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La procédure de changement de prénom. Par Gauthier Lecocq, Avocat.
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Parution : jeudi 10 août 2023
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La procédure du changement de prénom est prévue au sein des dispositions de l’article 60 du Code civil et celles des articles 1055-2 à 1055-4 du Code de procédure civile.
La procédure est détaillée au sein des circulaires du 17 février 2017 et du 10 mai 2017 de présentation de l’article 56, I de la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 dite de modernisation de la justice du XXIème siècle.
Rappel des règles régissant cette procédure.
Aux termes de l’article 60 du Code civil :
« Toute personne peut demander à l’officier de l’état civil à changer de prénom. La demande est remise à l’officier de l’état civil du lieu de résidence ou du lieu où l’acte de naissance a été dressé. S’il s’agit d’un mineur, la demande est remise par son représentant légal. L’adjonction, la suppression ou la modification de l’ordre des prénoms peut également être demandée.
Si l’enfant est âgé de plus de treize ans, son consentement personnel est requis.
La décision de changement de prénom est inscrite sur le registre de l’état civil.
S’il estime que la demande ne revêt pas un intérêt légitime, en particulier lorsqu’elle est contraire à l’intérêt de l’enfant ou aux droits des tiers à voir protéger leur nom de famille, l’officier de l’état civil saisit sans délai le procureur de la République. Il en informe le demandeur. Si le procureur de la République s’oppose à ce changement, le demandeur, ou son représentant légal, peut alors saisir le juge aux affaires familiales ».
La demande de changement de prénom tend à la modification, l’adjonction ou la suppression d’un ou plusieurs prénom(s) ainsi qu’à la modification de l’ordre des prénoms.
Elle doit impérativement être remise à l’Officier de l’état civil du lieu de résidence du demandeur ou du lieu où son acte de naissance a été dressé.
Le Service central d’état civil du ministère des Affaires Étrangères est toutefois compétent pour les actes de naissance qu’il détient et l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) pour les certificats tenant lieu d’acte d’état civil qu’il a établis.
Toute personne peut demander à l’Officier de l’état civil à changer de prénom.
Si le demandeur est un enfant mineur, la demande est remise par son représentant légal.
Relevant de la catégorie des actes non-usuels, la demande de changement de prénom doit être formulée par les deux parents exerçant conjointement l’autorité parentale à l’égard de l’enfant commun.
En cas de désaccord entre les parents, le Juge des tutelles peut être saisi dans le but d’autoriser le dépôt d’une demande de changement de prénom du mineur conformément aux dispositions de l’article 387 du Code civil.
Attention ! Le parent qui ne dispose pas de l’exercice de l’autorité parentale doit en tout état de cause être informé de la demande de changement de prénom présentée par le parent ayant l’exercice exclusif de l’autorité parentale.
Le parent en question conserve en effet le droit de surveiller l’éducation et l’entretien de l’enfant.
Lorsque l’enfant est âgé de plus de 13 ans, son consentement personnel est requis.
Sa présence est préconisée lors du dépôt de la requête.
Si le demandeur est un majeur sous tutelle, le tuteur est le représentant légal du majeur sous tutelle.
La demande de changement de prénom constitue un acte personnel auquel le majeur sous tutelle doit consentir personnellement.
La présence du tuteur est requise pour formaliser ladite demande.
Attention ! Depuis le 1er juillet 2022, l’article 4 de la loi n° 2022-301 du 2 mars 2022 relative au choix du nom issu de la filiation a supprimé la représentation par le tuteur pour le changement de prénom d’une personne placée sous tutelle.
Ainsi, les demandes de changement de prénom effectuées par un majeur placé sous sauvegarde de justice, sous curatelle, sous tutelle ou à l’égard duquel une habilitation familiale a été délivrée peuvent valablement l’être par le seul majeur protégé.
À l’appui de sa requête, le demandeur doit remettre à l’Officier de l’état civil les pièces justificatives suivantes :
L’Officier de l’état civil saisi doit apprécier la demande au regard du seul intérêt légitime de la personne concernée.
La Jurisprudence a reconnu l’existence d’un intérêt légitime de changement de prénom dans les cas suivants :
A contrario, l’intérêt légitime n’est pas reconnu dans les cas suivants :
Lorsque la demande de changement de prénom implique un mineur ou un majeur sous tutelle, il conviendra de produire les pièces complémentaires suivantes :
La décision de l’Officier de l’état civil devra être communiquée au demandeur ou à son/ses représentants légal/légaux dans un délai raisonnable.
S’il estime que la demande ne revêt pas un intérêt légitime, l’Officier de l’état civil saisit sans délai le procureur de la République.
Il doit en informer le demandeur.
Le procureur de la République examine toutes les pièces communiquées, et notamment celles justifiant de l’intérêt légitime, afin d’apprécier la demande de changement de prénom déposée.
Appréciant de façon in concreto le dossier communiqué par l’Officier de l’état civil, le procureur de la République peut :
La demande de changement de prénom ne peut être portée devant le Juge aux affaires familiales qu’à la suite de la notification de la décision d’opposition au changement dudit prénom émanant du procureur de la République.
Le Juge aux affaires familiales compétent est celui dans le ressort duquel se trouve le procureur de la République ayant rendu une décision de refus de changement de prénom.
Le Juge aux affaires familiales près le Tribunal Judiciaire de Nantes est compétent pour connaître des décisions de refus du procureur de la République de Nantes concernant les demandes de changement de prénom formulées par les personnes dont les actes de naissance sont détenus par le Service central d’état civil du ministère des Affaires Étrangères.
