Village de la Justice www.village-justice.com |
Prescription d’un médicament aux effets néfastes connus, quelle responsabilité pour l’établissement de santé. Par Caroline Carré-Paupart, Avocat.
|
Parution : mercredi 14 juin 2023
Adresse de l'article original :
https://www.village-justice.com/articles/prescription-medicament-dont-les-effets-nefastes-responsabilite-etablissement,46480.html Reproduction interdite sans autorisation de l'auteur. |
La prescription d’un médicament dont les effets néfastes secondaires sont connus, engage la responsabilité de l’établissement de santé, c’est ce principe que vient de consacrer le Conseil d’Etat.
Conseil d’Etat Arrêt du 27 avril 2023 (n°460136).
Madame C. a accouché le 16 mai 2009, au Centre Hospitalier Universitaire de Pointe à Pitre, d’une petite fille née prématurément. Le nourrisson a été hospitalisé en soins intensifs et placé sous antibiothérapie en raison du caractère inexpliqué de sa prématurité. A cet effet, de la ranitidine, médicament appartenant à la classe des anti-histaminiques, antisécrétoire gastrique, lui a été prescrite du 17 au 29 mai 2009.
Dans les suites de cette prise médicamenteuse, le bébé a présenté un état de choc sévère, du fait d’une entérocolite ulcéro-nécrosante de grade IV, nécessitant un transfert en réanimation. Consécutivement à cette prise en charge, l’enfant reste atteint de troubles neurologiques graves.
Eu égard aux séquelles de la petite fille, handicapée à 80% et qui présente une infirmité motrice cérébrale, ses parents ont recherché la responsabilité de l’Etablissement de santé devant le Tribunal Administratif de la Guadeloupe. L’ONIAM a également été attrait à la cause.
Deux manquements ont principalement été reprochés à l’Hôpital :
Les parents de l’enfant ont sollicité devant le Tribunal Administratif de Pointe à Pitre une indemnisation corporelle à hauteur de 7.195.490,56 euros et de mettre la réparation des préjudices à hauteur de : 80% à la charge du Centre Hospitalier Universitaire de Pointe à Pitre et 20% à la charge de l’ONIAM.
Cette demande indemnitaire se décomposait comme suit :
Le Tribunal Administratif de Pointe à Pitre, de même que la Cour administrative d’appel de Bordeaux ont rejeté globalement leur demande indemnitaire hormis la somme de 2.500 euros.
Les juges d’appel ont écarté la responsabilité de l’Hôpital en retenant :
Ils en concluent que la requête des parents de l’enfant doit être rejetée. Les demandeurs ont décidé de se pourvoir en cassation.
Par cet arrêt du 27 avril 2023 (n°460136), le Conseil d’Etat estime que la cour administrative d’appel a :
En effet, si la dangerosité de la ranitidine pour les bébés prématurés n’était pas établie au moment des faits, il résulte de l’expertise que la seule présence de sang rouge dans les résidus gastriques et les selles dans les deux jours qui ont suivi la naissance, après un accouchement hémorragique, justifiait une analyse de l’hémoglobine.
Ce médicament déconseillé a favorisé l’apparition d’une entérocolite et l’émergence d’un germe pathogène à l’origine d’une surmortalité des nourrissons notoirement connue à l’époque.
Dans ces conditions, l’arrêt est annulé et renvoyé devant la cour administrative d’appel afin qu’il soit statué sur les responsabilités de l’hôpital ainsi que sur une éventuelle prise en charge par la solidarité nationale, au titre d’une perte de chance d’éviter le dommage.
Caroline Carré-Paupart, Avocat Barreau de ParisCet article est protégé par les droits d'auteur pour toute réutilisation ou diffusion, plus d'infos dans nos mentions légales ( https://www.village-justice.com/articles/Mentions-legales,16300.html#droits ).