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Licenciement pour insuffisance professionnelle : conditions et réalisation des objectifs. Par M. Kebir, Avocat.
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Parution : mardi 17 octobre 2023
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Rattachée à la "compétence" du salarié dans l’exécution des missions contractuelles, la motivation du licenciement pour insuffisance professionnelle requiert prudence et rigueur.
En outre, incombant à l’employeur, la preuve de l’incompétence doit démontrer que le licenciement est consécutif à l’insuffisance présumée. Laquelle est nécessairement imputable au salarié, présentant par ailleurs une certaine gravité.
Contrairement à la rupture fautive aux torts du salarié, l’insuffisance professionnelle ne sera fondée que si le grief, relatif au manque de compétence invoqué - une cause réelle et sérieuse - est suffisamment précis et matériellement vérifiable, au travers des éléments concrets et objectifs.
L’insuffisance professionnelle est, dans certains cas, une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Concrètement, le salarié n’est pas en mesure d’exécuter ses missions, conformément aux attentes raisonnables de l’entreprise.
Au fond, l’insuffisance est appréciée au cas par cas, susceptible de constituer un motif personnel de licenciement.
A la différence des aux autres motifs de licenciement, l’insuffisance professionnelle repose sur une motivation propre inhérente, non pas à une quelconque faute, mais à l’écart entre la compétence du salarié et les exigences du poste.
Aussi est-elle exclusive de toute faute : le régime juridique applicable n’est pas celui appliqué au licenciement pour motif disciplinaire.
Sur le terrain procédural, la procédure de licenciement relève du droit commun [1].
Pour constituer une cause réelle et sérieuse (Voir notre publication Licenciement sans faute : la voie étroite de rupture pour insuffisance de compétence ou de résultats), l’insuffisance professionnelle doit être prouvée par des éléments concrets, objectifs, vérifiables, imputables au salarié [2].
Dit autrement, la preuve, à la charge de l’employeur, repose nécessairement sur :
En cela, il est écarté le "manque d’imagination, d’initiative et de dynamisme commercial" [3].
Pour le dire autrement, à chaque fois que l’insuffisance professionnelle n’est pas établie, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse [4].
S’agissant des cas d’ouverture, le motif de l’insuffisance professionnelle est fonction du poste. Quelques motifs admis :
Par une une appréciation souveraine, le juge prend en compte notamment :
Par ailleurs, l’employeur qui licencie un salarié pour insuffisance professionnelle doit avoir respecté son obligation de formation et d’adaptation du salarié à l’évolution de son poste de travail conformément aux dispositions de l’article L6321-1 Code du travail :
"L’employeur assure l’adaptation des salariés à leur poste de travail.
Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations.
Il peut proposer des formations qui participent au développement des compétences, y compris numériques, ainsi qu’à la lutte contre l’illettrisme, notamment des actions d’évaluation et de formation permettant l’accès au socle de connaissances et de compétences défini par décret.
Les actions de formation mises en œuvre à ces fins sont prévues, le cas échéant, par le plan de développement des compétences" [8].
En ce sens, les erreurs du salarié ne doivent pas être imputables à un manque de formation. Qui plus est, l’employeur doit adapter le travail à l’Homme [9].
Du reste, l’insuffisance professionnelle est distincte de l’insuffisance de résultats : la seule insuffisance de résultats n’est pas en soi une cause réelle et sérieuse de licenciement :
"Aucune clause du contrat de travail ne peut valablement décider qu’une circonstance quelconque constituera une cause de licenciement ; qu’il appartient au juge d’apprécier, dans le cadre des pouvoirs qu’il tient de l’article L122-14-3 du Code du travail, si les faits invoqués par l’employeur dans la lettre de licenciement peuvent caractériser une cause réelle et sérieuse de licenciement ;
Qu’en statuant comme elle l’a fait, alors qu’il lui appartenait d’apprécier, d’une part, si les objectifs, fussent-ils définis au contrat, étaient réalistes, d’autre part, si la salariée était en faute de ne pas les avoir atteints, la cour d’appel, qui a méconnu ses pouvoirs, a violé le texte susvisé" [10].
Tel que rappelé plus haut, eu égard aux dispositions de l’article L6321-1 du Code du travail, l’employeur doit assurer l’adaptation de ses salariés à leur poste de travail.
Concrètement, il lui incombe de proposer aux salariés les actions de formation nécessaires, adaptées et conformes aux exigences du poste et l’évolution légitime de la carrière du salarié.
Sur ce fondement, l’insuffisance professionnelle serait opérante seulement et seulement si les moyens en termes de formation et de temps d’adaptation lui sont assurés.