Le Juge aux affaires familiales près le Tribunal Judiciaire de Paris est compétent pour connaître des décisions de refus du procureur de la République de Paris concernant les demandes de changement de prénom formulées par les personnes réfugiées statutaires, apatrides ou bénéficiaires de la protection subsidiaire disposant de certificats tenant lieu d’actes de naissance délivrés par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA).
Les titulaires de l’action sont identiques à ceux intervenant dans le cadre de la phase administrative devant l’Officier de l’état civil.
La procédure obéit aux règles de la procédure contentieuse applicable devant le tribunal judiciaire.
La demande est formée par voie d’assignation à l’encontre du procureur de la République.
La représentation par un avocat est obligatoire.
À l’instar de l’Officier de l’état civil et du procureur de la République, le Juge aux affaires familiales apprécie également l’existence de l’intérêt légitime du demandeur à voir prononcer le changement du prénom.
Les débats se déroulent en chambre du conseil.
La décision est rendue en audience publique.
La décision autorisant le changement de prénom donne lieu à une mention portée en marge de l’acte de naissance du demandeur et, le cas échéant, de celui de son conjoint ou de son partenaire de PACS voire de celui de ses enfants.
Enfin, le dispositif de la décision ordonnant la modification du prénom est transmis sans délai par le procureur de la République à l’Officier de l’état civil dépositaire des actes de l’état civil de l’intéressé en marge desquels est portée la mention de la décision.
Gauthier Lecocq Avocat au barreau de Versailles Cabinet Bariseel-Lecocq & Associés Aarpi Inter-Barreaux[1] Cour d’Appel de Grenoble, 7 décembre 2016, RG n° 15/04604 ; Cour d’Appel de Paris, Pôle 3 - Chambre 5, 6 juin 2023, RG n° 22/15638.
[2] Cass., Civ. 1, du 1er juillet 1980, n°79-12.837 ; Cour d’Appel de Rennes, 6ème chambre A, 25 janvier 2016, RG n°15/01795.
[3] Cour d’Appel de Rouen, 29 juin 2011, RG n°10-04440.
[4] Cour d’Appel de Nîmes, 14 septembre 2011, RG n°10-03159.
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Merci pour la qualité de l’exposé qui éclaire utilement et précisément sur le fond comme sur la procédure de demande de changement de prénom.
Trois observations cependant concernant les majeurs protégés.
Aucun alinéa de l’art 60 c.civ n’exclut le majeur protégé du droit de déposer lui-même et seul sa demande auprès de l’officier d’état civil, sans assistance ni représentation. Les arts 1055-2 et suivants du CPC ne le prévoient pas plus.
Changer de prénom relève de l’intime, cela touche à l’identité, à l’histoire dont chacun est porteur : nul ne peut en décider à la place d’autrui. L’initiative appartient intrinsèquement et exclusivement à l’individu majeur concerné. Le fait de souffrir d’une altération de ses facultés mentales ou corporelles médicalement constatée ayant justifié une mesure de protection juridique n’y change rien et ne modifie pas la nature de l’acte (qui n’est pas une action en justice).
Dès lors, la demande de changement de prénom n’est pas un acte personnel mais apparaît bien plutôt relever « des actes dont la nature implique un consentement strictement personnel » qui ne peuvent « jamais donner lieu à assistance ou représentation de la personne protégée » en application de l’art 458 c.civ.
Le tuteur ne représente que très exceptionnellement le majeur en tutelle dans le domaine des actes relatifs à la protection de sa personne (extra-patrimoniaux) : arts 457-1 à 462 c.civ, .
Les termes « représentant légal » ne s’appliquent désormais plus qu’au mineur ou à une personne morale.
L’ordonnance du 10 mars 2020, qui modifie les dispositions du CSP et du CASF pour ce qui concerne les majeurs protégés, les a totalement fait disparaître de ces législations.
Si l’art 459-1 c.civ les a conservés, c’est une incongruité qui tient à la piètre qualité des incessantes réformes initiées par le ministère de la justice, sans cohérence ni vue d’ensemble, sans « Esprit des lois ». La création d’un délégué interministériel à la protection des majeurs (sollicité de longue date mais en vain par tous les professionnels du champ de la protection juridique des majeurs) permettrait de clarifier, simplifier et améliorer le sort comme le statut juridique des majeurs protégés pour faire cesser les interprétations ostracisantes dont ils sont régulièrement victimes dans leur vie quotidienne.
Corinne CHEMINET, magistrat honoraire
Merci de votre message !
S’agissant de vos trois observations :
1) Effectivement, je vais procéder à la modification de mon article.
Depuis le 1er juillet 2022, l’article 4 de la loi n° 2022-301 du 2 mars 2022 relative au choix du nom issu de la filiation a supprimé la représentation par le tuteur pour le changement de prénom d’une personne sous tutelle.
2) Je suis d’accord avec votre position sur le fond.
Toutefois l’alinéa 2 de l’article 458 du Code civil prévoit que : " Sont réputés strictement personnels la déclaration de naissance d’un enfant, sa reconnaissance, les actes de l’autorité parentale relatifs à la personne d’un enfant, la déclaration du choix ou du changement du nom d’un enfant et le consentement donné à sa propre adoption ou à celle de son enfant."
Ne faut-il pas considérer cette liste comme limitative ?
3) Je ne peux qu’approuver votre point de vue au sujet de la complexification du Droit liée à la multiplication et à l’accumulation des réformes...
Belle journée et au plaisir !
Gauthier LECOCQ