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La procédure d’extradition entre le Japon et la France. Par Avi Bitton, Avocat et Aylen Colin, Juriste.
Parution : jeudi 18 janvier 2024
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Qu’est-ce que l’extradition ? Quelles sont les règles applicables à l’extradition ? Quels sont les motifs de refus de l’extradition ? Quels sont les recours contre l’extradition ?

I. Qu’est-ce que l’extradition.

L’extradition est la procédure selon laquelle un État, appelé État requis, examine la demande qui lui est faite par un autre État, appelé État requérant, par laquelle celui-ci lui réclame la remise d’une personne qui se trouve sur son territoire pour la juger pour la commission d’un crime ou d’un délit (l’extradition aux fins de jugement), ou pour lui faire exécuter une peine prononcée pour la commission d’un crime ou d’un délit (l’extradition aux fins d’exécution).

Il s’agit d’une procédure interétatique qui consiste en un dialogue entre États. En France, le juge judiciaire va jouer un rôle de conseil auprès du gouvernement, qui aura la maîtrise finale d’accepter ou non la remise de la personne demandée.

II. Quelles sont les règles applicables à l’extradition ?

Conformément à l’article 696 du Code de procédure pénale (CPP), ce n’est qu’en l’absence de convention internationale entre la France et l’État concerné par la procédure d’extradition, que les dispositions du CPP s’appliquent.

Concernant les relations entre la France et le Japon en matière d’extradition, aucune convention internationale n’a été ratifiée entre les deux États. En outre, l’article 1er de l’Accord entre l’Union européenne et le Japon relatif à l’entraide judiciaire en matière pénale dispose que ce texte n’a pas pour objet de s’appliquer à la procédure d’extradition.

Par conséquent, ce sont les dispositions légales des deux États qui s’appliqueront aux extraditions entre la France et le Japon.

III. Quels sont les motifs de refus de l’extradition ?

A. Les motifs de refus relatifs aux personnes extradables.

1. Le principe de non-extradition des nationaux.

L’un des principes fondamentaux en droit de l’extradition est la non-extradition des nationaux. Cette règle, affirmée aux articles 696-2 et 696-4, 1°, du CPP, déclarée conforme au principe constitutionnel d’égalité par le Conseil constitutionnel [1], vise à protéger les ressortissants de l’État lorsqu’ils se trouvent sur le territoire national. En outre, l’appréciation de la nationalité s’effectue à l’époque de l’infraction pour laquelle l’extradition est requise.

À titre d’exemple, dans le cadre de l’affaire médiatique relative à Carlos Ghosn, ex-PDG de Renault, le Japon a engagé des procédures judiciaires à son encontre, notamment pour abus de biens sociaux et fraude fiscale. Or, s’il venait à se retrouver sur le territoire national français, la France refuserait son extradition vers le Japon, sur le fondement de sa nationalité française et du principe de non-extradition des nationaux.

2. Les obstacles à l’extradition des étrangers.

D’autres motifs de refus en lien avec la personne demandée sont applicables en droit de l’extradition :

B. Les motifs de refus relatifs aux infractions extraditionnelles.

IV. Quelle est la procédure d’extradition et les voies de recours ?

La procédure d’extradition passive, soit lorsque la France est l’État requis, se déroule en plusieurs phases :

Tout au long de cette procédure, la personne réclamée dispose de droits et de voies de recours.

D’abord, lors de la phase judiciaire, la demande d’extradition va être examinée par la Chambre de l’instruction. La décision rendue peut être un avis négatif à l’extradition si la cour estime que les conditions légales ne sont pas remplies ou qu’il y a une erreur évidente, ou un avis positif.

Dans le cas d’un avis positif à l’extradition, la personne réclamée pourra se pourvoir en cassation pour contester cette solution. Cependant, le pourvoi ne pourra être fondé que sur des vices de forme de nature à priver l’avis rendu des conditions essentielles de son existence légale (article 696-15 CPP).

Lorsqu’un avis négatif définitif sur l’extradition est rendu par l’autorité judiciaire, le gouvernement français devra notifier le refus d’extradition par voie diplomatique à l’État requérant (article 696-17 CPP).

En revanche, lorsqu’un avis positif définitif sur l’extradition est rendu par l’autorité judiciaire, le gouvernement français pourra, soit décider de la refuser, soit donner suite à l’extradition. Dans ce cas, une autre voie de recours est ouverte à la personne réclamée.

En effet, l’acte étant un décret du Premier ministre, un recours devant le Conseil d’État est ouvert, et devra être formé dans un délai d’un mois (article 696-18). Le Conseil d’État pourra alors rejeter le pourvoi et la personne sera extradée, ou annuler la procédure en cas d’excès de pouvoir.

Avi Bitton, Avocat au Barreau de Paris Ancien Membre du Conseil de l’Ordre Site: [->https://www.avibitton.com]

[1Cons. const., QPC, 14 novembre 2014.

[2Conseil d’État, 27 février 1987, 78665 ; Cour européenne des droits de l’homme, Soering c. Royaume-Uni, 7 juillet 1989.

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