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La révocabilité du virement bancaire. Par Salif Ouattara, Avocat.
Parution : mardi 10 janvier 2023
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Oui, le virement bancaire est révocable ; vous pouvez revenir sur votre décision de virer une somme d’argent au profit d’une personne ; vous repentir donc et ce, qu’il s’agisse d’un virement bancaire dit permanent ou d’un virement bancaire dit occasionnel.

Le virement est un transfert de fonds d’un compte bancaire vers un autre.

Il est effectué à l’aide d’un jeu d’écriture au travers duquel le compte du donneur d’ordre - de virement - est débité alors que celui du bénéficiaire est crédité. Le virement bancaire permet de réaliser des paiements ou des libéralités/dons, sans usage d’espèces.

Le virement est un contrat consensuel en ce sens que les parties à l’opération de virement s’accordent sur le contenu de l’opération et ce, sans réaliser de formalités particulières.

Le contenu de l’opération est ainsi encadré par le droit commun des contrats puisque le virement est très rarement visé par des dispositions légales [1].

En principe, le virement suppose que le compte bancaire du donneur d’ordre soit suffisamment provisionné. À défaut, l’opération projetée ne saurait être réalisée sauf si le banquier accorde à son client, le donneur d’ordre, une autorisation de découvert.

Autrefois, la date du virement était celle du jour de l’inscription du crédit au compte du bénéficiaire [2]. Tel n’est plus le cas de nos jours puisque, désormais, la réalisation du paiement résulte de l’inscription, non plus au crédit du compte du bénéficiaire, mais au crédit du compte du banquier de celui-ci [3].

Ainsi, dès que le montant du virement est inscrit au crédit du compte du banquier du bénéficiaire du virement, le paiement est considéré comme étant réalisé.

Cette situation pourrait-elle avoir comme conséquence de rendre le virement irrévocable ?

Le donneur d’ordre aura-t-il un droit de repentir à l’issue de l’émission de cet ordre ?

Cet article vise essentiellement le virement dit « occasionnel », la révocation du virement dit « permanent » étant largement admissible si les conditions en sont remplies.

Le virement occasionnel donc reste révocable s’il est émis pour réaliser un paiement indu au profit du bénéficiaire.

Hormis cette hypothèse, le virement semble révocable jusqu’au jour où les sommes sortent du compte du donneur d’ordre, c’est-à-dire jusqu’à l’inscription du débit de son compte [4], et même au-delà dans la mesure où certaines banques offrent encore la possibilité à leurs clients de révoquer l’ordre de virement émis pendant un laps de temps (de 12 à 24h à peu près en tenant compte du caractère ouvrable du jour de l’opération) quand bien même l’inscription au débit du compte aura été faite. Ainsi, l’on pourrait lire un message suivant, une fois le virement réalisé : « ce virement est annulable jusqu’au date, à heure ».

Ce qui confirme le caractère révocable du virement bancaire.

Toutefois, le virement ne saurait vraisemblablement être révoqué, hormis l’hypothèse du paiement indu, s’il a été réalisé par un donneur d’ordre ayant expressément opté pour une réalisation immédiate de l’opération ; ce qui se retrouve couramment dans la pratique bancaire et largement admissible en raison des besoins de la clientèle.

En toute hypothèse, le banquier doit effectuer certaines vérifications à l’occasion de l’opération de virement avant d’y procéder. Il doit également s’assurer de l’authenticité de l’ordre de virement. Pour ce faire, le banquier doit contrôler la signature, physique ou électronique, du donneur d’ordre ainsi que les pouvoirs de ce dernier [5].

En raison de ce devoir de vigilance ainsi, la banquier doit être en mesure de détecter les anomalies apparentes, telles que les erreurs de syntaxe, les virements revêtant un caractère inhabituel en raison de certaines circonstances - montant élevé, qualité du bénéficiaire, etc... [6].

Les vérifications avant la réalisation de l’opération ne sont pas la mission de la seule banque du donneur d’ordre ; celle du bénéficiaire doit également y procéder, en vérifiant notamment le nom de ce même bénéficiaire. La faute du banquier du bénéficiaire en cette matière engage sa responsabilité à l’égard de celui-ci mais également à l’endroit du donneur d’ordre [7].

Le banquier, en sa qualité de dépositaire des fonds de ses clients est soumis à une obligation de restitution des fonds. Cette obligation ne disparaît guère s’il exécute un ordre qui se révèlerait, par la suite, faux. Il en sera ainsi même si la falsification n’était pas décelable [8]. La responsabilité du banquier sera invoquée sauf s’il démontre une éventuelle faute du titulaire du compte [9], ou l’absence d’un préjudice subi par l’une des personnes intéressées par l’opération.

Cela dit, il revient aux établissements de crédit de faciliter la révocation du virement bancaire dans les cas où cela est admis par la législation en vigueur. A défaut, le donneur d’ordre ou les tierces personnes impactées par l’opération peuvent engager la responsabilité de la banque et, ainsi, demander le remboursement de la « somme virée », y compris avec intérêts et éventuellement des dommages et intérêts.

Salif Ouattara Avocat à la Cour Docteur en droit Barreau de Paris

[1Au-delà de l’article L112-6 du Code monétaire et financier.

[2Civ. 16 juin 1931, D. 1931. 410 ; Civ. 1re 23 juin 1993, n° 91-14.472.

[3Com. 8 juillet 2003, n° 99-10.590.

[4Com 26 janvier 1983, D. 1983 IR 469 ; RTD Com 1984 129.

[5Com. 3 janvier 1975, D. 1975. 743, Com. 10 février 1998, n° 96-11.241.

[6Paris, 28 avril 2011, n° 09/21821.

[7Com. 29 janvier 2002, n° 99-16.571.

[8Com. 18 septembre 2012, n°11-10.209 ; Com. 23 avril 2013, n° 12-18.119.

[9Civ. 2e 10 décembre 2009, n° 08-70.299, Com. 31 janvier 2017, n° 15-17.498