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La contestation du zonage du plan local d’urbanisme. Par Valentin Carreras, Avocat.
Parution : mardi 12 septembre 2023
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L’adoption, la révision ou la modification d’un plan local d’urbanisme communal ou intercommunal conduit souvent l’autorité compétente à modifier le zonage dudit plan et à rendre par conséquent des terrains qui étaient constructibles en terrains non constructibles. Toutefois ce zonage peut être contesté en cas d’erreur manifeste d’appréciation.

Le plan local d’urbanisme classe au sein de son règlement les parcelles suivant différents zonages (I), ce zonage peut toutefois être entaché d’erreur manifeste d’appréciation (II), ouvrant alors la voie à la contestation de celui-ci (III).

I. Les différents types de zonage au sein du plan local d’urbanisme.

Le Code de l’urbanisme prévoit que le règlement du plan local d’urbanisme délimite plusieurs types de zones :

Dans sa partie réglementaire, le Code de l’urbanisme vient définir chacune des zones, ainsi les dispositions des article R151-17 et suivants du Code de l’urbanisme disposent que :

« Peuvent être classés en zone urbaine, les secteurs déjà urbanisés et les secteurs où les équipements publics existants ou en cours de réalisation ont une capacité suffisante pour desservir les constructions à implanter » [3].

« Peuvent être classés en zone à urbaniser les secteurs destinés à être ouverts à l’urbanisation » [4].

« Peuvent être classés en zone agricole les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles » [5].

« Peuvent être classés en zone naturelle et forestière, les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger […] » [6].

Aussi lors de la modification d’un plan local d’urbanisme existant ou lors de l’adoption d’un nouveau plan local d’urbanisme les mairies ou les intercommunalités peuvent décider de modifier le zonage du plan local en classant certains terrains situés en zone urbaine ou à urbaniser en zone naturelle ou agricole.

Ce changement de zonage du plan local d’urbanisme ne sera pas sans conséquence dans la mesure où un terrain qui pouvait initialement accueillir des constructions se verra alors devenir inconstructible.

II. L’existence d’une erreur manifeste d’appréciation.

De longue date le Conseil d’État admet que le juge n’exerce qu’un contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation sur le zonage [7].

La jurisprudence fixe les critères suivants pour juger si les auteurs du plan local d’urbanisme ont commis une erreur manifeste d’appréciation dans l’établissement du zonage :

« Il est de la nature de toute réglementation d’urbanisme de distinguer des zones où les possibilités de construire sont différentes, ainsi que des zones inconstructibles. Il appartient aux auteurs d’un plan local d’urbanisme de déterminer le parti d’aménagement à retenir pour le territoire concerné par ce plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d’avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. Leur appréciation sur ces différents points ne peut être censurée par le juge administratif qu’au cas où elle serait entachée d’une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts » [8] [9].

L’existence d’une erreur manifeste d’appréciation est appréciée de manière concrète par les juridictions qui prennent en compte l’environnement dans lequel se situe la parcelle qui a fait l’objet d’un changement de zonage ainsi que les objectifs fixés par le projet d’aménagement et de développement durable.

A titre d’illustration, la jurisprudence a admis récemment l’erreur manifeste d’appréciation dans l’établissement du zonage d’un PLU dans les cas suivants :

- Le classement en zone naturelle d’une parcelle supportant un espace boisé qui est entourée de maisons disposant d’un chemin d’accès et constituant une dent creuse au sein de l’enveloppe urbaine [10] ;
- Le classement en zone naturelle de parcelles dans un zone dans laquelle le projet d’aménagement et de développement durable prévoit de développer l’urbanisation pour atteindre un objectif d’un certain nombre de logements neufs. Les juges relèvent également que bien que les parcelles soient libres de toute construction, elles sont bordées au sud et à l’ouest par un secteur pavillonnaire classé en zone urbaine [11].

Au contraire la jurisprudence n’admet pas l’erreur manifeste dans l’établissement du zonage d’un PLU quand :

III. Les procédures pour contester le zonage du plan local d’urbanisme.

La procédure pour contester le zonage du plan local d’urbanisme variera en fonction du fait qu’il soit en cours d’élaboration (A) ou qu’il ait déjà été adopté et soit déjà en application (B).

