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La procédure d’extradition entre les Émirats Arabes Unis (Dubaï) et la France. Par Avi Bitton, Avocat et Aylen Colin, Juriste.
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Parution : vendredi 8 septembre 2023
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Qu’est-ce que l’extradition ?
Quelles sont les règles applicables aux extraditions entre la France et les Émirats (Dubaï) ?
Quels sont les motifs de refus d’extradition ?
Quels sont les recours contre l’extradition ?
L’extradition est la procédure selon laquelle un Etat, appelé Etat requis, examine la demande qui lui est faite par un autre Etat, appelé Etat requérant, par laquelle celui-ci lui réclame la remise d’une personne qui se trouve sur son territoire pour la juger pour la commission d’un crime ou d’un délit (l’extradition aux fins de jugement), ou pour lui faire exécuter une peine prononcée pour la commission d’un crime ou d’un délit (l’extradition aux fins d’exécution).
En France, le juge judiciaire va jouer un rôle de conseil auprès du gouvernement, qui aura la maîtrise finale d’accepter ou non la remise de la personne demandée.
Depuis la Loi du 15 mars 2018 autorisant l’approbation de la Convention d’extradition signée le 2 mai 2007 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l’Etat des Emirats arabes unis (« la Convention »), le droit applicable pour les procédures d’extradition entre les deux Etats est régi par la Convention susmentionnée.
Dès lors, le droit national (Code pénal et Code de procédure pénale français) ne sera appliqué que subsidiairement.
La procédure d’extradition ne peut être engagée que pour des faits qui, aux termes des législations des deux Etats, constituent des infractions passibles d’une peine privative de liberté d’un maximum ne devant pas être inférieur à deux ans, ou, dans le cas d’une demande d’extradition aux fins d’exécution, dont la durée de la peine restant à exécuter est d’au moins 6 mois [1].
La Convention d’extradition entre la France et les Emirats arabes unis reprend des grands principes applicables en droit de l’extradition.
Par conséquent, on y retrouve les motifs classiques de non-exécution d’une demande d’extradition [2] :
L’appréciation de cette qualification est effectuée par l’Etat requis.
Dès lors, si l’Etat requis, ou un Etat tiers, a déjà jugé définitivement la personne demandée pour les mêmes faits, il pourra refuser de l’extrader vers l’Etat requérant.
S’agissant des peines prononcées dans l’Etat requérant, l’article 8 de la Convention prévoit un motif de refus lorsque l’infraction est punie de la peine capitale.
En revanche, dès lors que l’Etat requérant aura donné des garanties selon lesquelles la personne demandée ne subira pas la peine capitale, alors il ne s’agit plus d’un motif de refus.
Cette clause est également prévue dans les Conventions entre la France et les Etats pratiquant la peine de mort dans leur système judiciaire. Tel est par exemple le cas du Traité entre la France et les Etats-Unis du 23 avril 1996.
Néanmoins, quelques règles spéciales constitutives d’obstacles à l’extradition dans la Convention témoignent des systèmes juridiques des deux Etats et peuvent être révélatrices des négociations qui ont eu lieu :
« Ne sont pas considérées comme des infractions politiques les attentats ou les tentatives d’attentat à la vie d’un Chef d’Etat de l’un des Etats contractants, d’un membre de sa famille, ou des membres du Conseil Suprême de l’Etat des Emirats arabes unis ou de leur famille ».
Le respect de la procédure extraditionnelle est essentiel. À défaut, de nombreuses irrégularités peuvent permettre d’obtenir la nullité d’actes, voire la non-exécution de la demande de l’Etat requérant.
La Convention réglemente les différentes étapes de la procédure extraditionnelle.
D’abord, les autorités compétentes de l’Etat requérant peuvent, en cas d’urgence, demander l’arrestation provisoire de la personne, qui fera ensuite l’objet d’une demande d’extradition [4].
