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Une société peut-elle bénéficier des dispositions du Code de la consommation ? Par Nicolas Richez, Avocat.
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Parution : jeudi 29 juin 2023
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Le Code de la consommation a vocation à protéger les consommateurs et les non professionnels.
Toutefois, en présence de deux professionnels le Code de la consommation a-t-il vocation à s’appliquer ? C’est à cette question qu’à répondu la Cour de cassation dans un arrêt récent en date du 13 avril 2023.
Selon l’article préliminaire du Code de la consommation
« est un consommateur toute personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole ».
Le non professionnel est définit comme « toute personne morale qui n’agit pas à des fins professionnels ».
Enfin, l’article préliminaire du Code de la consommation définit le professionnel comme
« toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui agit à des fins entrant dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, y compris lorsqu’elle agit au nom ou pour le compte d’un autre professionnel ».
C’est donc au regard de ces définitions que les dispositions du Code de la consommation peuvent trouver à s’appliquer en présence d’un contrat conclu entre un professionnel et non professionnel.
En l’occurrence, une pharmacie a été démarchée par téléphone par un agent commercial d’une société de télécommunication afin de proposer un contrat de prestation de téléphonie mobile.
Séduite par la proposition, la pharmacie a accepté que l’agent commercial se déplace le 27 mai 2015 au sein de ses locaux afin de régulariser le contrat prestation de services.
Toutefois, après réflexion, la pharmacie a entendu se rétracter.
Par courrier en date du 30 mai 2015, soit trois jours après la signature du contrat, la pharmacie informait la société commerciale de son intention d’exercer son droit de rétractation.
Cette dernière refusa en arguant que le droit de rétractation ne s’appliquait pas entre deux sociétés.
S’estimant ainsi bien fondée à obtenir paiement du contrat conclu le 27 mai 2015, la société de télécommunication a saisi le Tribunal de commerce aux fins d’obtenir une ordonnance en injonction de payer à l’encontre de la pharmacie.
La cour d’appel confirmant la décision du Tribunal de commerce tout en rappelant que le contrat litigieux avait « été passé entre deux sociétés commerciales pour les besoins de l’activité professionnelle de la pharmacie ».
Partant, la cour d’appel refusa d’appliquer les dispositions du Code de la consommation au motif que le contrat avait été conclu entre deux sociétés.
La pharmacie s’est pourvu en cassation. Selon elle, la cour d’appel aurait dû rechercher si le contrat entrait dans le champ de son activité principale, conformément à l’article L121-16-1 III, devenu l’article 221-3 du Code de la consommation.
Selon l’article 221-3 du Code de la consommation, dans sa version en vigueur depuis le 1er juillet 2016 :
« Les dispositions des sections 2,3,6 du présent chapitre (Obligation d’information précontractuelle, dispositions applicables aux contrats conclus à distance et droit de rétractation en matière de conclus à distance et hors établissement) applicables aux relations entre consommateurs et professionnels, sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l’objet de ces contrats n’entre pas dans le champ de l’activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq ».
Au visa de l’article L121-16-1 III, devenu l’article L221-3 du Code de la consommation la Cour de cassation censure les juges du fond et rappelle, dans son arrêt en date du 13 avril 2023, que :
« les dispositions relatives aux contrats hors établissements applicables aux relations entre consommateurs et professionnels s’étendaient aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels à condition que l’objet de ces contrats n’entre pas dans le champ d’activité principal du professionnel sollicité ».
En conséquence, la Cour suprême rappelle qu’en présence de deux sociétés ou de deux professionnels, les juges du fond doivent rechercher si le contrat entre dans le champ de l’activité principale du contractant, peu importe que celle-ci ait été exploitée sous la forme d’une société commerciale ou civile.
Cette décision favorable aux sociétés selon certaines conditions s’inscrit dans la continuité des deux arrêts rendus le 31 août 2022 par la Première Chambre civile de la Cour de cassation.
Aux termes de la première décision, la Cour de cassation avait censuré les juges du fond après avoir précisé que la notion de « professionnel » était une notion fonctionnelle qui impliquait d’apprécier si le rapport contractuel s’inscrivait dans le cadre des activités auxquelles une personne se livre à titre professionnel.
Au regard de ces éléments, la Cour de cassation avait donc considéré qu’un médecin ayant conclu un contrat d’hébergement avec un hôtelier afin de participer à un congrès médical pouvait bénéficiait des dispositions du Code de la consommation relatives aux clauses abusives.
La seconde décision rendue le 31 août 2022 portait davantage sur la question de savoir si une société pouvait bénéficier des dispositions du Code de la consommation relatives au droit à l’information en matière de rétractation avant et après la conclusion d’un contrat hors établissement.
En l’espèce,
« le preneur faisait grief à l’arrêt de le condamner à payer au bailleur diverses sommes et de rejeter sa demande reconventionnelle en annulation du contrat de location, alors que dans les contrats conclus à distance et hors établissement, le consommateur bénéficie d’un droit de rétractation d’ordre public qui lui est ouvert par les dispositions impératives des articles L121-16-1 et suivants, devenus les articles L221-18 et suivants du Code de la consommation dont la violation est sanctionnée par une nullité relative ; qu’en affirmant, pour rejeter la demande d’annulation du contrat de location, que les articles L121-16-1 et suivants du Code de la consommation ouvrent au contractant client, une faculté de rétractation de quatorze jours, délai prolongé de douze mois lorsque les informations relatives au droit de rétractation n’ont pas été fournies au consommateur, la cour d’appel a violé les dispositions précitées, ensemble l’article 6 du Code civil ».
La Cour suprême suit le raisonnement du preneur et rappelle deux éléments importants :
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Cher Maître
Je vous remercie cela répond à la question que je me posais.
C’est juste dommage que les sources manquent, ça serait bien si vous pouviez les citer.
Cordialement
Véronique GARRY
Bonjour Madame,
merci pour votre commentaire.
Voici les références de l’arrêt en question : 13 avril 2023
Cour de cassation Pourvoi n° 21-23.312
Cordialement
Nicolas RICHEZ
Bonjour,
Cet article m’a beaucoup aidé.
Cependant, est-ce que cela signifie que dans des CGV (où le client est une personne morale), il faut désormais indiquer un délai de rétractation ? En effet, dans le cadre d’une vente entre entreprises, cela n’est (n’était) pas obligatoire ; mais si le client veut se prévaloir d’une disposition du Code de la consommation, il peut potentiellement arguer du fait qu’il est un ’non-professionnel’...
Merci pour votre réponse.