement dit, il a failli à l’obligation de coopération à laquelle il était tenu. De fait, aux termes de l’article L531-5 du CESEDA : « Il appartient au demandeur de présenter, aussi rapidement que possible, tous les éléments nécessaires pour étayer sa demande d’asile. Ces éléments sont constitués par ses déclarations et par tous les documents dont il dispose concernant son âge, son histoire personnelle, y compris celle de sa famille, son identité, sa ou ses nationalités, ses titres de voyage, les pays ainsi que les lieux où il a résidé auparavant, ses demandes d’asile antérieures, son itinéraire ainsi que les raisons justifiant sa demande./ Il appartient à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides d’évaluer, en coopération avec le demandeur, les éléments pertinents de la demande ».

[22C’est par exemple le cas d’une fausse déclaration de minorité pour bénéficier de l’unité de famille. CE, 6 juin2018, N°408398.

[23Art. L562-1 du CESEDA.

[24Art. L562-2 du CESEDA.

[25Le Service National des Enquêtes Administratives de Sécurité (SNEAS) peut être sollicité./Créé par le décret n°2017-668 du 27 avril 2017 du Premier Ministre, ce service réalise, sous réserve des compétences du commandement spécialisé pour la sécurité nucléaire, des enquêtes administratives destinées à vérifier, au regard de l’objectif de prévention du terrorisme et des atteintes à la sécurité et à l’ordre public et à la sûreté de l’État, que le comportement de personnes physiques ou morales n’est pas incompatible avec l’autorisation d’accès à des sites sensibles ou l’exercice de missions ou fonctions sensibles dont elles sont titulaires ou auxquelles elles prétendent, ou avec l’utilisation de matériels ou produits présentant un caractère dangereux ou avec la délivrance, le renouvellement ou le maintien d’un titre ou d’une autorisation de séjour, ou avec l’acquisition de la nationalité française ou avec la délivrance ou le maintien de la protection internationale.

[26Art.L562-3 du CESEDA/ « Il appartient à la Cour nationale du droit d’asile, qui est saisie d’un recours de plein contentieux, de se prononcer elle-même sur le droit de l’intéressé à la qualité de réfugié ou au bénéfice de la protection subsidiaire d’après l’ensemble des circonstances de fait et de droit qui ressortent du dossier soumis à son examen et des débats à l’audience. Lorsque lui est déférée une décision par laquelle le directeur général de l’OFPRA a, en application de l’article 1er C de la convention de Genève, mis fin au statut de réfugié dont bénéficiait un étranger, et qu’elle juge infondé le motif pour lequel le directeur général de l’OFPRA a décidé de mettre fin à cette protection, il appartient à la Cour de se prononcer sur le droit au maintien de la qualité de réfugié en examinant, au vu du dossier et des débats à l’audience, si l’intéressé relève d’une autre des clauses de cessation énoncées à l’article 1er C de cette convention ou de l’une des situations visées aux 1°, 2° et 3° de l’article L511- 8 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. De même, lorsque la Cour juge fondé le motif de cette cessation, elle doit, avant de prononcer la fin de la protection, vérifier si, au vu des déclarations de l’intéressé et de la situation qui règne dans son pays d’origine, il y a lieu de maintenir une protection internationale pour d’autres raisons que celles pour lesquelles il avait été reconnu réfugié » CNDA, 7 juillet 2022, n° 21030302.

[27Article L121 - 9 du CESEDA.

[28Titre VI du Livre V du CESEDA.

[29Art. L561-1 du CESEDA.

[30L424-3 du CESEDA.

[31Art. L424-3 du CESEDA. Les membres de la famille du bénéficiaire de la protection subsidiaire obtiendront une carte de séjour pluriannuelle d’une durée de quatre ans (art. L424-11), ouvrant droit ensuite à l’obtention d’une carte de résident (art. L424-13 du CESEDA).

[32CE, Ass.2 Dec.1994, Mme A, N°112842.

[33CE,28 juillet 2004, Mme T, N°229053.

[34Le droit à la réunification familiale se distingue du droit au regroupement familial, qui bénéficie aux étrangers séjournant en France à un autre titre que celui conféré par une protection internationale.

[35Il en va de même pour le bénéficiaire de la protection subsidiaire. Sauf qu’ici, le document est dénommé « Titre d’identité et de voyage ».

[36Art. L561-14 du CESEDA.

[37Voir par exemple, A. Kone Les droits du « réfugié sans le statut » : étude de la portée de la révocation ou du refus d’octroi du statut de réfugié à la lumière de la jurisprudence récente du Conseil d’État (CE, 19 juin 2020, n° 416032 - 416121, n° 422740, et n° 425231 Revue des droits de l’homme, Mars 2021.

[38A la suite de l’arrêt en grande chambre de la Cour de justice de l’Union européenne du 14 mai 2019, qui avait été saisie de la question de la compatibilité de l’article 14, § 4 et 5 de la directive 2011/95/UE du 13 décembre 2011, dite « directive qualification », avec, notamment, la Convention de Genève.

[39Conseil d’État, 10ème - 9ème chambres réunies, 19/06/2020, 416032, Publié au recueil Lebon.

[40« Lorsqu’il est mis fin au statut de réfugié par décision définitive de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides ou par décision de justice ou lorsque l’étranger renonce à ce statut, la carte de résident prévue aux articles L424-1 et L424-3 est retirée/ L’autorité administrative statue sur le droit au séjour des intéressés à un autre titre dans un délai fixé par décret en Conseil d’Etat./ La carte de résident ne peut être retirée en application du premier alinéa quand l’étrange est en situation régulière depuis au moins cinq ans » art. L424-6 du CESEDA.

[41Thibaut Fleury Graff et Alexis Marie, Droit d’asile, Op.cit.