A. Le plan local d’urbanisme est en cours d’élaboration.

Le zonage du plan local d’urbanisme peut être contesté dans le délai de deux mois à compter de son approbation par l’organe délibérant (conseil municipal ou conseil communautaire).

Le requérant devra alors demander l’annulation de la délibération approuvant ce plan local d’urbanisme en tant qu’il classe sa parcelle en zone non constructible. Ainsi, il n’est pas nécessaire de demander l’annulation de la délibération approuvant le plan local d’urbanisme dans son entièreté.

Il conviendra alors pour lui de démontrer l’erreur manifeste d’appréciation dans le classement de sa parcelle.

Un recours gracieux peut également être formé à l’encontre de cette délibération.

B. Le plan local d’urbanisme a déjà été adopté depuis plusieurs mois voire depuis plusieurs années.

Pour obtenir la modification du zonage du plan local d’urbanisme ou du plan local d’urbanisme intercommunal lorsque celui-ci est applicable depuis plusieurs mois alors une demande d’abrogation partielle auprès du maire ou du président du conseil communautaire se révèle nécessaire. Cette demande se fait sur le fondement des dispositions de l’article L243-2 du Code des relations entre le public et l’administration.

Dans l’hypothèse où le zonage du plan local d’urbanisme est illégal, c’est-à-dire que le classement d’une parcelle en zone inconstructible n’a plus lieu d’être, alors le maire est tenu d’inscrire à l’ordre du jour du conseil délibérant la question de l’abrogation du plan local d’urbanisme. En effet, seul le conseil municipal est compétent pour abroger tout ou partie du plan local d’urbanisme, ou dans le cas d’un plan local d’urbanisme intercommunal, c’est le conseil communautaire qui est compétent [16].

Le maire peut toutefois refuser de saisir le conseil municipal d’une demande d’abrogation du plan local d’urbanisme lorsqu’une telle demande n’est pas fondée [17].

Le refus du maire ou du président du conseil communautaire de saisir le conseil délibérant en vue de l’abrogation du plan local d’urbanisme peut être contesté devant la juridiction administrative dans un délai de deux mois à compter de ce refus.

En plus de la demande d’annulation de la décision du maire ou du président du conseil communautaire il devra être demandé à la juridiction d’enjoindre le maire ou le président du conseil communautaire de saisir l’organe délibérant en vue d’inscrire à l’ordre du jour d’une prochaine séance du conseil municipal ou du conseil communautaire l’abrogation du plan local d’urbanisme en tant qu’il classe telle ou telle parcelle en zone non constructible.

Valentin Carreras Avocat au barreau de Lyon https://carreras-avocat.fr/ [->valentin.carreras@carreras-avocat.fr]

[1Article L151-9 du Code de l’urbanisme.

[2Article L151-9 du Code de l’urbanisme.

[3Article R151-18 du Code de l’urbanisme.

[4Article R151-20 du Code de l’urbanisme.

[5Article R151-22 du Code de l’urbanisme.

[6Article R151-24.

[7Conseil d’État, 23 mars 1979 Commune de Bouchemaine, Lebon 129.

[8CE 3 nov. 1982, Dlle Bonnaire, n°30396 : Lebon 363.

[9Voir par exemple pour une application récente Cour administrative d’appel de Lyon, 1ère chambre, 14 février 2023, 21LY03090, Inédit au recueil Lebon.

[10Tribunal administratif de Limoges, 2ème chambre, 29 juin 2023, n° 2000594.

[11Tribunal administratif d’Orléans, 2ème chambre, 6 juillet 2023, n° 2101396.

[12Tribunal administratif de Nantes, 1ère chambre, 13 juin 2023, n° 2105999.

[13Cour administrative d’appel de Lyon, 1ère chambre, 12 avril 2022, 21LY00487, Inédit au recueil Lebon.

[14Tribunal administratif de Toulouse, 21 janvier 2010, n° 0602191.

[15Cour administrative d’appel de Nancy, 1ère chambre, 10 février 2022, 19NC02661, Inédit au recueil Lebon.

[16Article R153-19 du Code de l’urbanisme.

[17Conseil d’État, 1ère / 6ème SSR, 2 octobre 2013, 367023.

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