L’arrestation provisoire devra nécessairement prendre fin, si, dans un délai de 40 jours, l’Etat requis n’a pas été saisi de la demande dans les conditions prévues par la Convention.
La formulation de la demande d’extradition doit être faite par voie diplomatique [5], laquelle doit respecter des règles de formes et de fonds [6], doit être rédigée dans la langue officielle de l’Etat requérant et accompagnée d’une traduction dans la langue officielle de l’Etat requis [7].
Ensuite, en cas de décision de remise de la personne, cette dernière devra être reçue dans un délai de 45 jours à compter de la date fixée pour sa remise, à défaut, elle devra être mise en liberté et l’Etat requis pourra, par la suite, refuser son extradition pour les mêmes faits [8].
Lorsque la France est l’Etat requis, les voies de recours ouvertes à la personne demandée sont celles prévues dans le Code de procédure pénale.
D’abord, lors de la phase judiciaire, la demande d’extradition va être examinée par la Chambre de l’instruction. La décision rendue peut être un avis négatif à l’extradition si la cour estime que les conditions légales ne sont pas remplies ou qu’il y a une erreur évidente, ou un avis positif.
Dans le cas d’un avis positif à l’extradition, la personne réclamée pourra se pourvoir en cassation pour contester cette position. Cependant, ce pourvoi ne pourra être fondé que sur des vices de forme de nature à priver l’avis rendu des conditions essentielles de son existence légale [9].
Lorsqu’un avis négatif définitif sur l’extradition est rendu par l’autorité judiciaire, le gouvernement français devra notifier le refus d’extradition au gouvernement de l’Etat requérant [10].
En revanche, lorsqu’un avis positif définitif sur l’extradition est rendu par l’autorité judiciaire, le gouvernement français pourra soit décider de la refuser, soit donner suite à l’extradition. Dans ce cas, une autre voie de recours est ouverte à la personne réclamée.
En effet, l’acte étant un décret du Premier ministre, un recours devant le Conseil d’Etat est ouvert, qui devra être formé dans un délai d’un mois [11]. Le Conseil d’Etat pourra alors rejeter le pourvoi et la personne sera extradée, ou annuler la procédure en cas d’excès de pouvoir.
Les procédures d’extradition entre la France et les Emirats arabes unis sont assez nombreuses.
En effet, plusieurs demandes de la France aux fins de remises de personnes se trouvant sur le territoire des Emirats arabes unis, ont été acceptées par cet Etat.
Tel est le cas de Moufide Bouchidi, arrêté à Dubaï en mars 2021 sur le fondement d’un mandat d’arrêt international émis par la France. Ce dernier avait été condamné in abstentia par la justice française le 22 septembre 2015 à une peine de 20 ans d’emprisonnement et une amende d’un million d’euros pour des faits d’importation, offre ou cession et contrebande de stupéfiants, en récidive légale, ainsi que pour la participation à une association de malfaiteurs constituée en vue de la commission du trafic de stupéfiant.
Inversement, des demandes formulées par les Emirats arabes unis ont aussi été envoyées à la France. Dès lors, la France, Etat requis, a alors dû contrôler le respect des normes extraditionnelles. A titre d’exemple, la Cour de cassation a rendu plusieurs arrêts exigeant des garanties des Emirats arabes unis concernant les individus réclamés qui encouraient une peine contraire à l’ordre public français, telle que l’amputation [12].
Avi Bitton, Avocat au Barreau de Paris Ancien Membre du Conseil de l’Ordre Site: [->https://www.avibitton.com][1] Article 3 de la Convention.
[2] Articles 5, 6 et 7 de la Convention.
[3] Article 5,3° de la Convention.
[4] Article 14 de la Convention.
[5] Article 2 de la Convention.
[6] Article 9 de la Convention.
[7] Article 11 de la Convention.
[8] Article 16 de la Convention.
[9] Article 696-15 CPP.
[10] Article 696-17 CPP.
[11] Article 696-18.
[12] Crim., 27 octobre 2008, n°08-85713.
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