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La location saisonnière : les nouvelles règles applicables. Par Charles Bohbot, Avocat.
Parution : mardi 4 juillet 2023
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Depuis plusieurs années, les plateformes de location saisonnière type Airbnb sur lesquelles les propriétaires d’appartements ou de maisons mettent leur bien à la location à visée touristique, rencontrent un franc succès.
Ce succès risque de s’aggraver pendant la période des Jeux Olympiques : plus de 15 millions de touristes sont attendus.

Lors de la dernière conférence de la CNEC du 23 juin 2023, le professeur Hugues Perinet-Marquet a introduit le sujet en évoquant ce tourisme de masse et un exemple frappant : les valises à roulettes interdites à Dubrovnik en Croatie cet été.

En France pour encadrer cette activité l’arsenal vient tant des règles d’urbanisme, de la copropriété ou des troubles anormaux de voisinage.

Le règlement de copropriété peut-il interdire les locations saisonnières ?

L’article 9 de la ladite loi dispose que chaque copropriétaire use et jouit librement des parties privatives sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l’immeuble.

La destination des lieux donnée dans le règlement de copropriété doit donc impérativement être respectée par les copropriétaires. A défaut, le syndicat des copropriétaires à la possibilité d’agir en justice et d’obtenir une cessation sous astreinte de l’activité contraire au règlement de copropriété.

L’activité de location type Airbnb est généralement analysée en jurisprudence comme une activité commerciale.

Ainsi, si le règlement de copropriété contient une clause d’habitation bourgeoise exclusive réservant l’immeuble à l’habitation, les juges pourraient juger que l’activité de location meublée touristique est interdite.

Dans un arrêt du 27 février 2020, la Cour de cassation a par exemple confirmé l’interdiction des locations saisonnières dans une copropriété à destination bourgeoise en raison de la nature commerciale de l’activité [1].

Il a également été jugé que si le règlement de copropriété contient une clause à destination bourgeoise mixte autorisant les activités libérales, alors l’activité de location meublée touristique peut également être sanctionnable car le règlement privilégiait le caractère résidentiel [2].

Enfin, certains règlements peuvent interdire purement et simplement les locations de courte durée. Une telle clause est valable si elle ne contrevient pas à la destination de l’immeuble.

Si l’activité de location type Airbnb est possible au regard des dispositions du règlement de copropriété, il reste que celle-ci doit respecter la tranquillité et les droits des autres copropriétaires conformément à l’article 9 de la loi du 10 juillet 1965 précité et les règles d’urbanisme.

Ainsi, la Cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 11 février 2022, affaire dans laquelle plusieurs copropriétaires d’un immeuble se plaignaient de nuisances diurnes et nocturnes, par les locataires de passage, de jets de déchets dans la cour, de dégradations des parties communes suite à la location régulière de lots par Airbnb, a jugé que, même si la location en meublé touristique n’était pas en soi prohibée au sein de la copropriété, au vu des textes et des termes du règlement de copropriété, il n’en demeurait pas moins que les nuisances, notamment sonores, mais pas seulement, en découlant excédaient manifestement très largement les inconvénients dits « normaux » de voisinage.

Comment utiliser les règles qui ne relèvent pas du droit de la copropriété pour empêcher une location saisonnière ?

Par ailleurs, une infraction pénale est prévue à l’article L631-7-1 alinéa 5 du Code de la construction et de l’habitation :

« Le fait de louer un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile constitue un changement d’usage ».

En cas de, la location illégale, le propriétaire s’expose à une peine d’emprisonnement et à une amende de 50.000 euros mais aussi à un contrôle fiscal renforcé : les plateformes sont tenues de transmettre le montant des revenus générés par leurs utilisateurs par leur intermédiaire à l’administration fiscale.

En conséquence, le syndicat des copropriétaires est parfaitement fondé à agir en justice en vue de la cessation des troubles causés par cette pratique au sein de la copropriété.

Par ailleurs, les règles d’urbanisme, du Code de la construction et de l’habitation et du tourismes peuvent être utilisés par le syndic dans le cadre d’une campagne d’information et le cas échéant de dénonciation si ces règles ne sont pas respectées.

Pour rappel, en 2018, la Cour de cassation a renvoyé à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) une question préjudicielle relative au dispositif d’encadrement des locations en meublés touristiques [4].

Les collectivités à l’instar de la ville de Paris peuvent décider de soumettre à autorisation la transformation d’un local commercial en meublé touristique. La ville de Paris interdit dans les linéaires commerciaux et aussi quand il y a des nuisances possibles et dans les secteurs de grande densité du meublé touristique.

Une réglementation plus stricte est-elle en cours d’adoption ?

Enfin, une proposition de loi de transpartisane vise à « réguler » l’activité de location saisonnière :

Peut-être en raison de l’arrivée prochaine des Jeux olympiques ou en raison de son caractère inabouti, cette proposition n’est plus à l’ordre du jour, ce qui a provoque des réactions politiques diverses...

Enfin, il a été annoncé par le Ministre de l’économie un durcissement de la fiscalité applicable aux locations saisonnières : ces meublés touristiques bénéficient d’un abattement forfaitaire de 71%, beaucoup plus que les meublés classiques et les locations vides. Une proposition de loi qui devait être examinée mi-juin à l’Assemblée nationale a néanmoins été reportée.

Recommandations.

Le syndic en qualité de représentant du syndicat des copropriétaires afin d’agir à l’encontre du propriétaire du lot dans lequel est exercé la location saisonnière peut se faire accompagner par un avocat afin :

Maître Charles Bohbot, Avocat au Barreau de Compiègne Cabinet BJA Avocats

[1Cour de Cassation 27 février 2020 n°18-14308.

[2Cour d’appel d’Aix en Provence 23 juin 2022 n°21-10914.

[3Civ. 3e, 18 févr. 2021, FP-PR, n° 17-26.156 ; Civ. 3e, 18 févr. 2021, FP-P, n° 19-11.462 ; Civ. 3e, 18 févr. 2021, FP-P, n° 19-13.191.

[4Civ. 3e, 15 nov. 2018, nos 17-26.156 et 17-26.158.

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