En conséquence, tel n’est pas le cas lorsque l’employeur n’a pas mis en œuvre la formation spécifique et l’accompagnement suffisants qu’exigeait l’exécution de tâches consécutives à l’évolution du poste :
"La fonction de responsable d’exploitation n’impliquait pas celle d’exécuter la préfacturation informatique confiée à la secrétaire que le salarié avait dû remplacer à compter du mois de février 2003 en raison d’un congé-maladie de longue durée, sans autre formation informatique que celle de deux jours dispensée en mai 2002 aux directeurs régionaux, de secteur, responsables d’exploitation, commerciaux et secrétaires, la cour d’appel qui a constaté que l’employeur n’avait pas mis en place la formation spécifique et l’accompagnement suffisants qu’exigeait l’exécution de tâches nouvelles sur un nouveau logiciel, a pu décider sans se contredire, que le licenciement du salarié qui n’avait jamais fait l’objet d’une quelconque critique dans ses fonctions de responsable d’exploitation, était dépourvu de cause réelle et sérieuse" [11].
La partie variable du salaire, au-delà des pratiques diverses, est strictement encadrée par la Jurisprudence.
De principe constant, les objectifs d’un salarié peuvent être définis par l’employeur dans le cadre de son pouvoir de direction [12].
En ce sens, la Chambre sociale a récemment rappelé que la rémunération variable dépend d’objectifs définis unilatéralement par l’employeur dans le cadre de son pouvoir de direction :
En outre, au visa de l’article L1321-6 Code du travail, la Haute cour a jugé que l’obligation de rédiger en français les objectifs retenus pour le calcul de la rémunération variable.
Au fond, la fixation unilatérale des objectifs est atténuée par des principes prétoriens protégeant le salarié :
Le manquement de l’employeur peut ainsi justifier la prise d’acte de la rupture du contrat ou une résiliation judiciaire.
En ce sens, il appartient au juge du fond de déterminer le montant de la rémunération variable, en fonction des critères visés au contrat de travail et des accords conclus les années précédentes et, à défaut, des données de la cause [19].
Par ailleurs, l’employeur qui licencie un salarié pour insuffisance professionnelle doit avoir respecté son obligation de formation et d’adaptation du salarié à l’évolution de son poste [20] :
Du reste, l’insuffisance professionnelle est distincte de l’insuffisance de résultats :
En définitive, l’appréciation de la compétence dépend, au fond, de l’exécution de bonne foi de la relation contractuelle et la réalisation loyale des objectifs. Le salarié licencié pour ce motif a droit au respect du préavis et au bénéfice des indemnités de licenciement. Les litiges y afférentes gagneraient à trouver une issue concertée, voulue, rapide et durable au travers les modes amiables.
Me. Kebir Avocat à la Cour - Barreau de Paris Médiateur agréé, certifié CNMA Cabinet Kebir Avocat E-mail: [->contact@kebir-avocat-paris.fr] Site internet: www.kebir-avocat-paris.fr LinkedIn : www.linkedin.com/in/maître-kebir-7a28a9207[1] Articles L1232-2 à L1232-6 Code du travail.
[2] Cass. Soc, 20 sept. 2006, n°04-48.381.
[3] Cass. Soc, 2 juin 1988, n°2069 D.
[4] Cass. Soc., 1er juillet 1981, N°79-42.423.
[5] Cass. Soc. 6 décembre 2000, n° 98-45.929.
[6] Cass. Soc. 20 février 1990 n° 87-43.411.
[7] Cass. Soc, 4 janvier 2000 n°97-45.292.
[8] Article L6321-1 Code du travail.
[9] Article L4121-2 Code du travail.
[10] Cass. Soc. 14 nov. 2000, n° 98-42.371 P.
[11] Cass. Soc., 20 mai 2009, n° 07-42.945.
[12] Cass. Soc. 22-05-2001 n° 99-41.838.
[13] Cass. Soc. 7 juin 2023 n°21-23.232.
[14] Cass. Soc., 7 juin 2023, n° 21-20.322.
[15] Cass. Soc. 2-12-2003 n° 01-44.192.
[16] Cass. Soc. 13-01-2009 n° 06-46.208.
[17] Cass. Soc. 2-03-2011 n° 08-44.978.
[18] Cass. Soc. 29-06-2011 n° 09-65.710.
[19] Cass. Soc. 15-5-2019 n°17-20.615.
[20] Article L6321-1 Code du travail.
[21] Article L4121-2 Code du travail.
[22] Cass. Soc. 14 nov. 2000, n° 98-42.371 P.
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